Jusqu’au 6 décembre, la Semaine de l’accessibilité – soutenue par la fondation d'entreprise FDJ – se décline au Château de Versailles avec l'exposition « Le Roi est mort », saisissante mise en scène autour du tricentenaire de la mort de Louis XIV. Premier volet de notre enquête sur les nouvelles initiatives concernant l'accessibilité aux personnes handicapées (1/2).
Laboratoire. Si Versailles attire plus de 7 millions de visiteurs par an, on oublie que, sous Louis XIV déjà, il était encombré en permanence de milliers de courtisans et de visiteurs qui se pressaient les galeries et autres salons. Depuis quelques années, un nouveau chiffre est en constante progression, celui des visiteurs handicapés – près de 6000 en 2014. Il faut savoir qu'en coulisse, se cache une véritable ruche œuvrant pour la cause du handicap – de tous les handicaps. Ici, s'élaborent des mesures concrètes pour améliorer l'accueil du public handicapé dans les établissements culturels, concevoir des parcours ou ateliers spécialement adaptés. Ici, se forgent d'ambitieux partenariats avec des structures de santé ou le monde du handicap. Citons le projet éducatif, artistique et culturel proposé depuis cinq ans à des enfants autistes de l’école Ulysse de l'hôpital Charcot.. Ou encore les visites pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, en lien avec l'association ARTZ. Le château de Versailles vient d’ailleurs de recevoir le « trophée de l'Entreprise citoyenne » des mains de l'association pour les adultes et jeunes handicapés (APAJH). Cette fois, il s'agissait de récompenser une démarche effectuée dans le domaine du handicap au travail... Dans un tel contexte, on comprend toute l'importance de la semaine du handicap. « Cet événementest le fer de lance de notre programmation adaptée, explique Denis Verdier-Magneau, directeur du développement culturel du château de Versailles En nous assurant une forte médiatisation, il nous permet de mieux faire connaître ce que nous faisons tout au long de l'année. Par ailleurs, il a un fort impact sur les tissus associatifs, à qui nous demandons de relayer nos actions auprès de notre public cible. Nous savons que les publics handicapés y sont très attentifs ».
Cour. La règle, à Versailles, veut qu'il n'existe ni public, ni programmation « réservés ». « Tous nos publics ont la même importance à nos yeux, affirme Denis Verdier-Magneau, et l'offre culturelle est la même pour tout le monde ». La subtilité consiste à adapter les visites et les commentaires des conférenciers en les déclinant selon chaque type de handicap. « Avec une exposition aussi fortement théâtralisée que « Le Roi est mort », ainsi que d’autres activités où interviennent des musiciens costumés comme au XVIIIe siècle, on joue sur du velours. Il apparaissait comme naturel et facile de chercher à réaliser une déclinaison à forte tonalité sensorielle ». Les décors monumentaux conçus par Pier Luigi Pizzi font écho aux grandes cérémonies liées aux funérailles royales. « Tout était vécu en musique, à la cour, on l'oublie ! Pensez à l'école des pages. Le silence ne se faisait que quand le roi traversait le château pour se rendre à ses appartements ». Il en résulte un parcours sensoriel remarquablement conçu, où tous les sens seront mis à contribution. Ce parcours va jusqu'à offrir aux visiteurs handicapés certains privilèges dont les visiteurs ordinaires ne bénéficieront pas. Des exemples ? Dans les jardins, les handicapés moteurs ont accès à des bosquets habituellement fermés. Lors de visites tactiles, les aveugles peuvent toucher une copie du collier de la Reine Marie-Antoinette, de même que certains objets, tissus, marbres, boiseries ou bustes. Les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, dont on sait qu'elles réagissent surtout aux aspects émotionnels des objets, peuvent entendre des anecdotes sur la famille royale. L'initiation à l'art de la révérence n'est pas oubliée, et parachève la découverte des « belles manières ».
Jardin. Le programme de ces « Très riches Journées » se poursuit avec des parcours adaptés ouverts sur le parc. « Nous sommes ici, rappelons-le, au milieu du plus grand poumon vert de l'ouest parisien, qui abrite aussi un très ancien patrimoine vert écologique ». L'Orangerie, tout d'abord, habituellement fermée au public. Les visiteurs découvrent ce chef d'œuvre d'architecture édifié par Jules Hardouin-Mansart pour Louis XIV – « une création à l'image d'une cathédrale » –dans son usage originel : la protection des arbres exotiques en hiver.Le successeur du Roi Soleil, Louis XV, était lui aussi un grand écologiste avant l’heure. « Au milieu de ce beau jardin, raconte Denis Verdier-Magneau, on conduisait des recherches scientifiques agricoles et avicoles, afin que le pays puisse se nourrir de manière autonome. Les savants Parmentier ou Jussieu travaillaient sur le Domaine. Nos visiteurs handicapés vont se délecter des détails sur l'herbier de Louis XV avec ses 60 000 espèces rares, et sur le célèbre poulailler de la Reine avec ses 500 races du monde entier ». Au cœur des jardins conçus par André le Nôtre, ils pourront aussi composer leur propre jardin à partir de principes simples expliqués dans l'atelier « Tous les jardins du monde »... L'énumération n'est pas finie, d'autres découvertes attendent le public handicapé. Pour Denis Verdier-Magneau, « c'est un public très en éveil, très utilisateur de notre site. Il est constamment à l'affût de nos offres, et des conditions pratiques qui lui permettront de ne pas les manquer ».