Marie-Flore Levoir, restaurateur du patrimoine, spécialité textile était présente le jour de l'incendie. Elle témoigne et présente son métier.

Pourriez-vous nous présenter votre métier ?

Les textiles, objets de prestige, costumes d’apparat, éléments de nos cérémonies officielles ou religieuses, symboliques ou décoratifs, drapeau ou bannière, ou bien vêtements qui chaque jour nous collent à la peau, au travail, pour nos loisirs, au lit et jusque dans la mort, sont aux cœur de nos sociétés. L’ingéniosité de l’homme est infinie pour obtenir par entrecroisements de ces fibres ténues des matières aux touchés si différents et adaptées à tant d’usages. Ces fibres fragiles sont sensibles à la lumière, à l’humidité, aux poussières, aux usures, aux attaques d’insectes ou de micro-organismes et facilement dégradées. Le conservateur-restaurateur se charge de les préserver de la dégradation par des moyens appropriés qui demandent à la fois une bonne connaissance scientifique, un savoir artistique et historique et une habileté manuelle. Les traitements de restauration tendent à être réversibles et sont complétés par une attention à l’environnement et au conditionnement pour que les conditions de conservation permettent la transmission de ce patrimoine aux générations suivantes.

 Quel a été votre rôle dans l’incendie et ses conséquences ?   

Appelée vers midi par une collègue, je suis arrivée à la cathédrale en début d’après-midi. Les textiles avaient été retirés des vitrines de la crypte avec beaucoup de soin par les pompiers. Trois pièces ont été touchées par les eaux de ruissellement qui sont descendues du chœur dans la crypte et qui ont coulé par les plafonds des vitrines sur les chapes et chasubles anciennes. Les eaux de ruissellement sont chargées de sels et d’agents mouillants destinés à faire pénétrer l’eau dans les éléments en feu. Ces produits imprègnent les étoffes et forment des taches et auréoles. Sur la chape, l’eau a provoqué des dégorgements des fils colorés sur le fond de satin blanc sur la partie centrale du dos. A mon arrivée, les textiles étaient déjà secs, la température étant assez élevée. Un tamponnage des tissus encore mouillés aurait peut-être pu alléger ces dégorgements mais il était trop tard. Les textiles ont immédiatement été traités en atelier pour dégager les substances d’imprégnation et réduire les dégorgements. Sur la chape les trainées colorées restent marquées malgré nos efforts pendant plusieurs heures. C’est un résultat décevant d’autant que nous avions passé des centaines d’heures sur le nettoyage