Favorisant les échanges entre équipes déposantes et dépositaires, les récolements ont pour vertu première de dépoussiérer la documentation et de mieux connaître les collections. La preuve en images avec le destin singulier d’un haut de corps longtemps attribué à Marie la Sanglante.

L'histoire était jolie : dans l'immense collection de l'industriel Georges Pauilhac acquise par le musée de l'Armée en 1964, figurait un haut de corps, attribué à Marie Tudor (1516-1558), reine d'Angleterre de 1553 à 1558 et connue sous le surnom de Marie la Sanglante. En 1968, le bien est déposé au musée Carnavalet en échange d'un drapeau du 3e bataillon de la 19e demi-brigade, an X, puis sous-déposé au Palais Galliera, musée de la mode de la Ville de Paris. L'information selon laquelle il s'agit d'un dépôt se perd, et le corsage, attribué un temps au fonds ancien de Rubercy, est étudié par les équipes scientifiques du Palais Galliera. Leur rapport est formel : il ne s'agit en rien d'un habit du 16e siècle comme l'indiquait le registre d'inventaire du musée de l'Armée, mais d'un haut de corsage de théâtre, aux fausses allures de cuirasse, du 19e siècle, recouvert d'une belle broderie liturgique du 17e siècle. L'habit est donc rangé dans les réserves.

C'est le travail préparatoire au récolement des dépôts du musée de l'Armée dans les musées de la Ville de Paris qui a permis en 2021 de le sortir de l'ombre et d'éclairer son histoire singulière.

Illustration principale : Haut de corsage pour théâtre, du 19e siècle, baleine, entièrement rebrodé devant et sur les basques, sans manches, fermé derrière à 13 agrafes, 13 maillons. Un tel bien, assez surprenant dans les registres du musée de l'Armée, est en fait révélateur de la diversité de ses collections (numéro d'inventaire 703 PO).
CCØ Paris Musées / Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris

Illustrations du carrousel :

  1. Le transfert du bien du musée Carnavalet au Palais Galliera avait fait perdre l'information selon laquelle il s'agissait d'un dépôt. L'habit avait donc bénéficié d'un numéro d'inventaire du musée de la mode 
  2. Le bien possédait pourtant déjà un numéro d'entrée du musée de l'Armée, poinçonné sur un ovale en métal argenté, typique des dépôts de ce musée. PO signifie qu'il s'agit d'une des pièces de la collections Pauilhac.
  3. Détail du IHS (abréviation de Jésus en grec, ici à l'envers) au centre de la rose, attestant de l'origine liturgique de la broderie (© CRDOA).