L’appartement de l’intendant du Garde-Meuble se distinguait par une invraisemblable abondance d’objets luxueux.
Dans le cadre des préparatifs de l’ouverture au public de l’hôtel de la Marine, en ce printemps 2021, l’objectif du remeublement de cet appartement, mené par le Centre des monuments nationaux, a consisté à s’approcher au plus près de son état à la veille de la Révolution.
Une politique d’acquisitions et de dépôts ciblés
Le « journal du Garde-Meuble », qui enregistrait les entrées des meubles et les différents inventaires dressés entre 1784 et 1791 donnent une idée précise de l’aménagement décoratif de cet appartement. Les descriptifs détaillés des meubles et objets d’art les plus prestigieux ont permis d’en identifier certains dans les collections publiques, chez des particuliers ou sur le marché de l’art.
Grâce à des acquisitions et à des dépôts, certains meubles ou objets d’art retrouvent aujourd’hui le lieu pour lequel ils avaient été commandés, conçus, réalisés et livrés. Une politique ambitieuse de dépôt menée grâce à la collaboration de partenaires publics comme le Mobilier national, le musée du Louvre, le musée des Arts décoratifs, le musée du Château de Versailles, le ministère des Armées et la manufacture de Sèvres, complétée par quelques acquisitions fondamentales, accompagnées par la direction générale des patrimoines et de l’architecture et le Fonds du Patrimoine (ministère de la Culture), permettent d’évoquer le plus justement possible la richesse originelle de cet appartement, en replaçant le bon meuble au bon endroit.
Des pièces de mobilier exceptionnelles
Le Centre des monuments nationaux a ainsi acquis, pour le compte de l’État, deux meubles exceptionnels commandés à l’ébéniste Jean-Henri Riesener pour l’hôtel du Garde-Meuble. Le premier est un secrétaire à abattant acheté grâce au soutien du Fonds du Patrimoine. Il faisait partie d’une commande passée en 1771 par Pierre-Élisabeth de Fontanieu, premier intendant du Garde-Meuble.
Jean-Henri Riesener (1734-1806), Secrétaire à abattant, bâti de chêne, placage d’amarante et de satiné, bronze doré,
h. : 112 ; la. : 144 ; pr. : 46, estampillé sous le plateau : J. H. Riesener, 1771. © Centre des monuments nationaux.
Il fut livré avec une table mécanique, dite table des Muses, prêtée par le Musée du Louvre.
Jean-Henri Riesener (1734-1806), Table à écrire, dite table des Muses, chêne, acajou moucheté, placage, bronze doré.
H. 75,8 ; L. 108,7 ; P. 60,6 cm, 1771. Prêt du musée du Louvre, D-T 510 C. © Musée du Louvre.
Le second meuble acquis est une commode donnée par la fondation Al-Thani.
Jean-Henri Riesener (1734-1806), Commode, bâti de chêne, placage d’amarante et de satiné, bronze doré,
h. : 95 ; la. : 167 ; pr. : 65, 1774. © Centre des monuments nationaux.
Chefs d’œuvres de marqueterie, ces trois meubles représentent l’apogée des arts de l’ébénisterie et des bronzes d’art dans les dernières années du règne de Louis XV.
Des dépôts majeurs des collections nationales
Outre la table des Muses, le musée du Louvre a consenti au dépôt d’un bureau à cylindre de Riesener. Envoyé en 1796 à Paris, ce bureau est épargné par les ventes révolutionnaires et envoyé au palais des Tuileries, avant de rejoindre les collections du musée du Louvre. Il retrouve désormais l’appartement des Intendants.
Jean-Henri Riesener (1734-1806), Bureau à cylindre, chêne, acajou moucheté, placage, bronze doré,
H. 121 ; L. 158 ; P. 81 cm, 1784. Prêt du musée du Louvre, D- OA 5160. © Musée du Louvre.
La collaboration avec le Mobilier national a permis le dépôt d’une bibliothèque basse, commandée à Gaudreaus pour Louis XV en 1744 et utilisée par Fontanieu pour sa salle à manger au Garde-Meuble. Riesener agrandit le meuble, le transforma en un buffet à mécanisme de monte-plats et le compléta par un second meuble d’appui à décor assorti. Ce dernier était conservé jusqu’alors à l’Élysée.
Antoine-Robert Gaudreaus et Jean-Henri Riesener, Bibliothèque basse, meuble d’appui, chêne, marqueterie en mosaïque, placage, bronze doré,
H. 128 ; L. 340 ; P. 79 cm et H. 117 ; L. 212 ; P. 71 cm, 1784. Dépôt du Mobilier national, D- GME-16101 et 16102. © Mobilier national.
Lorsque les meubles décrits n’ont pas pu être retrouvés, le Centre des monuments nationaux a procédé par équivalent, en choisissant les meubles les plus similaires à la description. Parfois, l’objet est décrit trop sommairement pour être spécifiquement identifiable, imposant le choix d’un objet du même type, sans qu’il soit possible, en ce cas, d’affirmer ou non qu’il s’agit bien de cet objet.
Des tableaux pour l’appartement des Intendants
La collection des tableaux de l’appartement des Intendants se distingue plus par sa quantité que par sa qualité. Les descriptions ne permettent pas d’identifier d’ailleurs un goût particulier ni même des thèmes selon les pièces, mélangeant allégrement les sujets, les niveaux de qualité, les écoles, les dimensions, les tableaux encastrés en dessus-de-porte et ceux accrochés à touche-touche. L’ensemble des tableaux n’offrait aucune cohérence générale : ils représentaient simplement le goût de l’époque, avec une prédominance numérique des écoles du Nord, des tableaux galants de l’école française, quelques tableaux d’histoire de l’école italienne, des portraits, des paysages, des copies d’après les maîtres.
Comme pour les meubles, quelques tableaux ont pu être identifiés et localisés, et certains ont pu être déposés à l’hôtel de la Marine. C’est ainsi le cas de deux tableaux du musée du Louvre : une Marine par Joseph Vernet, et un Saint Jean prêchant par Henri Favanne, ainsi qu’une Sybille par un peintre lombard anonyme et déposé par le musée de Marseille.
Joseph Vernet, Marine, le midi, pêcheurs tirant un filet, huile sur toile,
H. 44 cm ; L. 65 cm, Paris, musée du Louvre, INV8343. © Musée du Louvre.
Henri Antoine de Favanne, Saint Jean prêchant, huile sur toile,
H. 73 cm ; L. 92 cm, Paris, musée du Louvre, INV8135. © Musée du Louvre.
Enfin, le Centre des monuments nationaux a pu obtenir des équivalents, comme cette mention d’un « Tableau rond, copie d'André del Sarté, représentant une Sainte-Famille », dont une équivalence parfaite a été trouvée dans une copie d’une Sainte Famille d’après Andrea del Sarto, conservée au musée de Chambéry.
Pour aller plus loin…
- À consulter en ligne : le site de l’hôtel de la Marine : https://www.hotel-de-la-marine.paris/
- À découvrir : une plongée photographique à l’intérieur de l’hôtel (base « Regards » du CMN) : https://regards.monuments-nationaux.fr/fr/asset/fullTextSearch/search/h%C3%B4tel%20marine/page/1
- À lire : Stéphane Castelluccio, Le Garde-Meuble de la Couronne et ses intendants du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, CTHS, 2004, 333 pages, ISBN 2-7355-0554-5