La compagnie des Pénitents blancs de Montpellier, sous l’égide de Guilhem Van den Haute, a souhaité lancer une vaste opération de restauration du plafond orné d’un cycle de peintures exceptionnelles du 17e siècle, de la chapelle classée au titre des Monuments historiques depuis 1995.

La restauration du plafond peint de la chapelle des Pénitents blancs de Montpellier. La peinture d’Antoine Ranc à l’honneur

 

A l’initiative d’Hélène Palouzié, conservatrice des Monuments historiques adjointe, et de son équipe, René Lamothe, chargé de mission d’ingénieur, et Nicolas Bru, conservateur du patrimoine, une étude préalable à la restauration cofinancée par la DRAC Occitanie a pu être engagée en ce début d’année 2021. Elle est confiée à l’architecte en chef des Monuments historiques Pierre-Jean Trabon, associé au restaurateur de toiles peintes Toshiro Matsunaga et aux restaurateurs de bois dorés de l’entreprise Tollis.

Un comité scientifique composé notamment de Pierre Stépanoff, conservateur au Musée Fabre, et d’Alain Chevalier, conservateur du patrimoine, spécialiste du peintre Antoine Ranc et de la peinture du 17e siècle à Montpellier, va piloter ce projet tant attendu depuis l’étude pionnière dirigée par Francine Arnal en 1993.

 

Un plafond et des toiles peintes de la fin du 17e siècle

Construite vers 1630, la chapelle des Pénitents blancs de Montpellier reçoit ensuite un important décor intérieur ornant aujourd’hui la nef, composé à la fois d’un plafond plat avec des toiles peintes réalisées au cours du dernier quart du 17e siècle et de lambris en bois doré du début du 18e siècle, placés sur les murs nord et sud au niveau du registre supérieur entre les fenêtres, et rehaussés par des petites toiles peintes.

 

 

 

 

 

 

Le premier décor du plafond, correspondant à la sous-face du plancher de combles, est composé de caissons à pans coupés, occupés par des toiles peintes séparées par des éléments en bois doré formant des cadres en applique. De tailles très différentes, aujourd’hui au nombre de 14 mais initialement 21, les toiles ont été exécutées dans les années 1671 à 1699, en faisant appel à plusieurs peintres, attribuées principalement à Paul Pezet pour les plus anciennes, à Catherine Pezette et Simon Raoux qui ont remplacé certaines toiles détruites par un incendie en 1698, ainsi qu’à Antoine Ranc dont ne sont conservés que le bas de deux toiles au milieu de la nef figurant chacun un grand ange. Cet ensemble est consacré à la Vie de Jésus et à la Passion avec la représentation des principaux épisodes relatés par le Nouveau Testament. Les deux plus grandes toiles, de forme octogonale, représentent l’Adoration des bergers et l’Erection de la Croix, et sont entourées de scènes plus petites figurant l’Annonciation, la Visitation, la Fuite en Egypte, l’Adoration des mages, la Circoncision, ainsi que la Flagellation. Côté chœur, trois toiles représentent Dieu le Père, saint Mathieu et saint Marc, laissant penser que les deux autres évangélistes prenaient sans doute initialement place côté tribune, aujourd’hui disparues.

Le second décor de lambris épousant la forme des fenêtres est dû entre 1698 et 1706 à l’architecte Charles-Augustin Daviler et comprend aujourd’hui 18 toiles clouées alternant 8 médaillons ovales et 10 panneaux de forme échancrée, dont 12 ont été exécutées par le peintre Antoine Ranc. Ces petits tableaux figurent des portraits de la Vierge et du Christ, des apôtres ou de saints (André, Bartholomé, François, Jacques, Pierre et Paul…), entrecoupés de paires d’anges brandissant parfois les instruments de la Passion ou des palmes de martyr.

L’intérieur de l’édifice a été modifié en partie au 19e siècle, d’abord par la démolition du retable occupant le mur plat du fond de la nef côté est et l’adjonction d’un chœur, ayant conduit à un complément de lambris avec toiles en imitation sur le registre supérieur du mur est, puis la construction d’une tribune côté ouest ayant suscité la disparition des toiles du plafond qui se trouvaient au-dessus de cette tribune.

Les enjeux de l’étude de diagnostic

Avant d’envisager la restauration à proprement parler du plafond, il s’agit en 2021 de procéder à un diagnostic sanitaire global des boiseries et des toiles peintes, vérifier les modalités d’accrochage de ces derniers et, surtout, de leur état de conservation, avant de proposer un protocole de démontage et de restauration, ainsi qu’étudier un phasage des interventions en plusieurs tranches. L’échafaudage, monté au milieu de la nef au milieu du mois de mars, a permis pendant quelques semaines d’observer au plus près ces toiles et, d’abord, de mieux comprendre la composition du plafond. Les cadres en bois doré présentent quelques déformations dus à des reprises et des mouvements structurels anciens, mais les dorures sont globalement en bon état et les tests de nettoyage et de décrassage se révèlent probants, laissant augurer d’un beau résultat.

Les toiles sont toutes clouées sur des châssis en bois et non marouflées directement sur le plafond ou fixées sous les cadres en bois : il sera donc plus simple de les démonter pour les restaurer en atelier, mais il conviendra pour cela de procéder précautionneusement pour retirer les clous en fer forgé, mesurant plus de 10 cm de long, et qui transpercent à la fois le support, les tasseaux en bois et le plafond. A contrario, les tableaux sont tous très abîmés, avec des trous et déchirures par endroits, ainsi que d’importantes lacunes de couche picturale pour certaines ; ce mauvais état s’explique peut-être par l’incendie subi en 1698, mais aussi les infiltrations et coulures d’eau qui ont pu avoir lieu depuis, ainsi que surtout le fort encrassement suscité par plus de trois siècles de bougies et de dépôt de suies et salissures. L’accrochage à l’horizontale, peu habituel, est lui-même source d’importantes déformations, notamment des plus grands formats, qui présentent vus d’en haut de sérieux « ventres », malgré les clous qui parsèment parfois la surface et ont permis de supporter le poids même des toiles.

Une des toiles centrales figurant La Fuite en Egypte, de format carré et de petite taille, a été démontée après avoir procédé à une consolidation de la couche picturale par encollage de feuilles de papier japon (technique dite de « pose de facings »). Descendue au sol, elle va être étudiée de plus près pour comprendre son système de fixation sur le châssis, et évaluer plus précisément le coût de sa restauration, avant de partir elle-même en atelier. Son enlèvement a permis aussi d’étudier de plus près le mode d’assemblage du plafond, constitué d’une grosse poutre de charpente recouverte d’un plancher en sous-face et de deux planchers successifs dans le comble.

Un chantier de restauration au long cours

L’étude de diagnostic, si elle permet d’ores et déjà d’admirer des œuvres que personne ou presque n’a vu d’aussi près depuis plusieurs siècles, a surtout pour objectif de chiffrer le coût de la restauration globale du plafond. Sommairement estimé aujourd’hui à plusieurs centaines de milliers d’euros, rien que pour le traitement des toiles du plafond, le chantier qui s’annonce à partir de 2022 est appelé à durer plusieurs années, et devrait se dérouler en plusieurs tranches, à raison de 3 ou 4 toiles par an selon les capacités de financement de l’association des Pénitents blancs, propriétaire de la chapelle et de son très riche mobilier. Elle devrait pour cela compter sur les aides et subventions de l’État et des collectivités, mais compte aussi mobiliser des donateurs privés par le biais d’une campagne de mécénat, pour une restauration qui s’annonce passionnante.

 

Pour en savoir plus

Francine Arnal, Alain Chevalier, Tableaux religieux du 17e siècle à Montpellier, Editions Inventaire général Ministère de la Culture, 1993, collection Images du Patrimoine, pp. 38-45.

Antoine Ranc, peintre montpelliérain. La peinture sous Louis XIV en Languedoc, DRAC Occitanie, collection Duo, 2018, p. 68-69