Accueillie le 6 février à Radio France, la 14e édition du forum de la Mission Vivre ensemble a donné, dans un contexte où les débats sur l’information n’ont jamais semblé aussi nécessaires, une large place à l’éducation aux médias.

D’un côté « un lieu unique en matière d’information », de l’autre « une mission qui lutte au quotidien contre la ségrégation culturelle ». Radio France, comme l’a souligné d’emblée la journaliste Hélène Merlin, était l’hôte tout désigné pour accueillir, au sein du forum de la Mission Vivre ensemble, une rencontre sur l’un des sujets phares du moment : « L’éducation aux médias et à l’information à travers des actions de terrain ». Retour sur trois projets emblématiques de médias alternatifs.

Un journal citoyen à la Villette

Depuis les attentats de 2015, « l’Association de prévention du site de la Villette (APSV) est fortement sollicitée par les pouvoirs publics pour accompagner les jeunes dans l’élaboration d’une citoyenneté active », indique Marie Hatet, sa directrice adjointe. C’est dans ce cadre qu’est né le projet « Citoyenneté – Fabrique de l’info », mené en partenariat avec le Service d’Accueil d’Urgence 75 (SAU 75), qui accueille des jeunes de 13 à 18 ans sous main de justice. Au programme, l’élaboration d’un journal comprenant notamment l’interview d’un élu et faisant une large place, sous l’égide d’un professionnel, à la caricature. « Dans le cadre de ce travail, nous souhaitions que les jeunes, à travers une perception concrète et non plus fantasmée du journalisme, interrogent tous les éléments qui les constituent en tant que personne », témoigne Patrice Amedeo, éducateur spécialisé. « Nous souhaitions également créer un espace de socialisation, de réflexion, où il ne serait pas illégitime de se poser des questions comme : quel est l’émetteur ? Comment fonctionne une conférence de rédaction ? Un espace pour le doute et le questionnement, en somme », ajoute Marie Hatet. De ce point de vue, l’initiative a tenu toutes ses promesses. Il reste qu’il faudrait, selon Patrice Amedeo, pouvoir « inscrire ces actions plus en amont dans le cadre d’un processus d’acquisition d’une citoyenneté active et non pas à un moment où les jeunes sont parfois enfermés dans une représentation altérée du monde ».

 

Une radio jeunes à Beauvais

Autre projet, celui qui réunit, autour de la création d’une « radio jeunes », le Groupement d’entreprises sociales SOS et l’Unité Éducative d’Activités de Jour (UEAJ) de Beauvais dépendant des services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. « Dans le cadre de projets similaires à destination de centres sociaux et de structures éducatives, nous avons acquis une expertise dans le domaine de l’éducation aux médias et de la mise en place d’outils radiophoniques ludiques pour les jeunes », justifie François Meresse, directeur du département médias du groupe SOS. Un atout incontestable, qui s’est révélé décisif : « Avant l’atelier, les jeunes ne juraient que par Facebook ou Snapchat et n’étaient familiers ni de la télévision, ni de la radio. Au moment des attentats de 2015, j’ai notamment pu me rendre compte de leur grande méfiance à l’égard des médias, les théories du complot revenaient régulièrement. L’atelier a permis de déconstruire ces représentations. La rencontre avec les professionnels a complètement légitimé le cadre », se félicite Alexis de Pourquoy, professeur technique Culture et Savoir de base à l’UEAJ de Beauvais. « L’atelier a véritablement permis aux jeunes de s’ancrer dans le monde », conclut François Meresse.

Les Missions locales ont leur webradios

Les missions locales qui, pour huit d’entre elles, ont lancé leur webradio, ne sont pas en reste. Mieux : elles sont aujourd’hui réunies au sein du site national Radio-actif.fr. Et les jeunes peuvent régulièrement bénéficier, comme récemment lors de deux ateliers organisés à la Maison de la Radio, de formations sur-mesure. « Notre objectif était de créer un média fédérateur favorisant l’expression des jeunes, précise Corentin Poirier chef de mission à l’Union nationale des Missions locales. Il était en effet paradoxal de ne jamais entendre ces jeunes auxquels les pouvoirs publics s’adressent pourtant en permanence ». « Lors des ateliers, nous avons choisi des sujets qui concernaient directement les jeunes, témoigne Sonia Dechamps, journaliste à Mouv’. Par ailleurs, si l’oral est le propre de la radio, le traitement en amont de l’information, qui permet de hiérarchiser les contenus, est aussi important à l’écrit ». Le résultat, qui témoigne d’une grande maîtrise autant que d’un vrai professionnalisme, est à découvrir sur radio-actif.fr ! 

Forum Vivre ensemble 2018

Comment utiliser la mission Vivre ensemble ?

Pour les 36 établissements culturels franciliens réunis au sein de la Mission Vivre ensemble, pilotée par Universcience, le forum est une occasion unique d’échanges et de rencontres avec les quelque 3500 relais issus du champ social, qui luttent au quotidien contre la ségrégation culturelle. Devant un public nombreux réuni le 6 février à l’intérieur du mythique studio 105 de la Maison de la Radio, Bénédicte Duchesne, chargée du développement des publics au Musée National de l’Histoire et de l’Immigration, et Karine Robert, responsable du département de l’action culturelle du Château de Fontainebleau, ont rappelé quelques principes simples destinés à accompagner, chaque année, les 250 000 bénéficiaires des actions de la mission : « prendre du temps pour préparer la visite », « ne pas hésiter à venir rencontrer les interlocuteurs dans les établissements culturels concernés », « être conscient qu’indépendamment de ce qui les rapproche, chaque établissement culturel a une politique des publics spécifique », « adresser des bilans de visites aux établissements culturels »... Les relais, unanimes dans leur appréciation positive de l’action de la Mission, ont de leur côté fait passer quelques messages. Ils ont notamment plaidé pour l’organisation de parcours de visites dans les collections permanentes des musées ou pour une plus large place faite à la restitution à l’issue des visites : « les publics sont eux aussi porteurs d’un regard sur la culture ».