Anita Conti (Ermont, 1899 - Douarnenez, 1997)
Elle nait à Ermont-sur-Oise dans une famille fortunée. De son enfance, elle gardera le goût de la mer, des voyages et des sciences. Relieuse d’art réputée dans le cercle des collectionneurs parisiens dans les années 1920, Pierre Mac Orlan décrit son travail de manière élogieuse : « Voici quelques livres reliés par madame Anita Conti. Ils ont suivi chacun des routes incomparables pour atteindre l’atelier de Celle-qui-écoute-parler-les-livres … Elle-même, au milieu des peaux qui vêtiront les livres dans leur période de luxe, est comme un personnage de Kipling quand il fait agir le Médecin des perles ». Durant les années 1930, elle expose ses reliures d’art à l’Exposition coloniales (1931), au Salon d’automne à Paris (1932, 1933, 1935), mais également à Londres, Bruxelles et New York où elle est plusieurs fois primée. Parallèlement, elle embarque en mer. Ces articles et récits de voyages publiés dans de nombreux journaux – qu’elle signe Anita Cara diminutif de son nom de famille Caracotchian - avant son mariage avec Marcel Conti - la font remarquer par le directeur de l’Office scientifique et technique des pêches maritimes (O.S.T.P.M.), Édouard Le Danois.
Faisant figure d’exception dans l’univers masculin de la pêche et de l’océanographie, elle devient la première femme océanographe, participant en 1935 à diverses campagnes sur le premier navire océanographique français, puis avant la Seconde Guerre mondiale sur un chalutier-morutier en campagne au Spitzberg. Durant la guerre, elle obtient notamment grâce à l’appui d’Édouard Le Danois l’autorisation d’embarquer en tant que photographe de la Marine sur des dragueurs de mines en Manche et en Mer du nord, photographiant les tentatives de déminage. Après la débâcle, l’office des pêches conserve son directeur qui encourage le personnel à soustraire les navires au contrôle de Vichy pour favoriser le ravitaillement des populations et des alliés. Depuis Saint-Malo, elle s’embarque sur le chalutier Volontaire pour rejoindre les côtes de l’Afrique de l’ouest.
Anita Conti s’est fait accepter et respecter par les marins pêcheurs et les marins de la Royale qu’elle photographie avec un tempérament de photoreporter, s’intéressant aussi bien aux terre-neuvas, à la pêche en Afrique qu’aux premières expériences d’aquaculture. À travers ses livres – Racleurs d’océans, Géants des mers chaudes – et ses conférences, ses notes et quelque quarante mille clichés, elle décrit les conditions de la pêche et alerte sur les risques de la surpêche en un temps où les questions d’épuisement de la ressource n’étaient pas centrales. À ceux qui lui demandaient si elle était un garçon manqué, la Dame de la mer répondait « Non, je suis une femme réussie ». Elle meurt à Douarnenez une nuit de tempête.
Angelina Meslem
Bibliographie
Christine Garnier, Comment réussissent les femmes. n°4, Anita Conti, toutes les richesses de la mer, Revue des deux Mondes, 15 septembre 1960
Jean-Loup Pivin, Anita Conti photographe, Paris, La revue noire, 1998
Anita Conti, L’Océan, les bêtes et les hommes, ou l’ivresse du risque, introduction de Laurent Girault-Conti, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2002
Pierre Borhan, L’art de la mer. Anthologie de la photographie maritime depuis 1843, Paris, Arthaud, 2009
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