Revitaliser nos centre-ville, tel est l’objectif du programme "Action Cœur de Ville", coordonné par le Commissariat général à l'égalité des territoires, qui comporte un important volet culturel. A l’occasion de la Rencontre nationale "Innovations urbaines en cœur de ville", qui s'est tenue le 19 mars à la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris, Franck Riester revient sur les enjeux de cet ambitieux programme.

Avec 5 milliards d'euros d'investissements sur cinq ans, le programme "Action Cœur de Ville" constitue un ambitieux plan d'action dont l'objectif est de revitaliser nos centre-ville. Quelle est la place du ministère de la Culture dans cette action d'envergure?

Le ministère de la Culture est pleinement mobilisé dans le programme national « Action Cœur de Ville » depuis son lancement il y a un an, en mars 2018 : cette mobilisation concerne à la fois son administration centrale, ses services déconcentrés et ses réseaux professionnels. Au niveau national, le ministère de la Culture est associé au pilotage du programme et contribue à son enrichissement, notamment à travers le projet de réforme du dispositif Malraux. Au niveau des services déconcentrés, les DRAC participent aux comités de pilotage régionaux, sous l’égide des Secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR). L’objectif est d’accompagner les 222 territoires Action Cœur de Ville dans leurs projets de revitalisation, où les projets patrimoniaux et architecturaux jouent un rôle essentiel, et qui s’appuient également sur la dynamisation de la vie locale par les commerces et les équipements culturels.

Le dispositif Malraux prévoit un plafonnement d'impôts pour les opérations de restauration situées dans les centre-ville historiques : quels sont les enjeux liés à l’évolution de ce dispositif ?

La loi « Malraux » a créé les secteurs sauvegardés en 1962, devenus sites patrimoniaux remarquables depuis la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP). En complément, un avantage fiscal particulier a été créé en 1977. Ce dispositif a eu un effet favorable à la revitalisation des centres historiques à travers des opérations de restauration de bâti ancien, et a ainsi évité que les centres-villes ne se dégradent, voire soient détruits.

Des acteurs du patrimoine ont proposé de nouvelles mesures pour dynamiser ce dispositif. Une réflexion est actuellement en cours avec le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) pour le rendre plus efficace et répondre aux enjeux actuels de revitalisation de nos centres-villes.

Parmi les propositions du ministère, figure une expérimentation : les "Quartiers culturels créatifs". Pourquoi cette initiative est-elle emblématique de la mobilisation du ministère de la Culture ? 

Avec les « Quartiers culturels créatifs », le ministère de la Culture, en lien avec le CGET et avec le soutien de la Banque des territoires, veut expérimenter un concept innovant de développement urbain, qui s’appuie sur la mise en synergie, dans un périmètre incluant idéalement un édifice patrimonial ou remarquable, d'un dispositif d’accompagnement dédié aux entrepreneurs culturels au sens large, du type tiers- lieu ou incubateur, de commerces culturels et d'équipements culturels. L’objectif est de dynamiser l’activité locale en encourageant les hybridations, les rencontres, et en créant des flux de publics. Le ministère de la Culture a cette capacité d’inventer des modèles de développement innovants en mobilisant et en croisant ses différents secteurs d’intervention : le patrimoine, l’architecture, la création, les commerces et les équipements culturels, l’entrepreneuriat... Si certaines villes du programme Action Cœur de Ville se montraient intéressées par cette expérimentation, celle-ci pourrait se concrétiser par un appel à manifestation d’intérêt auprès d'elles. Je suis persuadé que l’innovation culturelle est un levier essentiel de revitalisation urbaine.

Patrimoine, architecture, création, commerces culturels, bibliothèques, Micro-folies, éducation artistique et culturelle... Dans tous leurs domaines d'intervention, les DRAC ont un rôle éminent à jouer pour revitaliser les centre-ville. Est-il envisageable que, d'ici 5 ans, 100% des 222 villes du programme Action Cœur de Ville soient accompagnées par les DRAC ?

Oui, au-delà des secteurs du patrimoine et de l’architecture ou des commerces culturels, les DRAC ont vocation à accompagner les 222 villes du programme Action Cœur de Ville dans l’ensemble de leurs domaines d’intervention : elles peuvent notamment contribuer à l’enrichissement du Programme par la mise en synergie avec le Plan Bibliothèques, le programme Micro-Folies (MF) e la politique en matière d’Éducation artistique et culturelle, qui inclut le pass Culture. Au terme des 5 années du Programme, mon ambition est effectivement que 100% des 222 villes du Programme Action Cœur de Ville bénéficient d’un accompagnement par la DRAC dans le cadre de ses dispositifs d’intervention de droit commun. Le ministère de la Culture peut s’appuyer sur un très riche maillage culturel du territoire (bibliothèques, musées, théâtres, centres d’art, cinémas…), des services déconcentrés au plus près des élus et des territoires (conservations des antiquités et objets d'art, notamment) et sur de nombreux leviers d’intervention : le dispositif Site Patrimonial Remarquable (SPR), le label Ville et Pays d’art et d’histoire (VPAH), la commande publique, l’EAC… C’est par la mobilisation de l’ensemble de ces leviers que l’objectif des 100 % de villes accompagnées pourra être atteint.

A travers l’appel à manifestation d’intérêt "Réinventons nos cœurs de ville" et la Rencontre nationale qui s'est tenue le 19 mars, le ministère de la Culture place l'audace architecturale au cœur de la revitalisation des centres-villes. Qu'en attendez-vous ?

A l’heure où notre pays semble fracturé par les inégalités territoriales, une Rencontre comme celle d’aujourd’hui, qui rassemble professionnels de l’innovation urbaine et représentants des collectivités, doit être l’occasion de réaffirmer la volonté de l’État d’accompagner les villes moyennes dans leurs projets de revitalisation et celle de mon ministère d’y contribuer, avec l’expertise et les modalités d’intervention qui sont les siennes. Les acteurs de la culture, et notamment ceux de l’architecture et du patrimoine, sont de véritables acteurs de la revitalisation des territoires. Un projet de revitalisation d’un centre-ville est essentiellement un projet culturel qui doit permettre à une ville de se réinventer, en alliant les enjeux de la création architecturale et de la valorisation des patrimoines et en utilisant toutes les ressources de l’art et de la culture comme leviers d’innovation urbaine.

Réinventons nos cœurs de ville : les lauréats de la consultation nationale

La 2e rencontre nationale Action Cœur de Ville, qui s'est tenue le 19 mars à la Cité de l'architecture et du patrimoine, s'est conclue par l’annonce des lauréats de la consultation nationale « Réinventons nos cœurs de ville » par Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Rappelons que le but de cette consultation était de faire émerger des sites en centre-ville porteurs de projets emblématiques et qui bénéficieraient d’un accompagnement dédié dans l’élaboration de leur propre appel à projet local.

53 villes lauréates ont été désignées pour être accompagnées dans le lancement d’un appel à projet local. Ces villes bénéficieront d’une mise à disposition d’expertise et d’ingénierie complémentaire afin de formaliser les éléments constitutifs d’un appel à projet. Elles recevront ensuite une subvention à hauteur de 30 000 euros par ville afin de couvrir tout ou partie des frais induits par une telle opération.

Les 58 autres villes candidates feront quant à elles l’objet d’un accompagnement spécifique pour affiner leur projet et assurer à terme leur concrétisation, avec des moyens financiers et en ingénierie supplémentaires. Initialement non-prévu dans le cahier des charges, ce dispositif complémentaire illustre la formidable mobilisation des acteurs du plan Action Cœur de Ville autour de l’enjeu de la redynamisation des centres-villes.