Aujourd'hui, la nature et les paysages constituent, plus que jamais, des motifs d’expression de citoyenneté pour tous ceux qui s’engagent en faveur de la préservation de l’environnement. Dernier volet de notre série sur les JEP 2016 : patrimoine et éco-citoyenneté (3/3).

A Marseille, un jardin de quartier prend son essor : le Jardin de la Rotonde

Dans le quartier de Saint-Charles, des voisins se sont rapprochés pour créer en 2015 un jardin qui réponde aux plus hautes exigences de l’écologie. Implanté dans un square municipal entièrement circulaire, il doit encore faire ses preuves aux yeux de la mairie, mais exerce déjà une forte attraction sur les riverains. Quelques heures par semaine, ceux-ci peuvent s’initier aux techniques de l’agro-écologie en milieu urbain. « Ils nous voient au travail toute l’année, explique Gilles Guégan, l’un des acteurs du collectif de voisins. Pendant les Journées du patrimoine, les portes seront grandes ouvertes. Les visiteurs croqueront avec nous la récolte de la saison obtenue dans nos huit grands bacs, mais aussi dans un petit bac pour les enfants. Nous avons fabriqué ces bacs à l’aide des matériaux de récupération apportés par les habitants. La terre aussi, nous l’avons fabriquée sans aucun ajout, à partir de feuilles et de déchets urbains: sacs de copeaux fournis par un menuisier, épluchures fournies par un restaurateur... Nous pratiquons la « culture sur lasagne », ainsi appelée parce qu’elle est formée de couches successives alternant déchets azotés et déchets carbonés. Bientôt, nous fabriquerons aussi nos propres outils». A l’ombre des trois vieux platanes et de l’énorme chêne vert pluriséculaire, parure de ce square, les habitants se retrouvent autour des questions de l’écologie : recyclage des déchets, économie d’eau, rotation des cultures, nourriture saine. Une proximité chaleureuse se crée. La place Alexandre Labadie, d’ailleurs, sert depuis plusieurs années de lieu de livraison pour le « Panier de la Rotonde ». A Marseille comme ailleurs, cette pratique permet au consommateur, sur la base d’un engagement à l’année, d’acheter des légumes de saison. Elle est l’œuvre d'une association pour le maintien de l'agriculture paysanne (AMAP), du réseau des Paniers marseillais.

Un tel jardin a valeur d’exemple dans un milieu urbain aussi saturé par la voiture que Marseille

Un tel jardin a valeur d’exemple dans un milieu urbain aussi saturé par la voiture que Marseille. « Il existe peu de marchés en ville, et donc une réelle attente de la part des gens. Dans le quartier nord de Marseille, des jardins renaissent et rejoignent le réseau des jardins solidaires méditerranéens – jardins ouvriers, partagés, de quartier. Cela va de pair avec le besoin des gens de faire ensemble quelque chose et de se réapproprier l’espace public ». C’est bien le propos des quelque trente membres du collectif du Jardin de la Rotonde, d'horizons professionnels divers. Ils rêvent de faire revivre cette place publique qui fut longtemps un terrain de boules, de lui redonner une âme, de ressusciter – aussi - son histoire architecturale unique. Les Journées européennes du patrimoine sont une vraie opportunité pour ce jardin prometteur. « Il y a une belle symbiose entre le thème des Journées européennes du patrimoine et le Jardin de la Rotonde ».

A Coconi (Mayotte), le lycée agricole continue son œuvre de pionnier

Sur un territoire de la République aussi éloigné de la Métropole que Mayotte, patrimoine rime avec citoyenneté. Le hameau de Coconi, au centre de Mayotte, est un petit coin de paradis. C’est aussi un agro-pôle réputé qui concentre un jardin botanique, une pépinière, une cocoteraie, de nombreuses coopératives... Depuis 1975, le lycée agricole - une petite structure familiale de 300 élèves - et ses structures de production se distinguent dans les domaines de l’agro-écologie et de l’agro-foresterie : une tradition millénaire de Mayotte. On y pratique le paillage, le compostage, l’alternance des cultures, on utilise des insectes auxiliaires endémiques pour lutter contre les ravageurs... On organise le Marché paysan mensuel (60 exposants, des restaurateurs), la Fête de la nature, la Semaine du goût, la Journée de l’élevage, les Journées européennes du patrimoine... D’ici 2025, en production maraichère, l'objectif est d'atteindre une réduction de 50 % de l'utilisation des produits phytosanitaires dans le cadre du plan éco-phytosanitaire ... Pour Laetitia Vannesson, directrice d’exploitation, « le lycée est engagé dans une démarche 100 % écologique et citoyenne, afin que chaque habitant puisse se sentir acteur de la préservation de son île ».

Le lycée est engagé dans une démarche 100 % écologique et citoyenne, afin que chaque habitant puisse se sentir acteur de la préservation de son île

Car ce petit coin de paradis est menacé. « Le gros problème sur une île est la gestion des déchets. Nous y sensibilisons les enfants dès la maternelle. Nos élèves ont construit un petit composteur maison, à poser sur un balcon. Un autre problème est l’érosion des sols, liée aux pluies, à la topographie des parcelles souvent en pente et parfois mises à nu pour la culture de bananiers. La mise en place de parcelles en terrasse et l'association de cultures sont des réponses à développer pour remédier à ce problème.». Le thème de ces Journées, « patrimoine et citoyenneté », parle au monde agricole mahorais. Ici, chaque habitant possède un petit lopin de terre et pratique l'élevage. Chacun est fier de son patrimoine local, qu’il soit naturel, agricole ou traditionnel. La grande fierté est la cocoteraie expérimentale de 2,5 hectares du lycée. Le projet qui s’y développe a pour but de régénérer la cocoteraie mahoraise, car les arbres vieillissent et peu nombreuses sont les personnes qui y grimpent encore. Il s’agit de produire des plants et de revaloriser tous les produits et sous-produits du cocotier. Pendant les Journées européennes du patrimoine, le lycée organisera des visites commentées de l’atelier maraîcher, des ruches et de la cocoteraie expérimentale.