Lors de la 10e édition du Festival du mot de La Charité-sur-Loire, Stéphane De Groodt, a reçu samedi 31 mai, le Prix Raymond Devos 2014, pour son utilisation de la langue française que l'humoriste belge manie avec liberté et agilité. Comme l'illustre avec brio son livre, Voyage en absurdie. Interview

Aurélie Filippetti vous a décerné samedi 31 mai le prix Raymond Devos 2014. Une consécration ?

C’est une belle récompense ! Et c’est d’abord une reconnaissance de mon travail qui renvoie à mon parcours. C’est très personnel. Surtout pour quelqu’un comme moi qui n’a jamais eu de diplômes. Mais je ne cours pas après les prix. Pourtant, mon premier métier – pilote de course – m'a plutôt incité à courir après les victoires!

Très jeune, j’avais une forme de dyslexie qui n’avait pas été décelée. Ce qui a provoqué chez moi comme un besoin de créer mon propre vocabulaire.

Comment êtes-vous passé de pilote de course à comédien?

J’ai été pilote de formule 3000. C’est la dernière étape avant de passer à la formule 1. Je n’ai vraiment jamais fait de distinction entre le métier de pilote et celui de comédien. Au volant, j’avais en tête Jean-Louis Trintignant, Steve McQueen ou Paul Newman. Il y a de grandes similitudes entre les deux métiers. Il y a beaucoup d’aspirants pour très peu d’élus. Pilote de course et comédien sont toutes deux des professions de spectacle. On a une montée d’adrénaline très forte. On a la même façon d’entreprendre les choses, de courir un risque, de mesurer le danger, de se lancer sur la piste ou sur la scène.

C'est pourtant le métier de comédien qui a primé?

Au fil du temps, j’ai appris à saisir les opportunités. J'ai pratiqué beaucoup l’improvisation qui est une vraie école pour se former. On s’y exerce à raconter des histoires, on nourrit une relation avec le public. Puis, j'ai commencé à écrire des chroniques, des articles.

Jusqu’à trouver ce style où vous maniez la langue française avec une grande agilité ?

Très jeune, j’avais une forme de dyslexie qui n’avait pas été décelée. Ce qui a provoqué chez moi comme un besoin de créer mon propre vocabulaire. La langue française est comme un passeport avec lequel je voyage, je franchis les frontières, visibles ou non. Je ne sais pas où je vais. Je joue beaucoup avec les mots, mais en suivant les intonations, leurs sonorités. En cela, j’ai été sensibilisé par la façon dont les chanteurs Gainsbourg, Baschung, se sont emparés du français, en faisant jouer les mots comme des instruments de musique.

D’où vient ce sentiment en vous écoutant d’un vocabulaire inédit et riche de sens?

C’est comme quand quelqu’un vous parle anglais et que vous ne comprenez pas tout. Vous saisissez le sens à la fin. Mes chroniques (sur Canal +, dans Le Supplément présenté par Maïtena Biraben, rassemblées dans Voyages en absurdie, éd. Plon) ressemblent à ça. On devine qu’il y a quelque chose derrière. J’essaie de nourrir chaque phrase d’une « sous-phrase » pour permettre à l’esprit de vagabonder.

Pratiquez-vous un humour belge ?

Français et Belges, nous sommes cousins. Nous n’avons pas la même histoire, mais nous nous ressemblons beaucoup. Je préfère dire, un humour de l’absurde. Je suis très influencé par les Monthy Python, ces drôles de situation où vous voyez un immeuble s’effondrer, un homme à ses côtés qui ne remarque rien et s’enlève juste un grain de poussière sur l’épaule. J’aime que la réalité m’échappe. Car j'aime la réinventer.