Un peu d'histoire
L'îlot Notre-Dame se trouve au cœur des remparts du XIIIe siècle, mais en bordure externe de l'agglomération carolingienne (VIIIe – Xe siècles), qui serait limitée par des bras dérivés de la Marne, le Mau et le Nau (à 200 m à l'est des limites du castrum - camp fortifié - antique).
Les premières mentions d'une église Notre-Dame-en-Vaux datent du XIIe siècle. Elle revêt alors la forme d'une église paroissiale (1107) qui sera dotée d'un chapitre de chanoine en 1114. Le monument aurait été reconstruit à partir de 1157 à la suite d'un écroulement partiel et il semble que des travaux de réfection étaient déjà en cours avant cette reconstruction.
Le cartulaire du chapitre cathédral mentionnerait au IXe siècle une chapelle Sainte-Marie à l'emplacement de l'actuelle collégiale.
La physionomie du quartier, notamment rue de Vaux et sur le rond-point Tissier, était très différente autrefois puisque le bâti ancien occupait ces espaces aujourd'hui ouverts. Le quartier a également fortement souffert des bombardements de la Seconde Guerre mondiale.
Le diagnostic archéologique préalable
L'opération de diagnostic avait été réalisée (tranchées évaluant 10 % de la surface), à la demande de la Ville de Châlons-en-Champagne, par l'Inrap, de mai à juin 2020.
Au vu des résultats de ce diagnostic et de l'impact du projet sur le sous-sol, l'Etat - DRAC Grand Est, Service régional de l'archéologie, a défini une zone d'environ 1 000 m² nécessitant des investigations complémentaires, le long de la nef de la collégiale Notre-Dame-en-Vaux.
Les résultats du diagnostic
L'une des tranchées de diagnostic, située le long de la nef de la collégiale, a livré une stratigraphie (successions de couches) conservée sur 2,10 m de profondeur, épargnée par le bâti ancien et ses caves ou par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale.
Une série de quatre niveaux de circulation apparaît sous la rue actuelle, le plus ancien atteignant une profondeur de 1,30 m.
Le mobilier (céramique et terre cuite) issu de ce niveau de circulation et de la couche d'occupation le surmontant laisse penser qu'il pourrait s'agir d'un niveau antique.
Dans la partie est de la tranchée, plusieurs inhumations oblitèrent le niveau de circulation supposé antique. Parmi ces sépultures enchevêtrées, on compte deux réductions (« reprises » de sépultures) et sept squelettes incomplets car recoupés ou partiellement situés dans la paroi.
Un petit sondage mécanique a atteint le substrat à une profondeur de 2,30 m. Les sépultures sont orientées sud-ouest – nord-est. L'une des fosses d'inhumation comportait un aménagement de blocs de pierre. Pour une autre sépulture, ce sont des traces de cercueil en bois qui ont pu être enregistrées. Les restes osseux correspondent à six adultes et un grand adolescent. Les squelettes reposent sur le dos, les membres inférieurs en extension, les membres supérieurs en extension ou repliés sur l'abdomen. Un fer à cheval était placé à plat sous l'épaule droite d'une femme adulte.
Des observations liées à l'état sanitaire des squelettes ont été réalisées et une datation radiocarbone situe l'une des inhumations entre 778 et 994 de notre ère.
Au premier plan, les caves en cours de dégagement, au dernier plan, une voie de circulation
Les objectifs de la fouille en cours
- étudier les niveaux de circulation observés sous l'angle de la voirie historique, de l'évolution urbaine et de la dynamique de circulation dans la ville.
Ces observations revêtent une signification particulière puisque la rue de Vaux se trouve sur le tracé supposé de la voie romaine Lyon - Boulogne-sur-Mer qui n'a pas encore été reconnue intra muros.
- étudier l'espace funéraire présent afin de répondre à plusieurs questions :
• A quel édifice religieux correspond ce cimetière ?
Si la datation entre le VIIIe et le Xe siècles était confirmée, les inhumations découvertes au sud de la nef de Notre-Dame-en-Vaux correspondraient à un cimetière au moins partiellement antérieur à l'église paroissiale du XIIe siècle, qui pourrait être mis en lien avec l'édifice (chapelle, oratoire ?) dédié à Marie cité en 850. Il s'agira de déterminer si la construction de cette « chapelle » a constitué un pôle d'attraction pour les inhumations ou si au contraire, ce sont les inhumations, dont certaines pourraient posséder un statut notable (saint, martyr...), qui ont motivé l'implantation d'un édifice.
Les différents états d'utilisation de l'espace funéraire seront mis en relation avec les édifices religieux qui se sont succédé. Le cimetière était-il toujours en usage au XIIe siècle ou faut-il chercher ailleurs le cimetière paroissial ? Quand a-t-il cessé d'être utilisé ?
• Quelle est la relation entre le cimetière et l'axe (ou les axes) de circulation ?
La relation entre les niveaux de circulation et l'espace funéraire se révèle tout aussi significative. On peut se demander dans quelle mesure la présence d'un axe de circulation majeur a pu influer sur l'implantation des sépultures.
• Quelle était la position du cimetière dans l'agglomération carolingienne ?
Le statut de l'espace funéraire (cimetière suburbain ou compris dans l'agglomération carolingienne ?) constitue un autre aspect de la recherche, rejoignant la question de l'évolution et de l'extension de l'agglomération carolingienne, elle aussi méconnue.
• Qui étaient les individus inhumés dans ce cimetière et comment vivaient-ils ?
Les inhumations représentent une source d'information unique sur la population de Châlons-en-Champagne entre le XIIIe et le Xe siècles. Il s'agit en effet des seuls squelettes de cette période fouillés récemment à Châlons-en-Champagne. Les fouilles menées sur le site de l'abbaye de Saint-Pierre (Cité Tirlet) en 1993-1995 ont permis d'étudier un cimetière dont la première phase d'utilisation se situait aux IXe-XIIIe siècles, révélant une population principalement masculine, sans occupation antérieure.
Les fouilles réalisées autour de l'église Saint-Jean en 1999 avaient quant à elles livré des sépultures datées entre le Xe et le XIIIe siècles. L'étude des squelettes fournira des données biologiques classiques (sexe, âge...), mais nous informera aussi sur l'état sanitaire de la population (pathologies, usures, parasites...), la démographie, le recrutement funéraire (quelle population est inhumée là, quel était son niveau social…) ou encore l'origine biologique à travers les analyses ADN.
Enfin, les gestes et coutumes funéraires seront analysés en associant plusieurs disciplines (étude des pollens, des graines, du bois, des tissus ou du cuir, analyses chimiques...). Les matériaux organiques éventuellement présents dans la tombe renseignent par exemple sur l'existence de litières végétales sous les corps, de coussins ou de bouquets de fleurs. Ils peuvent aussi révéler un traitement particulier des corps (onction des corps, linceuls …) ou un vêtement funéraire.
Ces données constitueront une plus-value historique pour la collégiale Notre-Dame-en-Vaux visée par le programme de rénovation urbaine. Les résultats de la fouille seront mis à la disposition du projet de mise en valeur et feront l'objet d'une communication au public.
- Les caves
Les neuf caves mises au jour lors de la fouille sont de la fin du Moyen-Âge et de l’Époque moderne (XVIIIe siècle principalement). Les murs ont été démontés afin d’atteindre les niveaux inférieurs correspondant au cimetière du Moyen-Âge ou éventuellement antiques. Les caves ont été préalablement étudiées et les éléments architecturaux présentant un intérêt archéologique prélevés.
L’étude montre que les plans et maçonneries des caves ont été modifiés au gré du réalignement des rues, notamment au XVIIIe siècle, et des évolutions du bâti en surface. Des transformations qui rendent difficile la compréhension de l’évolution des caves. Parmi les matériaux utilisés, on trouve surtout la craie, même si la brique et la pierre de Savonnières ont été utilisées pour certains soupiraux. Des traces d’outils de taille et des marques de hauteur d’assises, où des comptes gravés sur quelques blocs de l’une des caves ont été découverts.
Enfin, quatre puits ont été retrouvés sur le site, l’un d’entre eux accessible depuis une cave.
Caves avant mise au jour
Caves mises au jour
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