Trois monuments et sites supplémentaires sont désormais inscrits sur la liste des édifices protégés au titre des monuments historiques, par arrêté de la Préfète de région du 17 mars 2022, sur proposition de la Commission régionale du patrimoine et de l'architecture du Grand Est (CRPA) :
- En Haute-Marne, l’église Saint-Charles de Marnaval à Saint-Dizier, édifiée à la fin du XIXe siècle, est l’unique exemple d’une église construite en briques de laitier (issues des scories d'une fonderie) ;
- Dans le Bas-Rhin, la parcelle de 9 hectares entourant les vestiges de l’église St-Jean-Baptiste d’Oberlinden (protégée au titre des monuments historiques depuis 1986), a été "sanctuarisée" et est désormais également inscrite ;
- Enfin, dans le Haut-Rhin, une carrière de production de lames en schiste noduleux, située sur le ban de Saint-Amarin, au lieu-dit Finsterbach, témoignage exceptionnel d’une carrière du néolithique, est également inscrite.
La protection au titre des monuments historiques
La protection au titre des monuments historiques est un statut juridique qui permet de protéger un bien mobilier ou immobilier de la destruction ou de la dénaturation. Les notions de rareté, d’exemplarité et d’intégrité des biens sont prises en compte. Par cette protection, l’État en reconnait la valeur patrimoniale.
La Commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) et la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) formulent des avis sur les demandes de protection (respectivement inscription ou classement).
La demande de protection peut émaner des services de l'État, du propriétaire ou de tout autre acteur y ayant intérêt.
Les immeubles ou parties d’immeubles, bâtis ou non bâtis(comme les jardins, grottes, parcs, vestiges archéologiques...) et les objets mobiliers (meubles par nature ou immeubles par destination, comme les orgues) sont susceptibles d'être protégés.
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Présentation des trois nouveaux sites et monuments protégés
SAINT-DIZIER (Haute-Marne)
Eglise Saint-Charles-Borromée de Marnaval
Architecte : M. de Vathaire
Date de construction : du 4 mai 1894 au 30 mai 1895
Propriétaire : Ville de Saint-Dizier
Date de l’inscription : le 17 mars 2022
En 1894, Charles-Emile Giros, alors maire de Saint-Dizier et directeur des Forges de Champagne, décide d’ériger une église dans le quartier de Marnaval à Saint-Dizier, et concède à ses employées l'opportunité d'élever leur propre édifice religieux.
C’est un ingénieur de l’usine, M. de Vathaire, qui en dessine les plans. Il aurait probablement été aidé par l’abbé Nalot.
Les « déchets » des haut-fourneaux, les scories, qui sont les matériaux qui surnagent dans le mélange en fusion, sont rassemblés et moulés en briques, appelées briques de laitier, et servent à la construction de l'église.
En fonction de leurs postes, les ouvriers de la forge interviennent dans la transformation et la confection des matériaux de construction.
La productivité des hauts-fourneaux des Forges permet de constituer rapidement l’ensemble des matériaux de construction et éléments préfabriqués. Elevée en seulement un an, l’église prend place dans un quartier ouvrier sur une hauteur dominant la route de Saint-Dizier à Chaumont.
L’érection de l’église Saint-Charles-Borromée de Marnaval par les ouvriers de l’usine qui porte le même nom, renforce leurs sentiments d’appartenance à celle-ci. Elle permet également aux Forges de Champagne d’afficher leur puissance, leur technique et leur efficacité de production aux yeux de tous.
Malgré son style néo-médiéval, l’église de Marnaval n’a rien à envier aux églises du XIIe siècle. Il ne faut pas décrire cet édifice comme un amas de sous-produits métallurgique mais comme le produit d’un effort collectif qui transforme la scorie et rend ce matériau aussi noble que la pierre.
Les donations des successeurs de M. Giros permettent la création de vitraux dont certains sont colorés et géométriques.
L’autel de la Vierge de la chapelle du transept nord fait face à celui du patron des travailleurs – Saint Joseph – situé dans le transept sud. La présence de ce dernier accentue l’âme ouvrière de l’église.
L’église de Marnaval est orientée à l’ouest et suit un plan en croix latine.
La brique de laitier lui confère une couleur singulière.
Sa façade présente deux tours disposées à 45°.
Son enveloppe rappelle celles des constructions romanes du XIIe siècle. Les arcs cintrés sont privilégiés. Un décor continu de petites arcades longe le dessous de la toiture. Ce même décor orne l’intérieur de l’édifice au niveau des bras du transept et dans le chœur.
Certains ornements extérieurs complexifient la lecture architecturale de l’église, pourtant simple. Chaque bras du transept est éclairé par une rosace.
Le porche et la nef respectivement formés par trois et quatre travées, sont voûtés sur croisées d’ogives.
Le sol est en ciment piqueté, très fréquent dans les édifices du premier tiers du XXe siècle.
La différence de largeur entre la nef et ses collatéraux est surprenante, ces derniers étant réduit à des couloirs de circulation.
La charpente en bois présente un assemblage traditionnel et contrarie ainsi la personnalité originale de l’édifice.
OBERNAI (Bas-Rhin)
Vestiges de l'église Saint-Jean-Baptiste d'Oberlinden dite Oberkirch
Propriétaire : commune d'Obernai
Extension de la protection des vestiges de l’église St-Jean-Baptiste inscrite au titre des monuments historiques le 17 mars 2022.
La parcelle des vestiges de l’église St-Jean-Baptiste d’Oberlinden, protégée au titre des monuments historiques depuis le 26 mars 1986, a été "sanctuarisée". Les 9 hectares de ce site, largement découpés pour laisser place à des constructions, ne pourront plus être divisés.
Une église paroissiale primitive
Eglise du premier bourg d’Obernai, Oberlinden tire son nom de l’ancien hameau rattaché à Obernai, attesté en 1202 ; elle en était l’église paroissiale jusqu’à la fin du XVe siècle.
Oberlinden disparu, ou plutôt incorporé dans le tissu urbain d’Obernai, Saint-Jean-Baptiste devient le siège de la première paroisse protestante d'Obernai au XVIe siècle et sert au culte jusqu’en 1741. Cette église du Haut Moyen Age est détruite pour partie à la Révolution française et il ne reste plus aujourd’hui que ses vestiges.
Dès le XIVe siècle, Saint Jean-Baptiste d’Oberlinden est dénommée Oberkirch, soit « l’église d’en haut » ou « l’église haute », vraisemblablement pour faire référence à l’église du bas qui se dressait à Obernai.
Oberkirch est aussi le nom de la famille éponyme dont la branche alsacienne s’éteint au XIXe siècle ; le château de Hell-Oberkirch se trouve précisément dans la perspective de Saint Jean-Baptiste d’Oberlinden, au bord de la rue du Château, en direction de la route d’Ottrot, à l’entrée ouest d’Obernai.
Nef unique avec tour clocher carrée et des murs de plus de 60 cm d’épaisseur, l’église est de plan rectangulaire mais assez ramassé, l’Oberkirch est bâtie en grès, élevée sur une butte, sur une importante étendue d’herbe.
Le vestige est à ciel ouvert ; il est daté du XIe siècle pour sa nef et du XIIIe siècle pour son clocher.
Une ruine romantique
Le petit parc Munsterling derrière les vestiges ainsi que des arbres à l’immédiate proximité de l’église et du lierre tombant en cascade de la ruine contribuent à donner une certaine atmosphère sur le site.
Des gravures et des photographies témoignent d’ailleurs de l’importance que pouvaient jouer à la fin du XIXe siècle la nature autour et sur ces vestiges : telle une ruine romantique, exaltant le rapport à la création. L’étendue d’herbe sert d’ailleurs toujours à apprécier pleinement le recul nécessaire pour admirer ce vestige d’église médiévale.
Une réserve archéologique de première importance
L'inscription au titre des monuments historiques est signée par arrêté préfectoral le 26 mars 1986 et porte sur les vestiges en totalité de cette ancienne église Saint-Jean-Baptiste. L’arrêté préfectoral prend en compte le parcellaire qui tient compte à la fois des vestiges en élévation – l’église – et aussi en sous-sol : l’archéologie de l’ancien hameau d’Oberlinden disparu.
Il s’agit bien de considérer la réserve archéologique que constitue cette parcelle de plus de 9 hectares. Or, depuis 1986, plusieurs programmes de construction et/ou de réhabilitation d’équipements publics ont vu le jour en omettant cette donnée.
La sanctuarisation de la parcelle mère
Nécropole du néolithique, exploitation agricole gauloise, domaine des abbayes de Hohenburg (Sainte-Odile) et de Niedermunster, souveraineté des Hohenstaufen, puis ville épiscopale et enfin ville impériale ceinte de remparts et de tours fortifiées, Oberehnheim/ Ehenheim, « L’habitation sur l’Ehn » (1050), puis Obernai, est l’une des communes alsaciennes les plus riches en patrimoine culturel et historique ; elle est aussi, après Strasbourg et sur l’ensemble des villes du département du Bas-Rhin, l’une des communes les plus touristiques du Bas-Rhin.
Inscrite comme l’une des cités les plus prospères de la plaine d’Alsace, elle présente un urbanisme dense, peu ou prou modifié en son centre-ville depuis le XIIIe siècle, que la Ville tente de maîtriser. Comme c’est le cas de la parcelle des vestiges de l’église d’Oberlinden, découpée au profit de projets immobiliers.
Pour rendre au monument historique des vestiges de l’église également le village disparu en sous-sol, l'Etat / DRAC Grand Est a stoppé toute possibilité de nouveaux découpages en sanctuarisant la parcelle mère.
SAINT-AMARIN (Haut-Rhin)
Carrière néolithique de Finsterbach
Datation de l’occupation : 4100–3700 avant notre ère
Propriétaire : commune de Saint-Amarin
Inscription au titre des monuments historiques : le 17 mars 2022 (une partie du site de 35 mètres par 60 mètres correspondant au cœur de l’exploitation néolithique)
La carrière de production de lames en schiste noduleux est située sur le ban de Saint-Amarin, au lieu-dit Finsterbach. Il s’agit d’une carrière néolithique exceptionnelle qui, grâce à sa très bonne conservation, livre des données de tout premier plan sur les modalités d’exploitation de transformation et de diffusion d’une matière première vosgienne très spécifique.
C’est dans le cadre d’un projet de recherche, mené dans les années 1990 et dirigé par Pierre Pétrequin sur la question de la fabrication des haches, que ce site daté entre 4 100 et 3 700 avant notre ère a été reconnu.
Une démarche de recherche appliquée
Ce projet collectif de recherche, intitulé « De la roche à la hache polie », programmé entre 1990 et 1994, a permis d’engager des travaux précurseurs dans la démarche de détection des sources de matière première, en s’inspirant des pratiques de détection et de collecte des matériaux destinés à la fabrication de haches, reconnues ethnographiquement en Nouvelle-Guinée indonésienne.
Les modèles théoriques qui en ont découlé et leur vérification ont permis de reconnaître dans les Vosges, en Haute-Saône, un important complexe d’exploitation de pélite-quartz ayant fonctionné une large partie du Néolithique. Ce site inédit a été inscrit au titre des monuments historiques en 1994. Cette même démarche de détection puis de protection a été appliquée au site de Saint-Amarin.
Roche et sous-bois
A 775 mètres, dans un secteur boisé et en forte pente, le site de production de lames comprend plusieurs zones qui définissent une large aire de près de 35 mètres, destinée à la taille à ciel ouvert des blocs récoltés sur place.
L’activité de débitage s’accompagne de très nombreux éclats et blocs débités, résultant du processus de production de lames épaisses destinées à être transformées en hache et herminette sur des sites d’habitats plus ou moins proches.
Un gisement remarquable à protéger
Une des particularités de ce gisement réside dans l’existence d’un bilan sédimentaire très faible qui, de manière surprenante, n’a pas compromis la bonne conservation des vestiges.
Les conditions de gisement sont remarquables du fait de l’affleurement direct des vestiges et de la possibilité qui en découle de mener des études poussées sans investigations d’ampleur. Paradoxalement, le site est également très fragile (un chemin forestier secondaire qui recoupe le site a été récemment élargi).
Ce gisement constitue un remarquable ensemble documentaire, bien fossilisé et permet ainsi de faire évoluer significativement les connaissances sur l’économie des matières premières lithiques au cours du Néolithique.
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