L’année 2022 voit l’achèvement d’un cycle de restauration de longue haleine sur le phare de Cordouan. Plusieurs années de travaux en pleine mer, dans des conditions parfois extrêmes, ont été nécessaires pour redonner tout son lustre à ce symbole du patrimoine maritime.

 

Organiser un chantier à Cordouan n’est pas simple ! Les travaux sur cet illustre monument situé à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde ont lieu hors saison touristique, d’octobre à mars. Maçons, sculpteurs, tailleurs de pierre, restauratrice de décor peint, ingénieure, cordistes, menuisiers : les jours de semaine, 6 à 8 personnes travaillent simultanément sur le site et cohabitent avec les 2 gardiens présents en permanence.
Le matériel – échafaudage, outils, pierres, etc. – est acheminé en bateau ou en hélicoptère. Sur place, un atelier de taille de pierre est installé tandis que des cabines de couchage sont montées temporairement. L’apport en énergie est assuré par des groupes électrogènes fonctionnant au fioul.

Financé à 50% par l’État et à 50% par les collectivités territoriales (Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et Conseils départementaux de Charente-Maritime et de Gironde), le coût des travaux s’élève à 9,8 millions d’euros (dont 4.5 millions pour la cuirasse). La maitrise d'œuvre est confiée à l'architecte en chef Michel Goutal.

La fin d’une longue campagne de travaux

En 2022 s’achève une vaste campagne de restauration intérieure et extérieure, depuis qu'un bouclier contre la houle a été construit en 2005. En pleine mer, il est vain de lutter contre l’humidité et les sels. La particularité de ce chantier réside donc dans sa localisation-même.

À l'abri des vents d’Ouest dominants, les sels se déposent sur les parements Est, peu rincés par l'eau de pluie et donc fortement dégradés, à l’intérieur comme à l’extérieur. Ces sels ne sont pas évacués et se fixent sur la pierre en séchant, rongeant progressivement la matière. Le changement des pierres mécaniquement faibles, la reprise des joints au mortier de chaux, la suppression de certains matériaux peu respirant, ainsi que la pose de badigeons captant les sels cristallisés restent les principales mesures de conservation.  À l’intérieur du fût, l’obturation partielle du puits central (anciennement destiné à acheminer les matériaux des sols jusqu’à la lanterne) permet de réguler le climat afin de limiter les cycles de dissolution/cristallisation des sels.

La chapelle et le vestibule

La chapelle et le vestibule étaient couverts de peinture à l’huile (jusqu’à 8 couches dans la chapelle) depuis le milieu du XIXe siècle.  Étant donné la nocivité de ce matériau qui forme une couche étanche au-dessus de la pierre et l’empêche de « respirer », la dégradation avancée des décors et l'empâtement de matière sur les sculptures, il a été décidé de supprimer cette peinture, nettoyer les parements, traiter les infestations microbiologiques localisées, refaire les joints à base de mortier de chaux, remplacer les pierres dégradées ou effectuer des consolidations ou réparations (bouchons ou ragréages) quand cela s'avérait suffisant. Enfin, un badigeon du ton de la pierre a été appliqué. Ainsi, nous retrouvons un aspect qui s’apparente à l’état originel, lors du premier allumage du phare en 1611.

Avant / Après de la chapelle du phare

Les mortiers de joints et de ragréages, ainsi que le badigeon final ont fait l’objet de tests, assortis d’analyses, pour choisir les matériaux les plus appropriés d'un point de vue technique (composition des matériaux et durée dans le temps) et esthétique. 

En retirant les couches de peinture superposées depuis le milieu du XIXe siècle dans le vestibule, l’escalier et la chapelle, les compagnons et les restaurateurs ont permis de retrouver la qualité et la finesse de la sculpture originelle et de redécouvrir dans le détail ces ouvrages expressifs.

Le phare de Cordouan est construit au tournant des XVIe et XVIIe siècles par l'architecte et ingénieur Louis de Foix (v. 1535 - v. 1606). Commencé sous Henri III, c'est Henri IV qui lui confère sa monumentalité et sa richesse ; il en fait un unicum architectural, une nouvelle Merveille du monde qui surpasse celles de l’Antiquité, isolée en pleine mer, et dédiée au pouvoir royal et catholique. La chapelle est la pièce la plus foisonnante du phare, tant du point de vue des décors que de la portée symbolique. À l'origine, elle était la salle la plus élevée du phare. Seule la lanterne où brillait le feu la surplombait. Au XVIIIe siècle, pour améliorer la portée du signal lumineux, l'ingénieur Joseph Teulère (1750-1824) réalise un tour de force technique en surélevant l'édifice de 18 mètres au-dessus de la chapelle, tout en conservant celle-ci intacte. Il obstrue néanmoins les fenêtres afin d'améliorer l'assise de l'exhaussement. Lors de la vaste campagne de restauration du phare sous Napoléon III, la chapelle connait quelques transformations, en particulier de son sol et de son décor peint.