Lauréats d’un appel à projet inédit à l’initiative de Fleur Pellerin, 27 établissements de l’enseignement supérieur culture ont présenté le 12 octobre leurs projets pour renforcer la professionnalisation des jeunes créateurs.
Opérations extérieures : la Fémis mise sur le partage
Le propre d’un projet cinématographique ou audiovisuel, c’est qu’il ne se réalise jamais seul, ni sans un équipement conséquent. Pourquoi, dès lors, ne pas mettre à la disposition des jeunes créateurs les infrastructures professionnelles utilisées habituellement pour son enseignement ? C’est en partant de cette idée que la Fémis – l’école nationale supérieure des métiers de l’image et du son – a développé le programme « Opérations extérieures » (Opex). « Depuis toujours, la question de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés est au cœur de nos préoccupations, souligne Marc Nicolas, son directeur. Avec Opex, notre objectif est de leur offrir, pour un projet personnel, l’accès au matériel et aux installations techniques de l’école : plateaux de tournage, salles de montage, de mixage, salle de projection, etc. Cet apport représente un atout substantiel pour leur entrée dans la vie professionnelle ». Autre atout, selon Marc Nicolas : « cela permet aussi,dans l’esprit des FabLab, une transition intéressante entre la vie étudiante et la vie professionnelle : le jeune créateur est hébergé par l’école pour une partie de la réalisation de son projet mais en est le seul responsable, tant dans sa définition, son budget que pour son aboutissement ». La grande école de cinéma ne demande qu’une chose aux jeunes bénéficiaires d’Opex : ils devront engager un nombre « significatif » d’anciens étudiants dans l’équipe de leur film, confirmant à travers ce cercle vertueux le rôle essentiel que joue la Fémis dans l’écosystème de professionnalisation du monde de l’image.
École d’architecture de Nancy : les jeunes architectes jouent collectif(s)
Depuis plusieurs années, et notamment depuis l’organisation de la Folle journée de l’architecture de Nancy, le constat ne se dément pas. « Dans toute la France, de plus en plus de jeunes architectes n’hésitent pas à s’organiser aujourd’hui sous forme de collectifs entrepreneurs », observe Claude Valentin, enseignant en arts et techniques de la représentation à l'école nationale supérieure d’architecture de Nancy. Ceux-ci voient dans ces regroupements un avantage essentiel, celui du partage : « partage des moyens, des difficultés et des progrès, mais aussi partage d’une vision et d’un engagement dans le monde et dans sa transformation ». D’où l’idée de l’école nationale d’architecture de Nancy : adosser à la structure universitaire un Atelier national des collectifs d’architectes, l’AN-CAs. « Ce dernier fonctionnera à l’image d’une résidence d’artiste avec un appel à candidature annuel, détaille Claude Valentin. Le projet du collectif sélectionné devra comprendre une dimension entrepreneuriale mais aussi une ambition culturelle, professionnelle et sociale permettant de faire bouger les lignes dans les pratiques traditionnelles de l’architecture afin d’ouvrir des relais de croissance économique ». Dispositif d’aide à la professionnalisation, l’AN-CAs n’oublie pas les impératifs matériels et humains nécessaires au développement d’un projet : « le collectif bénéficiera de locaux et de moyens techniques, mais aussi d’accompagnement, d’entraide intergénérationnelle, de partage de méthode, de compétences et de réseaux de partenaires ». Un outil bien réel pour répondre aux enjeux de la professionnalisation des jeunes architectes.
École de la photographie d’Arles : un FabLab au cœur de l’image
Le « FabLab images » de l’école nationale supérieure de la photographie d’Arles est un projet atypique dont l’hybridation est le principe. Centré exclusivement sur la question de l’image (mais sur toutes les images), son ambition est, selon Rémy Fenzy son directeur, de « faciliter les croisements entre étudiants, citoyens, chercheurs et professionnels dans les quatre grands secteurs artistiques que sont les arts plastiques, l’audiovisuel, le jeu vidéo et le cinéma ». Hybridation entre création artistique et innovation économique, donc. Mais aussi entre recherche iconique et réflexion sur de nouveaux modèles économiques. Hybridation entre photographie traditionnelle et image numérique, bien sûr. Hybridation – enfin – entre les différents genres concernés, arts plastiques, audiovisuel, jeu vidéo et cinéma. Concrètement, que proposera le FabLab Images ? « Les objectifs du FabLab images d’Arles sont multiples, répond Rémy Fenzy : nous voulons en faire à la fois un espace de recherche, un atelier de conception numérique spécialisé sur l’image, un producteur de fabrication numérique. Notre ambition est d’inscrire la fabrication numérique dans le projet pédagogique de l’école, mais aussi de développer sa dimension professionnalisante dans tous ses aspects : innovation sociale, insertion professionnelle, nouveaux partenariats avec des entreprises au cœur de l’écosystème régional... » Véritable plateforme multi-faces, le FabLab Images s’adresse à des segments de publics larges : étudiants, artistes, designers, scientifiques, chercheurs, entrepreneurs, industriels, amateurs, grand public, etc. Pour instaurer un véritable dialogue.
Conservatoire d’art dramatique de Paris : le temps de la mutualisation
« Mise en commun », « mutualisation » : pour Claire Lasne-Darcueil, directrice du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, ce seront sans conteste les mots-clés de la création de demain. Prenons l’insertion professionnelle des jeunes acteurs. « Elle doit mobiliser non seulement les écoles en question, explique Claire Lasne-Darcueil,mais aussi le monde professionnel, en particulier l’ensemble des scènes nationales. Pour autant, les structures ne peuvent, sans être soutenues ponctuellement sur ce point, réaliser seules cette ambition légitime et capitale pour l’avenir. Il y a là un chantier magnifique, réalisable, de mise en commun des forces de création de ce pays, en dialogue par ailleurs avec la création internationale ». Avant d’en arriver à ce stade – signalons cependant un remarquable effort mise en commun, lors de la première semaine Inter-écoles, des formations du Conservatoire et de la Fémis en mars dernier –, le Conservatoire d’art dramatique a décidé de présenter hors-les-murs en 2016 les travaux de l’Atelier de 3e année dirigé par Xavier Gallais qui clôture la formation. « Nous avons décidé d’accompagner le désir des étudiants, qui souhaitaient entrer en contact avec des populations souvent oubliées par la culture, en déplaçant cette création ainsi que les répétitions en deux temps : d’une part, lors du festival Passages, à Metz, en juin, et, d’autre part, lors d’une résidence dans un lieu non dédié au spectacle habituellement », détaille Claire Lasne-Darcueil. Cette démarche montre bien la volonté du Conservatoire : « relier entre eux des mondes qui, loin d’être incompatibles, font et feront la richesse de notre pays ».
AJC : 27 projets pour soutenir la professionnalisation des jeunes créateurs
C’est l’une des mesures phares annoncées par Fleur Pellerin, le 30 juin dernier, lors de la journée de clôture des Assises de la jeune création (AJC) : inciter les écoles de l’enseignement supérieur culture à soutenir les démarches de professionnalisation des jeunes créateurs en créant ou en s’associant à des incubateurs, des pépinières artistiques, des fablab ou des espaces de travail en commun « coworking ». Doté de 580 000 euros, cet appel à projet national a suscité l’envoi de 44 dossiers de candidatures, émanant de 38 écoles de toutes les disciplines artistiques. Ainsi, les 27 projets sélectionnés concernent tant les écoles d’architecture (8 projets) que les écoles d’art et de design (15 projets), le spectacle vivant (3 projets) et le cinéma (1 projet). Ils ont été distingués en particulier pour leur caractère innovant, et surtout leur dimension pluridisciplinaire et partenariale.