Entre pacte d'engagement et code de bonne conduite, la "Charte des festivals", présentée par Françoise Nyssen le 20 juillet, à l'occasion du festival des Vieilles Charrues, constitue un élément clé du dispositif mis en place par la ministre de la Culture en faveur des festivals. Document.

Charte des festivals

Les festivals, un écosystème culturel à protéger

Chaque année, plusieurs milliers de festivals, rencontres, salons… ont lieu dans notre pays. Ils couvrent les domaines les plus variés : spectacle vivant, arts visuels, livre, cinéma, histoire et patrimoine, etc. Par cette réalité extraordinairement foisonnante dont nous avons l'héritage et qui s'est imposée dans l'environnement et dans l'imaginaire de chacun, les festivals jouent un rôle unique :

- sur le plan artistique en suscitant aussi bien la ferveur autour d'artistes et d'auteurs prestigieux, que la découverte de talents émergents et de formes nouvelles, ce partout en France ;
- par la conjonction des énergies et des soutiens des collectivités territoriales, de l’État, des mécènes, du tissu associatif,  des sociétés de gestion de droits d’auteurs et droits voisins, aussi bien que de milliers de bénévoles ;
- en termes culturels, par ce "fait festivalier" si singulier qui fait des festivals des lieux forts de partage, de vivre-ensemble, et de  participation des citoyens à la vie des territoires ;
- sur le plan professionnel en termes de structuration des filières concernées ;
- en termes de retombées économiques directes et indirectes pour les territoires, auxquelles s'ajoutent des retombées à long terme en termes d'image et de fierté partagée.

Mais l'écosystème des festivals est aujourd'hui fragilisé et risque de l'être davantage dans les prochaines années :

- par l'alourdissement des charges, en particulier les coûts de certains plateaux artistiques et ceux liés aux contraintes de sécurité qui s'imposent désormais à tous
- par les variations que peuvent connaitre les subventions publiques, dont les festivals sont dépendants et que ne compensent pas d'autres apports extérieurs comme le mécénat culturel qui est désormais déterminant dans le modèle économique des festivals.  
- par des phénomènes de concentration et de concurrence accrue notamment dans le secteur des musiques actuelles dans un contexte de mutation en profondeur de la filière, avec des risques de captation du public, d'uniformisation de l'offre artistique et de hausse en cascade des coûts artistiques
- par une moins grande facilité pour certains festivals à susciter du bénévolat
- par l'évolution des pratiques culturelles des Français et notamment des jeunes, ce qui, pour certains festivals, impose une remise en question.

Vers un soutien renouvelé aux festivals « exemplaires »

Une attention particulière de l’État et des collectivités est donc plus que jamais nécessaire pour les festivals. Ensemble, ils  ont la responsabilité essentielle et conjointe d'aider les festivals à conserver le rôle d'expérimentation et d'incubateur qui est le leur depuis plusieurs dizaines d'année, à conserver l'indépendance de leur programmation et leur liberté de prendre des risques et de prospecter les nouveaux talents, à opérer les mutations nécessaires.

Ce soutien doit aller en priorité aux festivals exemplaires par leur projet culturel, leurs valeurs, leur énergie, leur impact sur les territoires et leur capacité de coopération :

- en termes de diversité et d’excellence artistiques, de qualité et de rayonnement de la programmation : nouvelles productions, mise en valeur des talents émergents, d’auteurs vivants, des nouvelles écritures, échanges et hybridations entre les expressions culturelles, explorations trans-domaines…
- en termes de diversité culturelle et territoriale pendant le festival et au long de l'année : travail de sensibilisation  des publics, notamment les plus jeunes, parti-pris de modération tarifaire, développement des actions de médiation visant à développer la participation des personnes et des groupes.
- en termes d'empreinte territoriale, de dynamisation des territoires : implantation dans des zones les moins irriguées culturellement, partenariats avec les structures et réseaux territoriaux, itinérance…
- en termes d'impact sur l'économie des filières et de structuration professionnelle notamment pour certains secteurs : formations et informations, rencontres et table-rondes, rôle de marché sectoriel, actions d'insertion et de mise en réseau, résidences…
- en terme d’impact sur le territoire, sur l’économie locale, le rayonnement touristique,  la création d’emploi, le lien social intergénérationnel, levier de rayonnement et dynamisme économique, social et solidaire
- en termes de responsabilité sociale, sociétale et environnementale : prise en compte des enjeux liés au développement durable, à la place des femmes dans la programmation et dans les équipes et à celle de l'ensemble des catégories de la société dans toute sa diversité, à l'accessibilité aux handicapés, à la sensibilisation des festivaliers aux phénomènes de violence, de harcèlement ou d'addiction.

Les pistes d'action dans les territoires

Afin de préserver les festivals de variations budgétaires trop brutales, la voie d'un conventionnement pluriannuel et multipartite doit être recherchée dès que le contexte le permet, ce qui peut passer également par la mutualisation des moyens d'observation économique et sociale des festivals, d'expertise sur les projets présentés et de coopération sur les trajectoires des personnes.

S'il prend principalement la forme de la subvention, l'accompagnement des festivals par les collectivités publiques peut prendre également d'autres formes, notamment celle d'un soutien aux fédérations et organisations de festivals, là où elles ont pu durablement s'implanter, dans leurs actions transversales d'études, d'information, de formation, de diffusion des bonnes pratiques, ou de mutualisation de certaines charges entre festivals (par exemple s'agissant de matériels techniques ou de dispositifs de sécurité).

Une attention particulière doit être accordée aux festivals jeunes et/ou émergents, qui sont les plus fragiles, car ce sont souvent eux qui ont la capacité d'anticiper les mutations des pratiques et des attentes culturelles notamment chez les jeunes et, plus largement, qui incarnent l'espoir de renouveler et de rendre durablement vivace le rôle d'invention, d'expérimentation, d'incubation des talents et des formes de l'expérience des participants qui est celui des festivals depuis toujours.

En revanche, le soutien public n'a pas de justification pour les festivals qui s'inscrivent pour l'essentiel dans une logique de profit et de retour sur investissement, notamment lorsqu'ils sont adossés à des groupes nationaux ou internationaux disposant de moyens puissants et couvrant aussi bien la production et la diffusion que la commercialisation. Sans qu'il soit question de porter un quelconque jugement sur la programmation qui est la leur, ces festivals renvoient à un autre type d'écosystème qui n'a pas fondamentalement besoin de soutien public.