« Beaucoup / Longent l’hôpital // Comme si cela / Ne les concernait
pas », écrit le poète Eugène GUILLEVIC, à l’occasion d’un séjour dans
l’une de ces institutions : l’hôpital, que nous prenons parfois pour un
monde éloigné, est en fait, à bien des égards, à l’image de notre
société. Il reflète nos valeurs – nos peurs, mais aussi nos aspirations.
Pendant trop longtemps, il est resté un lieu séparé du reste de la
société et s’est même parfois voulu un espace de « grand
renfermement » de tout ce qui n’avait pas droit de cité. Puis on a
compris, peu à peu, que les lieux de santé – je dis bien de santé, et pas
de maladie – devaient être intégrés au reste de la cité et de ses
activités. En particulier, nous avons compris que la culture a un rôle clef
à jouer à l’hôpital, sinon dans le processus de guérison, du moins en
accompagnement, ainsi que dans la relation triangulaire qui existe
entre le patient, ses proches et les professionnels de santé. Nous
avons perçu que la culture pouvait être un auxiliaire, un médiateur et
même, peut-être, un levier essentiel de guérison.
Ces affinités électives de la culture et de la santé ne sont d’ailleurs pas
nouvelles, si l’on veut bien y songer : dans l’Antiquité, déjà, Apollon
était à la fois le dieu des arts et le dieu guérisseur ! Et l’histoire de la
médecine est traversée de recherches de thérapies qui ne soient pas
uniquement centrées sur la seule question organique, mais qui
sachent, plus largement, prendre en compte la dimension
psychologique, spirituelle et culturelle du patient – au moyen, en
particulier, de la musique, du dessin, de l’écriture, etc. Tel PROUST
découvrant avec émerveillement le fameux « théâtrophone » et son
pouvoir de faire entrer la musique de WAGNER et de DEBUSSY dans
sa chambre de malade, le patient doit avoir la possibilité de transformer
ce temps de la traversée de la maladie en un temps de réflexion sur
soi, et, je l’espère, d’éveil aux mondes de la culture. Lorsque je dis qu’il
doit en avoir « la possibilité », je pense à ce droit fondamental d’accès
à la culture pour tous et pour chacun d’entre nous, et peut-être surtout
pour ces publics qui en sont éloignés par la maladie. Il est de notre
devoir de donner à l’hôpital cette vertu initiatique, de faire des lieux de
santé l’emblème d’une « culture pour chacun », quel que soit l’espace
et le moment de vie où nous nous trouvons.
Ainsi, après être devenus des lieux d’enseignement et de recherche,
les hôpitaux sont aussi devenus des lieux ouverts aux arts et aux
artistes. Pas à pas, les ministères de la Santé et de la Culture se sont
rapprochés, initialement par la création de bibliothèques en milieu
hospitalier, puis par la signature d’une première convention en 1999.
Cela peut paraître bien tardif, mais il est toujours aisé de porter un
jugement rétrospectif, et c’est faire bon marché des résistances, des
préjugés, et même des blocages qui, là comme ailleurs, retardent
souvent les grandes réalisations. L’essentiel est que nous ayons la
volonté de continuer à nous mobiliser, et d’aller plus loin encore dans
cette voie.
Si nous nous retrouvons aujourd’hui, onze ans plus tard, c’est que de
nombreux succès se sont bâtis sur cette volonté commune, dont certains
d’une qualité exceptionnelle. Je pense à ces duo, trio ou quatuor de
l’Orchestre National des Pays de la Loire qui partagent des moments
mélodiques au CHU d’Angers ; je pense à Sylvain GROUD et à sa
compagnie de danseurs qui apportent de la gaieté dans la maison de
retraite médicalisée du CHU de Rouen ; je pense aussi à l’association Les
Toiles Enchantées, qui met toute son énergie à faire partager son goût du
cinéma dans les lieux de santé ; on pourrait multiplier les exemples
d’initiatives originales et innovantes, qui explorent le champ des possibles.
Parmi tous les acteurs impliqués, l’engagement du Musée du Louvre, du
Château de Versailles, ou encore du Théâtre National de Chaillot, illustre
l’attachement que nos plus grands établissements culturels portent à ce
grand projet en lui donnant l’ancrage institutionnel dont il a besoin.
L’action interministérielle et interdisciplinaire dont cette convention est le
symbole est à mes yeux essentielle, car elle contribue à placer la personne
au centre du dispositif, dans toute sa plénitude et surtout dans toute sa
dignité. Pour preuve de mon attachement personnel à cette invitation de la
culture – et à la culture – dans les lieux de santé, je veillerai à ce que le
budget consacré à cette opération soit en progression.
Je ne vais pas, bien sûr, commenter un par un les quinze articles de la
convention ; chacun a son importance. Je voudrais en dégager les enjeux
essentiels et les principales lignes de force.
Tout d’abord, cette convention prend en compte, comme je le disais, toutes
les parties concernées – patient, famille et professionnels – mais aussi tous
les acteurs, publics comme privés, qui concourent à sa réussite et à sa mise
en oeuvre. L’Etat, les collectivités territoriales en pleine concertation avec
les services déconcentrés de nos ministères respectifs, les associations qui
oeuvrent d’une façon exemplaire sur le terrain, sans oublier le rôle essentiel
du mécénat privé que nous entendons encore renforcer, ni celui de la
coopération internationale – européenne et mondiale – dans laquelle la
France est particulièrement active. Je souhaiterais d’ailleurs, chère
Roselyne, fort de l’expérience et de l’excellence françaises dans ce
domaine, proposer l’organisation, dès 2011, d’un colloque international sur
cette question centrale de la coopération.
Ensuite, cette convention s’efforce de développer l’ensemble des champs
culturels : la pratique, l’expression et la contemplation artistiques, la lecture,
les spectacles, la presse écrite et audiovisuelle... Elle intègre également, ce
qui est nouveau, la qualité architecturale, elle aussi essentielle à un réel
mieux-vivre à l’hôpital. C’est donc, désormais, l’ensemble des champs de
compétences du ministère de la Culture et de la Communication qui est pris
en compte.
Enfin, cette convention contient des avancées extrêmement importantes,
notamment avec l’extension envisagée du dispositif aux centres médicosociaux,
tels les Centres d’Aide au Travail destinés à adapter l’entreprise au
handicap, ou encore au sein des maisons de retraite et des centres de
convalescence. Ce prolongement du dispositif sera expérimentée dans
quatre régions pilotes, selon un respect des critères de qualité qui font sa
force et son efficacité.
Je pense aussi aux efforts importants qui vont être consentis au profit de la
formation des intervenants dans le domaine de la culture, tant à l’échelon
régional qu’à l’échelon national.
Pour soutenir ces efforts, le ministère de la Culture et de la Communication
continuera à sensibiliser les professionnels, notamment par le biais d’un
module consacré à la culture dans la formation initiale des cadres
hospitaliers, ou encore par des ateliers annuels thématiques autour de
représentants du secteur culturel, comme ceux qu’il a organisés les années
précédentes au Théâtre National de Chaillot ou au CNC, et qu’il entend
poursuivre en renouvelant l’expérience.
Je me réjouis également de la création d’une commission chargée d’évaluer
notre action afin de l’adapter au fil du temps, puisque cette convention,
prévue pour trois ans, sera – je l’espère et j’en suis convaincu – reconduite
pour les neuf prochaines années, comme le texte de la convention nous en
offre la possibilité. Je crois pouvoir dire qu’il s’agit d’un mariage d’amour !
Je souhaite enfin que nous organisions ensemble, ministère de la Culture et
ministère de la Santé, de nouvelles « Journées de la culture à l’hôpital » qui,
en 2011, pourraient être l’occasion d’un grand rendez-vous festif et
participatif autour de cette ambition commune qui mobilise nos énergies et
sur laquelle nos concitoyens fondent bien des espoirs. Je forme le voeu que,
par ces journées d’ouverture des hôpitaux, les personnes qui sont à
l’extérieur de l’hôpital et celles qui sont l’intérieur puissent se rencontrer,
dialoguer, échanger, s’enrichir mutuellement et être, sous le signe de la
culture, les acteurs d’une société solidaire et citoyenne.
Dans chacun de nos territoires, cette conjugaison exemplaire de la Culture
et de la Santé, renforcée par cette 2e convention, contribuera à faire des
hôpitaux, et bientôt des centres médico-sociaux, des lieux de partage et de
vie. C’est donc avec un immense plaisir que je vais signer cette convention,
et un plaisir d’autant plus grand que je connais, chère Roselyne, votre
intérêt personnel, sincère et profond pour la culture.
Je vous remercie.
Discours
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion de la signature de la convention Culture et Santé avec Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé et des Sports
Madame la Ministre, chère Roselyne BACHELOT-NARQUIN,Mesdames et Messieurs,Chers amis,
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