Penser le design depuis l'école primaire : c'est le projet présenté aujourd'hui par matali crasset, designer, Nicole Roux, directrice de la maison des petits au Centquatre et Corinne Rozental, chef de projet de l'Atelier des enfants au Centre Pompidou lors de la deuxième édition des Rendez-vous du design. Un projet au cœur de l'éducation artistique et culturelle. Rencontre avec matali crasset et Corinne Rozental.

Pourquoi amener le design à l'école primaire?

Le design apprend à regarder ce qui nous entoure. Il nous rend responsable de notre environnement. Le design nous offre la possibilité de construire le monde ensemble. Pourtant, le mot « design » revêt encore des contours flous, et pas seulement chez les enfants. Quand on demande aux gens ce que c'est, ils ne savent pas très bien. C'est un mot anglo-saxon. Il renvoie à quelque chose de vague. C'est soit un style, soit une façon de penser. Ou alors, il qualifie le bon ou le mauvais goût. Autrement dit, rien de bien précis. Or, si l'on dit aux enfants que le monde autour d'eux est construit et pensé par d'autres, on leur fait prendre conscience de ce qui les entoure. Par là même, on donne du sens au design. Et du coup, en éveillant le regard, en l'interrogeant, on rend l'enfant actif et on le rend pleinement acteur de ce monde empli d'objets.

L'objet est au cœur du projet que vous élaborez pour sensibiliser les enfants au design

Les enfants choisissent un objet chez eux, ce qui les invite à dialoguer avec leurs parents, leurs grands-parents. Pourquoi tel objet? Quel est son usage, son histoire. On touche là à l'intime, à la mémoire familiale, aux souvenirs. L'objet remplit une fonction, mais pas seulement : il est un trait d'union.

Ce projet prend la forme d'un processus décliné en quatre étapes?

Après l'étape qui consiste à choisir un objet, on questionne sa matière, sa place dans l'histoire, sa relation à l'environnement. Quand on ressort un vieux minitel, on mesure avec aujourd'hui toute l'avancée technologique. On récupère aussi un stylo Bic, une montre Swatch, une étiquette d'une vieille boîte de camembert...La classe fait un choix parmi ces objets et constitue une collection. Grâce au numérique, l'enseignant la met en miroir avec d'autres collections : avec celle d'une autre école qui participe au projet, ou une collection nationale. Le patrimoine national devient un outil, une source d'exploration. Il s'agit ensuite d'aller voir à l'extérieur, d'aller à la rencontre des artisans, des designers qui conçoivent les objets, de se rendre dans une usine de plastique pour suivre le processus de fabrication, ou d'assister à un spectacle chorégraphique pour saisir la gestuelle, le mouvement inhérent à l'objet. Dans une dernière étape, on fait place à l'imaginaire avec l'invention d'univers nouveaux, on crée des passerelles avec d'autres disciplines artistiques, on réfléchit au futur...

C'est le point de départ d'une aventure collective?

À partir du moment où l'on emmène l'enfant à réfléchir sur son environnement, à en être un acteur, cela favorise toute une série de comportements individuels et collectifs: la curiosité, la connaissance, l'analyse et l'action. Mais aussi le travail d'équipe, l'entraide. À tous les stades de la collection, son élaboration, son exposition, ou l'invention d'applications nouvelles pour demain, chacun intervient selon ses forces et ses qualités. Le design permet à l'enfant de développer le champs des possibles, d'explorer les univers sensibles, d'agir surtout avec la conscience d'être partie prenante sur le monde qui nous entoure.