De l'interprétation des objets ou des œuvres. Michel Aubry déploie depuis une vingtaine d’années une œuvre programmatique, consistant souvent à interpréter des objets ou œuvres emblématiques de la modernité à travers un vocabulaire formel issu de différents artisanats (facture instrumentale, ébénisterie, art du costume, tapisserie). Le processus de fabrication y est central, régi par un protocole de production subvertissant le rapport entre original et copie.
Pour son exposition au Crédac, Michel Aubry présente des réinterprétations d’architectures éphémères et prototypes de mobilier présentés par l’Union soviétique à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de Paris en 1925 : le Club Ouvrier d'Alexander Rodtchenko, le Kiosque de Konstantin Melnikov, et le Pavillon de l’URSS, également conçu par Melnikov, qui fait ici l’objet d’une production inédite.
Paris, 1925. Alexander Rodtchenko séjourne à Paris pour superviser l’installation de l’exposition de l’URSS au Grand Palais, de son Club ouvrier et des kiosques de Melnikov dont il avait pensé les couleurs. Avec ses formes et matériaux simples, économiques et fonctionnels, l’architecture de Melnikov est alors la matérialisation architecturale de la nouvelle esthétique de la Révolution, l’instrument idéologique d’un rapport renouvelé aux objets et au savoir. Dans les Galeries étrangères, Rodtchenko présentait son Club Ouvrier, un ensemble de mobilier de lecture, de jeu et de socialisation destiné à être diffusé dans tout le pays, reflet d’une utopie d’intégration de tous les arts dans la vie quotidienne et de participation au progrès humain. (…)
L'artiste documente les conditions de production de ces projets d’avant-garde afin de les mettre en pratique dans un contexte différent. Ainsi, il établit dès la fin des années 1980 un système d’équivalence entre gamme musicale et mesures spatiales en s’inspirant d’une famille d’instruments à vent sardes, les launeddas. (…) Ce système, qui régit la quasi-totalité de sa production sculpturale, est un protocole de « contamination », aussi arbitraire qu’ironique, de la forme et des fonctions des objets pris pour modèles. Aubry utilise les roseaux comme outil de mesure et comme matériau, visibles ou intégrés à la structure même des sculptures. Ainsi transformés en instruments de musique potentiels (augmentés d’anches, la mise en vibration est possible mais non réalisée), les objets d’origine changent de statut et pourtant restent « plus vrai que nature. » Etrangère à tout modèle idéologique, à toute forme générique, la démarche de Michel Aubry engage plutôt les notions d’unicité, de réversibilité et de déplacement constant de la forme. Comme Rodtchenko et Melnikov, Aubry fait figure de chercheur, poursuivant un objet toujours élusif, à l’image des héros de The Searchers, titre de l’exposition emprunté au film de John Ford de 1956.
Rencontre Michel Aubry / Hélène Meisel, samedi 30 novembre 2013 à 16h - Gratuit, sur réservation
L'exposition monographique de Michel Aubry à la galerie Eva Meyer sera inaugurée le jeudi 24 octobre 2013
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