L'ANDAM (Association Nationale pour le Développement des Arts de la Mode), présidée par Pierre Bergé décerne chaque année deux grands prix pour repérer et lancer les talents de demain sur la scène française et internationale. Placée sous la double tutelle de l'Industrie et de la Culture, la mode est un fort vecteur de croissance, d'emploi et de rayonnement. Une place où Paris continue de rayonner. Trois questions à Nathalie Dufour, fondatrice et directrice de l'ANDAM depuis 1989.

Qu'est-ce qu'un talent aujourd'hui dans la mode?

Un talent, c'est d'abord un potentiel créatif évident. Il faut avoir une vision de la mode, posséder un univers riche, mais aussi être capable d'imprimer sa marque, de développer une stratégie commerciale. Il faut montrer qu'on sait à la fois dessiner une collection et gérer sa société. La créativité ne suffit pas. Elle doit s'accompagner d'un véritable sens des affaires. En témoignent nos deux lauréats de l'édition 2013: Alexandre Mattiussi avec sa marque AMI pour le Grand Prix et Christine Phung pour la deuxième édition du prix des Premières collections. Avec une formation qui leur a apporté un solide bagage – ils sortent tous deux de l'école Duperré à Paris – ils sont représentatifs d'une génération qui pense simultanément création et développement économique. Accompagnés par nos mécènes [Fashion GPS, La Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent, Hudson’s Bay Company, Longchamp, LVMH, Les Galeries Lafayette, OTB, Swarovski, thecorner.com, la maison Yves Saint Laurent, ndlr]– , et grâce au prix de l'Andam (avec en 2013 une dotation exceptionnelle de 250 000 €), ils ont aujourd'hui les moyens de pérenniser leur marque.

La mode se retrouve au carrefour de l'industrie et de la mode...

Il y a vingt ans, les créateurs étaient envisagés uniquement comme des artistes. Puis, une mutation s'est opérée. Il a fallu ouvrir le statut de la mode, préparer son avenir. Pierre Bergé l'a bien compris et participe pleinement avec Yves Saint Laurent à ce mouvement avec l'ouverture en 1963 de la boutique Saint Laurent rive gauche. Ensemble, ils font descendre le luxe dans la rue. C'est une évolution sociale et culturelle majeure. La mode reste un art, hautement porté par les valeurs culturelles, mais plus seulement. La double tutelle des ministères de la Culture et de l'Industrie est aujourd'hui nécessaire. La mode reste vecteur de prestige, de rayonnement. Pour le maintenir, l'accentuer, le versant économique est indispensable.

Avec toujours en son cœur Paris?

Tout le monde converge vers Paris. C'est là où ont lieu les plus beaux défilés. Les compétences françaises, les ateliers, les savoirs-faire sont internationalement reconnus. Paris reste la capitale avec une dimension internationale forte. Les stylistes de toutes les nationalités s'y retrouvent. De plus, Paris est aussi un endroit où les affaires se font : en 2012, c'est Paris qui a capitalisé le plus de business. C'est cet alliage, entre la culture et son poids économique, le luxe et la richesse, qui fait la spécificité de la mode en France. La mode est cette industrie culturelle vecteur d'emploi et de croissance qu'il faut continuer à incarner fortement. Les politiques ont ici un rôle à jouer : porter cette industrie culturelle comme un emblème. Et ne pas hésiter pour un homme, ou une femme politique de porter les vêtements des jeunes créateurs en devenir.