La France est en droit un pays monolingue selon l’article 2 de la Constitution, « la langue de la République est le français ». Pourtant, la France est de facto un territoire multilingue : de l’écoute de musique enregistrée anglophone au visionnage de films ou de séries en espagnol, en passant par la consultation d’informations en shimaore et l’audience télévisée en créole, les consommations culturelles dans d’autres langues que le français sont aussi courantes que variées selon les influences culturelles et géographiques.
Ce multilinguisme et sa mobilisation s’expliquent par les patrimoines linguistiques des vagues migratoires successives, les caractéristiques sociodémographiques, la généralisation de l’enseignement des langues dans le système éducatif mais aussi par les effets de la mondialisation accélérée ces dernières années avec la numérisation croissante des contenus culturels. Le monolinguisme en langue française tend ainsi à décroître au fil des générations.
54% de la population en France métropolitaine parle uniquement le français. Le monolinguisme en langue française est minoritaire dans les territoires ultramarins.
L’édition 2018 de l’enquête Pratiques culturelles, étendue en 2019 et 2020 aux territoires ultramarins (la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte) permet de comparer les usages de ces langues de France dans les consommations culturelles où les compétences linguistiques sont aussi bien mobilisées que développées. Cette sixième édition de l’enquête fournit de nouvelles informations sur les dynamiques de socialisations linguistiques, qui articulent transmissions familiales et apprentissages scolaires. Qu’il s’agisse des langues étrangères acquises comme dans le cas de l’anglais ou des langues régionales, des langues des Outre-mer et des langues non territoriales transmises, les répertoires linguistiques des populations résidant en France métropolitaine et dans les Outre-mer s’avèrent très contrastés.
Nathalie Berthomier, Amandine Louguet, Julien M'Barki et Sylvie Octobre
Collection Culture études, 52p., mars 2023
À retenir :
- Le français et les langues de France : La centralité de la langue française est le fruit de l’histoire de la construction nationale française, autour d’une identité collective acquise et cimentée par une langue unifiée. La diversité des langues de France (langues régionales, langues des Outre-mer et langues non-territoriales détaillées en page 10) a fait l’objet d’une reconnaissance institutionnelle croissante. Certains secteurs culturels y ont d’ailleurs joué un rôle important, notamment la musique enregistrée, le cinéma et les séries télévisées, la lecture et la consultation des médias.
- Un territoire national multilingue : Le monolinguisme en langue française concerne plus de la moitié de population en France métropolitaine (54 %) mais il est minoritaire dans les territoires ultramarins (entre 3 et 26 % selon les territoires). Le fait de maîtriser uniquement le français tend à décroître au fil des générations (70 % des 65 ans et plus déclarent maîtriser uniquement cette langue contre 36 % des 15-24 ans) et il concerne plus souvent les personnes moins diplômées et les catégories populaires.
- Des consommations culturelles en d’autres langues que le français sur tous les territoires : En France métropolitaine, maîtriser une autre langue que le français signifie principalement maîtriser une langue étrangère (44 % des cas), notamment l’anglais (31 % de la population de France métropolitaine déclarent maîtriser cette langue), qui supplante largement les autres langues d’Europe. Les habitants des territoires ultramarins sont proportionnellement bien moins nombreux à maîtriser une langue étrangère (entre 11 % et 22 % de la population). Les langues des Outre-mer (créole, shimaore, kibushi ou bushinengé) sont en revanche maîtrisées par une part importante de la population, y compris par la jeunesse.
- L'usage d'autres langues que le français par secteur culturel : très répandu pour l’écoute de la musique avec 83 % de la population de France métropolitaine et 64 et 88 % dans les territoires ultramarins. Il est moindre en France métropolitaine dans les domaines qui mobilisent des compétences linguistiques plus exigeantes : la lecture de livres, l’audience télévisée ou la consultation d’informations dans une autre langue que le français ne concernent respectivement que 13 %, 16 % et 21 % de la population de France métropolitaine.
- Les ultramarins sont en revanche proportionnellement plus nombreux à utiliser une autre langue que le français pour la télévision (entre 58 % en Guadeloupe et 22 % en Guyane) comme pour le suivi de l’actualité (à Mayotte et en Guyane), mais moins pour la lecture de livres, sauf à Mayotte (44 %).Le visionnage de films ou de séries occupe une place intermédiaire en France métropolitaine (respectivement 32 % et 24 %), le recours au sous-titre venant soutenir une consommation en langue originale, notamment parmi ceux qui sont à l’aise avec l’écrit (quelle que soit la langue). Les territoires ultramarins sont en revanche moins concernés.
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