Lancée à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’exposition « Cartooning for women » porte, avec humour et dérision, un autre regard sur l’égalité femmes-hommes.

C’est un événement de salubrité publique. En présentant en accès libre des dessins de presse sur les questions liées à l’égalité femmes-hommes, l’exposition « Cartooning for women », qui se tient à Angers jusqu’au 31 mars, renouvelle de façon éclatante notre regard sur ces problématiques. Avec humour et dérision, ces dessins, qui complètent par le rire ou le sourire la publication des résultats de l’Observatoire 2022 de l'égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication (voir encadré), réjouissent l’œil et aiguisent l’esprit en condensant sans fard les travers d’une société – la nôtre – largement inégalitaire.

Conçue par l’association Cartooning for peace avec le soutien du ministère de la Culture et de la Fondation RAJA – Danièle Marcovici, sous égide de la Fondation de France, l’inauguration de l’exposition « Cartooning for women » comprend plusieurs dimensions. Une dimension européenne, en marge de la réunion informelle des ministres européens de la culture qui se tient à Angers les 7 et 8 mars dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Une dimension liée au lancement du forum Égalité organisé, du 8 au 10 mars, à Angers, dans le cadre de la saison France-Portugal. Entretien avec le président de Cartooning for Peace, le dessinateur Kak

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Dessin de Carrilho (Portugal)pour « Cartooning for Women » © Cartooning for Peace

Que découvrira-t-on à Angers dans le cadre de l’exposition « Cartooning for women » ?

L’une des missions de Cartooning for Peace est de promouvoir le dessin de presse et ses dessinateurs et dessinatrices notamment dans le cadre d’expositions et de grands événements culturels et institutionnels. L’exposition « Cartooning for Women » présentée à Angers a pour origine le livre En avant toutes, co-édité il y a deux ans avec les éditions Gallimard et préfacé par Laure Adler. À travers le dessin de presse, le livre met en avant l’égalité femmes-hommes et a donné lieu à une série de dessins de presse sur ce thème et plus largement sur les droits des femmes et les violences faites aux femmes. L’exposition sera présentée dans deux endroits différents de la ville, sur les grilles du jardin des plantes et au musée Pincé.

Ceci n’est pas sans rappeler l’action du collectif de photographes Dysturb dont les photos sont affichées dans l’espace public.

C’est un peu la même démarche. Nous sommes toujours enthousiastes quand nos expositions peuvent êtres vues dans l’espace public. L’amplitude horaire est plus grande mais il n’y a pas que cela. Quand c’est un lieu clos, le public présent fait la démarche de venir, il est sensible au sujet et sait sur quoi il va réfléchir. Cela reste naturellement fondamental, mais lorsqu’on est dans l’espace public, comme c’était le cas au mois de juillet lorsque nous avons organisé l’exposition Cartooning for Africa  sous la canopée du forum des Halles, à Paris, nous avons la chance de toucher un public plus large. Or on sait très bien que sur des sujets aussi fondamentaux, c’est par petites touches successives et répétitives, parce qu’on est plongé dans le sujet que l’on peut faire sa mue intérieure. C’est particulièrement vrai sur la question des relations femmes-hommes.

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Dessin de Adene (France)pour « Cartooning for Women » © Cartooning for Peace

Le mouvement #MeToo a été un moment de bascule s’agissant des droits des femmes. Avez-vous observé un avant et un après #MeToo dans le dessin de presse ?

Les dessinateurs et dessinatrices de presse en général, et les membres de Cartooning for Peace en particulier, partagent d’emblée ce corpus idéologique autour des droits de l’homme et de l’égalité femmes-hommes. Mais il est évident qu’après un mouvement de ce type, qui provoque une accélération de la prise de conscience du grand public, les dessinateurs de presse ont redoublé d’ardeur.

Les dessinatrices ont également été davantage mises en avant. Un exemple : il y a un an, dans le cadre de la succession de Plantu au journal Le Monde, nous avons réfléchi à la façon dont nous allions mettre en pratique l’accord passé avec le quotidien du soir consistant à ce que des dessinateurs du collectif de Cartooning for Peace se succèdent à la Une. Le journal a souhaité qu’un tiers des propositions émane de femmes. Nous l’aurions fait de toute façon mais il est éloquent qu’ils l’aient demandé. Pourquoi seulement un tiers pourrait-on me rétorquer. En vérité, c’est une proportion déjà importante. Le monde du dessin de presse, bien qu’accueillant, est en effet encore très masculin. On doit être à 5% de femmes dans la profession. Nous sommes à 15% parmi nos membres.

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Dessin de Willis from Tunis (Tunisie) pour « Cartooning for Women » © Cartooning for Peace

Vous avez choisi les dessinatrices Adene et Cristina comme ambassadrices de l’exposition.

Sur un thème comme celui-ci, nous tenions à avoir des ambassadrices. Nous avons donc constitué un tandem franco-portugais, parce que l’événement est organisé dans le cadre de la Présidence française de L’Union européenne, de la saison France-Portugal coordonnée par l’Institut français et du mois de l’égalité de la ville d’Angers. Le Portugal a une immense tradition de dessin de presse et possède de nombreux dessinateurs de haut niveau, dont Cristina. Son style graphique est très design et esthétique. Ses dessins sont repris dans de nombreux magazines à travers le monde. Qui plus est, elle est francophone. Adene est Française mais aussi bi-culturelle : elle vit à Madrid et connaît très bien le Portugal.

En quoi consistera la campagne en ligne « Cartooning for women » ?

Nous organisons des campagnes en ligne dès que nous sentons la nécessité de mettre en avant un sujet de façon plus intense pendant une période donnée. Nous lançons un appel à dessins à l’ensemble de nos membres qui ont également la possibilité de nous proposer de nouveaux dessins. D’autre part, nous avons aujourd’hui un stock de l’ordre de 25 000 dessins dans notre « cartoonothèque ». On choisit ceux qui s’inscrivent sur cette thématique et correspondent le mieux à notre propos. Ensuite, nous diffusons les dessins en ligne sous un hashtag commun, en l’occurrence #cartooningforwomen, et nous demandons à nos membres de faire de même. Cela crée une émulation collective autour de ces dessins qui sont vus un peu partout dans le monde.

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Dessin de Cristina (Portugal) pour « Cartooning for Women » © Cartooning for Peace

La pédagogie sur la question des droits de l’homme et plus largement de la liberté d’expression est un autre volet de votre action. Comment procédez-vous ?

Nous faisons des centaines d’ateliers chaque année en France et dans d’autres pays à destination d’élèves du primaire, du collège et du lycée essentiellement. Nous intervenons également dans des établissements pénitentiaires. Lors de leur venue à Angers, Adene et Cristina animeront deux ateliers-rencontres dans le cadre du partenariat qui nous unit au Conseil départemental du Maine-et-Loire. Elles rencontreront également les étudiants de l’école supérieure d’art et de design, l’Atelier.

La vitalité du dessin de presse est sans doute le signe que la liberté d'expression est bien vivante dans une société...

Le dessin de presse est en effet l’une des formes les plus vivantes de la liberté d’expression. Plantu appelle les dessinateurs de presse, les baromètres de la démocratie. Le dessinateur de presse est un journaliste, et il manie la dérision, se moque des puissants, amène les gens à réfléchir différemment et offre un remède contre la peur. En promouvant le dessin de presse, nous mettons aussi en avant, dans les régimes où la liberté d’expression s’applique, cette capacité non seulement à laisser s’exprimer mais aussi à promouvoir des journalistes artistes qui vont donner un regard singulier et souvent critique sur l’actualité.

Observatoire 2022 : la parité en voie d’être atteinte au ministère de la Culture, au sein des opérateurs nationaux et dans l’audiovisuel public

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La nouvelle édition 2022 du rapport de l’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication montre que la part des femmes progresse dans l’encadrement intermédiaire de l’administration centrale du ministère et de celui de ses opérateurs, et la représentation est également de plus en plus paritaire au sein des conseils, commissions, instances et jurys des métiers de la culture. Les femmes occupent trois des cinq postes de présidence des entreprises de l’audiovisuel public.

En comparaison, elles restent minoritaires à la direction d’administration centrale du ministère, et à la tête des cent premières entreprises des secteurs culturels en termes de chiffre d’affaires, où l’on trouve moins d’une femme pour six hommes.

L’Observatoire s’enrichit cette année de nouvelles données sur la place des œuvres des femmes. Dans de nombreux domaines, les œuvres des professionnelles de la culture restent moins programmées que celles des hommes, et elles accèdent moins souvent qu’eux à la consécration artistique. Elles sont ainsi peu primées dans les rencontres emblématiques du cinéma, de la musique, du théâtre, de l’architecture ; en revanche, elles sont mieux représentées dernièrement en photographie.