À côté de la fondation GAN, pionnière dans ce domaine, de nombreux mécènes soutiennent aujourd’hui le cinéma. Création, valorisation du patrimoine, égalité des chances pour l’accès aux grandes écoles, accompagnement des manifestations, rôle grandissant joué par les plateformes de financement participatif, l’aide est multiforme. Retour sur un Jeudi du mécénat programmé à point nommé.

Le Festival de Cannes, dont le palmarès a été dévoilé il y a quelques jours, est encore dans tous les esprits, et Audrey Azoulay a présenté le 25 mai au Conseil des ministres une communication sur la politique en faveur du cinéma : Ce jeudi du mécénat consacré au soutien du cinéma ne pouvait pas être davantage dans l’actualité,se félicite Robert Fohr, chef de la mission mécénat du ministère de la Culture et de la Communication, qui a organisé cette rencontre avec le concours de la Cinémathèque française et d’Anne Samson, de l’agence anne samson communication. Lors de son intervention, la ministre a rappelé que le cinéma, avec un total de 205 millions d’entrées l’an dernier, était aujourd’hui le premier loisir des Français et relevé l’importance de la part des films français. Elle est également revenue sur les mesures de soutien mises en œuvre depuis 2012, notamment la baisse du prix du billet et l’augmentation du crédit d’impôt pour les tournages en France. Elle s’est réjouie de l’accord signé le 13 mai pendant le Festival de Cannes à l’issue duquel les exploitants de salles se sont engagés à favoriser l’accès des films indépendants aux salles moyennes et grandes.

Patrimoine et diffusion

Dominique Hoff, déléguée générale de la Fondation GAN pour le cinéma, rappelle que la fondation, née en 1987, est un mécène historique du cinéma. Si elle a fait son baptême du feu en apportant un soutien au 50e anniversaire de la Cinémathèque Française, elle s’est rapidement orientée vers un soutien à la création et à l’accompagnement des premières œuvres. Nous restons aujourd’hui fidèles à notre mission d’origine, indique Dominique Hoff. On ne change pas une formule qui gagne serait-on tenté d’ajouter. Divines, le film de la réalisatrice Houda Benyamina, qui vient de recevoir le Prix de la Caméra d’or à Cannes, est en effet soutenu par la fondation.

Céline Savy, directrice adjointe de la communication de la banque Neuflize OBC, insiste de son côté sur les partenariats spécifiques mis en place avec certaines institutions culturelles. Pour ne citer que deux exemples, tandis que la banque est engagée dans une action de valorisation du patrimoine aux côtés de la Cinémathèque Française, elle apporte une aide à la production et à la diffusion dans le cadre de son partenariat avec l’école du Fresnoy, studio national des arts contemporains.

Nous restons convaincus que rien ne remplace le partage du cinéma en salles, Bertrand Cizeau, directeur de la communication du groupe BNP Paribas, parle en connaisseur : si la banque contribue aujourd’hui au financement d’un film sur trois, elle accompagne également la Fédération Nationale des Cinémas Français lors des deux événements majeurs – Printemps du cinéma et Fête du cinéma – de promotion du cinéma en salles. Elle est enfin tout récemment devenue elle-même coproductrice : elle participe ainsi à hauteur de 10 millions au projet « Valérian et la cité des mille planètes » de Luc Besson.

Nous restons convaincus que rien ne remplace le partage du cinéma en salles 

La Cinémathèque Française et le mécénat, c’est une longue histoire, Henri Langlois avait en quelque sorte lui-même fait don de sa propre personne, ne dit-on pas que la famille Langlois stockait des films dans sa baignoire. Jean-Christophe Mikhailoff, directeur de la communication, des relations extérieures et du développement de la Cinémathèque Française, rend un hommage appuyé à son fondateur. Il a eu cette idée complètement nouvelle à l’époque de créer une bibliothèque du film, une sorte de mixte entre Le Louvre et la BnF poursuit-il. Aujourd’hui, avec près de 40 000 films, mais aussi 23 000 affiches, plus de 2000 costumes…, la Cinémathèque française est l’une des premières collections au monde, c’est aussi un cinéma art et essai avec des espaces d’expositions. Celles-ci sont financées pour un tiers grâce au mécénat, précise Jean-Christophe Mikhailoff. Le couturier Giorgio Armani, qui habille Martin Scorsese et a fait les costumes du Loup de Wall Street, a ainsi participé à la récente exposition consacrée au réalisateur américain.

Le témoignage d’Arnaud Dumatin, administrateur général du Festival international du film de La Rochelle, est plus nuancé. Le festival qui est pourtant l’un des plus ambitieux en France tant sur le plan de le programmation – cette année il mettra notamment à l’honneur Frederick Wiseman, Barbet Schroeder ou encore Alain Guiraudie – qu’en ce qui concerne son action vis-à-vis des publics empêchés – depuis 15 ans, il organise un atelier de réalisation et de diffusion à la Maison Centrale de Saint-Martin-de-Ré – a du mal à intéresser les entreprises.Malgré un bassin économique dynamique, on sent une méconnaissance de la réforme de 2003, nous avons du mal à passer du sponsoring à une logique de mécénat. Constat en demi-teinte néanmoins tempéré par le soutien obtenu pour l’atelier prison et le projet « Le Corps de la Ville » sur les quartiers de La Rochelle soutenu par la Fondation Fier de nos quartiers.

Éducation/Égalité des chances

Une partie de notre action consiste à faciliter l'accès aux grandes écoles pour les jeunes de milieux modestes, indique Eléonore de Lacharrière, déléguée générale de la Fondation Culture et Diversité qui détaille la façon dont la fondation joue « les logisticiens » pour mettre les élèves en relation avec les écoles. L’action de la fondation ne s’arrête pas là. Grâce à un système de bourses et d’aides au logement, elle accompagne au maximum les élèves jusqu’à l’insertion professionnelle. L’école Louis-Lumière est l’un de ces établissements.Même si les droits d’entrée à l’école ne sont pas élevés, nous savons très bien que certains jeunes n’osent pas tenter le concours ; nous sommes installés depuis 2012 à Saint-Denis et avons une relation très forte avec le territoire, le partenariat avec la Fondation Culture et Diversité allait de soi, explique Mehdi Ait-Kacimi, directeur du développement et de la communication de l’école.

Une partie de notre action consiste à faciliter l'accès aux grandes écoles pour les jeunes de milieux modestes

La fondation France Télévisions met en place des actions de mécénat dans le domaine de l'audiovisuel pour des jeunes empêchés. Il peut s’agir d’une contribution financière ou d’un apport en mécénat de compétence, précise Olivia Lépinay, déléguée générale adjointe de la fondation. À noter que depuis 2016, elle soutient, aux côtés de la Fondation Culture et Diversité, le programme La Résidence mis en place par la Fémis, une formation courte sans exigence de diplôme ouverte à quatre jeunes de moins de trente ans tenus à l’écart des formations de haut niveau. Enfin, autre projet original, celui initié par l’association Eclat, implantée au sein de la Villa Arson à Nice et aux avant-postes en matière d’aménagement du territoire à l’échelle régionale dans le domaine de l’image. Marianne Khalili-Romeo, sa déléguée générale, présente Moviemanta, projet innovant à tous égards – il vise notamment à fédérer toutes les forces vives de la métropole niçoise – qui commence son parcours de recherche de financements.

Soutien aux talents et aux projets

Les chiffres donnés par Adrien Aumont, co-fondateur de KissKissBankBank, et Nicolas Bailly, fondateur et gérant de touscoprod parlent d’eux-mêmes : les plateformes de financement participatif sont devenues des acteurs de premier plan dans le soutien au cinéma : Même si la musique demeure le premier secteur soutenu, le financement des projets cinéma sur KissKissBankBank représente aujourd’hui 2 millions d'euros par an avec une moyenne de 5000 euros par projet, indique Adrien Aumont. Il est de 6 millions d’euros depuis la création de la plateforme pour une moyenne de 8000 euros par projet, renchérit Nicolas Bailly, dont la plateforme est dédiée au film et à l’audiovisuel.

Le crowdfunding est moins une question de financement que d'engagement, le souscripteur fait partie d'une aventure ; dans la vie d'un film, il y a deux moments clé, le financement et la diffusion, nous faisons en sorte que chaque souscripteur soit un diffuseur en puissance

Adrien Aumont revient aussi sur l’exceptionnel record de collecte, 422 000 euros, obtenu par le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent. A mon sens, le crowdfunding est moins une question de financement que d'engagement, le souscripteur fait partie d'une aventure ; dans la vie d'un film, il y a deux moments clé, le financement et la diffusion, nous faisons en sorte que chaque souscripteur soit un diffuseur en puissance, souligne encore Nicolas Bailly. Adrien Aumont, prenant l’exemple des États-Unis où le financement du cinéma par des entreprises du type « kickstarter » – qui ont fait du financement participatif leur raison sociale – va de soi, plaide enfin pour une moins grande frilosité des milieux audiovisuels à reconnaître les plateformes comme des acteurs à part entière . Si le festival Premiers Plans d’Angers bénéficie d’un apport en mécénat à hauteur de 13% de son budget, c’est sans doute « parce qu’il a la grande chance de mettre en lumière la jeune création », reconnaît Claude-Eric Poiroux, son délégué général, qui indique également la création d’une nouvelle section constituée de films diffusés sur internet lors de la dernière édition du festival. Enfin, le film lauréat de la fondation Barrière reçoit une dotation de 31 000 euros dont 23 000 euros pour la promotion du film et 8000 euros pour le réalisateur, précise Jérôme Réveillère, son directeur artistique.