La loi nᵒ 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon » consacre non seulement un « droit au français » mais ouvre aussi la voie au plurilinguisme, par l’obligation de « double traduction » (en pratique en anglais et en une autre langue étrangère) qu’elle prescrit aux organismes investis d’une mission de service public – du moins lorsque le choix est fait de traduire les supports physiques. La mission, qui a auditionné près de 120 personnes, a analysé le plurilinguisme du point de vue de la politique des langues des services de l’État et de celui des établissements culturels sous tutelle du ministère, sans s’interdire de mentionner les « bonnes pratiques » d’autres établissements culturels.
La première partie de ce rapport analyse la place du plurilinguisme dans la politique des langues en France, sous deux aspects, international et européen d'une part, national, d'autre part. La reconnaissance croissante de la pluralité des langues sur le territoire et la mise en œuvre d’une politique publique de la diversité linguistique répond aussi bien à une demande de reconnaissance des droits culturels qu’à une nécessité d’améliorer l’attractivité du territoire pour les touristes étrangers. La politique du plurilinguisme se heurte cependant au caractère lacunaire des données statistiques sur les langues étrangères (des touristes et des populations allophones) en usage en France et à un degré de priorité secondaire.
La deuxième partie du rapport est consacrée au bilan des pratiques en matière de plurilinguisme dans les musées et sites patrimoniaux sous tutelle du ministère, tant dans les domaines où la loi Toubon est applicable que dans ceux où elle ne l'est pas. La mission constate que la loi est globalement respectée (soit par l'absence de traduction, soit par la double traduction) dans la quasi-totalité des établissements étudiés pour la signalétique directionnelle, dans la moitié d'entre eux s'agissant des panneaux de salle, mais dans un quart seulement s'agissant des cartels. S'agissant des supports de visite (documents imprimés et audioguides) le rapport constate qu'ils sont très souvent traduits en plus de deux langues étrangères. Enfin, il observe que le bilinguisme français-anglais est à égalité avec le plurilinguisme sur les sites internet. Le monolinguisme français y est désormais résiduel, contrairement aux réseaux sociaux, où il demeure majoritaire. Ce bilan est complété par une analyse des limites actuelles du plurilinguisme et de leurs causes.
La troisième partie du rapport analyse les nouveaux défis du plurilinguisme auxquels sont confrontés les établissements culturels, dans un contexte marqué par la conjonction des crises sanitaires, géopolitiques et climatiques, qui les conduit à redéfinir leur politique des publics et leur stratégie linguistique. Elle souligne les perspectives ouvertes par le développement rapide des technologies de traduction et d'interprétation reposant notamment sur l'intelligence artificielle. Enfin, la mission observe que la future Cité internationale de la langue française (CILF) à Villers-Cotterêts donne l'occasion de repenser une politique de la langue dans ses dimensions nationale et internationale, prenant en compte les enjeux du XXème siècle, et donnant un contenu concret et opérationnel au plurilinguisme.
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