Inauguré le 10 mars en présence du Président de la République et de la reine de Norvège, le Centre de création contemporaine - Olivier Debré a su se renouveler tout en restant fidèle à sa mission première : servir l’art d’aujourd’hui. Les explications de son directeur, Alain Julien-Laferrière.

Alain Julien-Laferrière, directeur du CCC OD

Plus de trente ans après son lancement, le Centre de création contemporaine, créé à Tours en 1984, vient de réussir son pari : se renouveler profondément, tout en restant fidèle à son identité. L’enjeu ? Intégrer une donation majeure, celle du peintre Olivier Debré, décédé en 1999, dans de nouveaux locaux, autour d’un nouveau projet et avec un nouveau nom. Alain Julien-Laferrière, directeur du Centre de création contemporaine - Olivier Debré (CCC OD), revient sur l’évolution de ce lieu, qui a fait de l’ouverture à la création d’aujourd’hui, sa raison d’être.

Le nouveau CCC OD a été inauguré le 10 mars dernier par une exposition-hommage intitulée « Olivier Debré, voyage en Norvège ».En quoi la donation qui vous a été faite - 5 toiles et 150 dessins auxquels s’ajoute un prêt permanent de 140 tableaux - va-t-elle donner un souffle nouveau au Centre ?

Alors qu’habituellement nous travaillons plutôt sur des temporalités courtes, serrées – celles de la création contemporaine – cette donation nous apporte une certaine profondeur de champ, une profondeur historique, du recul. La donation d’une œuvre aussi vivante, aussi riche, que celle d’Olivier Debré, nous offre une vraie opportunité : nous inscrire dans un temps plus long. C’est précisément ce que nous faisons en consacrant la première exposition du nouveau CCC OD à « Olivier Debré : un voyage en Norvège ».

Justement, comment comptez-vous concilier cette dimension avec votre activité d’expérimentation ?

Dans les centres d’art dits de « première génération », dont nous sommes, notre mission est de présenter la création d’aujourd’hui, ce qui ne nécessite pas forcément une collection, aussi embryonnaire fût-elle. Pour autant, ça n’exclut pas non plus qu’on en ait une. Ainsi, notre activité de production de créations contemporaines nous a valu, de la part d’artistes tels que Lilian Bourgeat ou Claude Rutault des dons spontanés. Ce temps de la collection ne correspond donc pas un temps d’acquisition mais plutôt à un temps de présence des œuvres dans l’établissement. S’agissant d’Olivier Debré, nous avions commandé cinq grandes toiles pour une exposition-expérience chez nous. Elles se sont révélées être une partie essentielle de son travail étant donné que l’artiste s’y interrogeait sur le statut de l’œuvre et l’intérêt de l’art in situ. Il a finalement souhaité que nous les conservions et nous continuons donc, au travers des créations d’un artiste décédé, à interroger la notion d’espace. Notre démarche est, en cela, très actuelle.

Vous dites vouloir faire du CCC OD un « lieu emblématique de vie et de rencontres » en Touraine. Comment fait-on d’un centre de création contemporaine un lieu de vie ?

Nous avons désormais trois grandes salles d’exposition : une galerie blanche, une galerie noire et une grande nef transparente. Nous les avons inaugurées avec trois générations : on s’inscrit dans l’histoire avec la galerie blanche, où le travail d’Olivier Debré est présenté, la grande nef est dédiée à une démarche plus expérimentale au travers de l’œuvre de Per Barclay, un artiste de la génération suivante, tandis que la galerie noire, avec l’exposition collective « innland », donne à voir le travail d’artistes norvégiens trentenaires. Le public est amené à se démultiplier, car celui qui ne serait pas venu pour la jeune scène artistique de la région d’Oslo va la découvrir en venant pour Olivier Debré, par exemple. En ce moment, nous explorons également la relation au public via la mise en place d’un atelier, un lieu géographique et mental qui communique avec la grande nef. Il est conçu par l’artiste exposé dans cette grande nef, en l’occurrence Per Barclay, de manière à offrir aux visiteurs un point d’entrée sur l’œuvre qui y est exposée.

Votre politique culturelle exigeante vous conduit à mettre en valeur des artistes singuliers. Par quels canaux, autres que l’aménagement du lieu, passe votre entreprise de médiation et de démocratisation de l’art contemporain ?

Aujourd’hui, l’art contemporain a trouvé son public, il suffit pour s’en convaincre de voir la progression de la fréquentation au Centre Pompidou [NDLR : + 9 % en 2016]. En ce qui nous concerne, nous attendons 100 000 personnes cette année. En 48h, nous en avons déjà accueilli 8000 ! Maintenant, il s’agit de savoir comment engager le public à fréquenter de façon plus active, plus intelligente et plus pratique l’art contemporain. Plusieurs de nos initiatives vont dans le sens de cette problématique. Pour commencer, nous sommes des militants de la gratuité et notre grande nef, où est actuellement installée la chambre d’huile de Per Barclay, est ouverte 24/24, 365 jours par an. Le public peut donc assister librement au grand spectacle de l’art en venant à tout moment contempler une œuvre d’exception, renouvelée tous les trois mois environ. Nous avons en parallèle une politique tarifaire avantageuse avec un accès aux expositions qui coûte entre 3 et 9 euros suivant les âges. Un pass a en outre été créé, dans le but de susciter un sentiment d’appartenance – nous espérons que ceux qui y adhérent se sentiront chez eux au CCC OD.

Pouvez-vous me dire quelques mots sur la programmation à venir ?

Une dizaine d’expositions seront désormais organisées chaque année. Pour l’heure, elles ont toutes démarré en même temps mais elles prendront fin à des moments différents et seront globalement indépendantes les unes des autres. Nous remettrons en valeur de temps à autre l’œuvre d’Olivier Debré, mais celle-ci n’aura jamais une salle qui lui sera dédiée au CCC OD. Le fonds nous sert avant tout à mettre en valeur le travail de l’artiste sur la scène internationale et nous allons donc concevoir des expositions itinérantes afin de faire voyager les œuvres reçues. La prochaine exposition aura lieu au mois de juillet, ce sera une monographie exceptionnelle de l’immense artiste coréen Lee Ufan, qui a aujourd’hui plus de 80 ans. Celui-ci va s’approprier la galerie noire de manière à concevoir six salles, qui exprimeront chacune des six étapes de son vocabulaire artistique.

3 dates clés du CCCOD

CCC OD, Tours, 2016

> 1984 : Le Centre de Création Contemporaine s’installe dans des locaux fixes et prend le nom de CCC. Il ouvre ses portes quelques mois plus tard rue Racine, en janvier 1985. 

> 1991 : Exposition « Olivier Debré - quatre tableaux » au CCC (29 mai – 24 septembre 1991). Lors de la préparation de cette exposition, Olivier Debré commence à évoquer avec Alain Julien-Laferrière la question de sa postérité et la possibilité de présenter son travail dans un centre d’art, parmi les œuvres d’artistes contemporains, et non dans un musée où il serait figé dans le passé. 

> 2012 : Les architectes Aires Mateus sont désignés pour la réalisation du nouveau bâtiment, à l’issue d’un concours international. Parmi les quatre finalistes, concouraient les agences françaises Rudy Ricciotti et Berger & Berger, ainsi que l’agence espagnole Nieto Sobejano. 

> mars 2017 : ouverture du CCC OD au public. Il reçoit le soutien de l'Union européenne, du ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Centre-Val de Loire), du Conseil Régional du Centre-Val de Loire, du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, de la communauté d’agglomération Tour(s)plu(s) et de la Ville de Tours.