Ils sont libraires, bibliothécaires, éditeurs, passeurs de livres en tout genre et, bien sûr, auteurs. Comment suscitent-ils le désir de lire ? Aujourd’hui, la médiathèque – maison de quartier de Vaulx-en-Velin (3/6)

La médiathèque Léonard de Vinci est le fruit d’une large concertation, menée depuis 2016, auprès des habitants, des professionnels et des associations. « Dès l’origine du projet, et à chaque étape de sa réalisation, la ville a souhaité identifier et prendre en compte les besoins des vaudais », fait valoir Valérie Brujas. Cette démarche de co-construction a donné lieu à un projet d’envergure, à la fois culturel, éducatif et social puisque la médiathèque accueillera, au sein des 2 500m2 qui la composent, une maison de quartier. « Au-delà de sa fonction culturelle première, cet établissement a vocation à devenir un véritable lieu de vie et d’échange », précise la cheffe de projet de la médiathèque - maison de quartier.

Un projet ambitieux et innovant

Le projet d’établissement s’est construit autour de plusieurs axes, dont, en premier lieu, l’accompagnement et l’accueil de différents publics. Une attention toute particulière est portée aux personnes des quartiers populaires, ainsi qu’aux jeunes et aux familles. La médiathèque Léonard de Vinci est en effet implantée au cœur d’un quartier emblématique de la politique de la ville, le Mas du Taureau, majoritairement composé d’une population jeune - 48% de ses habitants ont moins de 29 ans. L’accès au savoir, à la formation et aux études, constituent le deuxième grand axe autour duquel le lieu a été pensé. Enfin, l’établissement sera largement ouvert. « Il nous est apparu nécessaire de proposer des espaces informels, de ne pas faire de cette médiathèque un lieu centré uniquement sur les ressources documentaires », analyse Valérie Brujas.

Ainsi, la médiathèque de Vaulx-en-Velin a été pensée de façon à valoriser autant les savoir-faire que les « savoirs savants ». Ce parti pris se traduit notamment par l’existence d’un espace dédié aux initiatives locales, ou encore d’un coin cuisine, accessible à tous. « Vaulx-en-Velin est une ville qui a accueilli beaucoup de personnes, d’une très grande diversité de pays. Or la cuisine est un élément de partage, d’échange, de découverte de ces cultures plurielles », souligne Valérie Brujas. Le lieu comprend également un fablab, qui met à disposition des habitants un ensemble d’outils numériques innovants. « Le développement numérique est un enjeu de société global, mais la question est particulièrement saillante dans notre ville », observe Valérie Brujas. La MedNum a en effet identifié Vaulx-en-Velin comme un territoire où l'indice de fragilité numérique est élevé, soulignant ainsi la nécessité d’un important travail de médiation en ce sens. « En accord avec cet état des lieux, la médiathèque – maison de quartier a été labellisée 'Fabrique de Territoire' par l'ANCT et va proposer une offre de services qui permettra de faciliter l’accès aux connaissances et de favoriser l’inclusion sociale », assure la cheffe de projet.

Il y a, dans ce quartier, une attente d'art, de culture, de beau, très forte.

Trois niveaux de rayonnement

La médiathèque Léonard de Vinci proposera, au sein du quartier du Mas du Taureau, des activités d’animation de la vie sociale et un service de lecture publique aisément accessible aux habitants, aux écoles ou encore aux associations. A l’échelle de la ville, elle deviendra la tête de file d’un réseau de bibliothèques – trois au total, ainsi qu’un bibliobus – et permettra, à ce titre, l’enrichissement des collections de Vaulx-en-Velin. « Nous avons une bibliothèque à moins de 15 minutes de chaque habitation », explique Valérie Brujas. « Les livres circulent entre elles, et on peut ramener son livre dans n’importe quel établissement. Les 54 000 ouvrages de la médiathèque viendront ainsi s’ajouter aux 80 000 que nous possédons et seront accessibles, via notre système de transit, à l’ensemble des vaudais », précise-t-elle encore. Fidèle à la ligne de conduite établie, la médiathèque portera une attention toute particulière aux jeunes publics – il a d’ores et déjà été prévu qu’elle intégrerait un fond de manga et de jeux vidéos permettant de reconnaître et d'accompagner les nouvelles pratiques culturelles vidéoludiques. « Penser notre offre culturelle en fonction des habitants ne nous empêche pas de continuer à être exigeant sur la qualité des propositions qui sont faites. Les bibliothécaires doivent, de toute façon, faire des sélections, proposer, ouvrir le champ des possibles », observe la cheffe de projet.

Le rayonnement de la médiathèque – maison de quartier s’étendra, en dernier lieu, au niveau métropolitain. « L’enjeu, c’est que cet équipement devienne un fer de lance de la transformation du quartier », affirme Valérie Brujas. Le Mas du Taureau était, jusqu’alors, une zone à urbaniser en priorité (ZUP) monofonctionnelle, composée presque exclusivement de logements. « Créer des établissements publics attrayants, comme la médiathèque attire des infrastructures et facilite, à terme, le développement des activités économiques et du commerce », analyse Valérie Brujas. En effet, une nouvelle ligne de métro passera devant la médiathèque, reconnectant ainsi Vaulx-en-Velin à Villeurbanne. Celle-ci précédera par ailleurs l’ouverture de complexes sportifs, d’écoles et de crèches, ainsi que la création d’espaces destinés à accueillir des bureaux, des lieux de formation et des commerces. A ce titre, la médiathèque Léonard de Vinci est l’une des clefs de voute d’un programme de rénovation urbaine de grande envergure.

L’art et la culture, vecteurs de découverte de l’autre et du monde

« Les besoins sociaux et culturels sont proches. La fonction sociale de la culture est importante, mais souvent, elle n’est pas prise en compte », observe Valérie Brujas. « Qui plus est, les habitants du Mas du Taureau n’ont pas une vision sectorielle du milieu culturel et du milieu social. Pour eux il n’y a pas de hiérarchie entre le fait de se rencontrer, de discuter, de vouloir faire ses devoirs ou d’accéder au savoir », fait-elle valoir. Associer la lecture à l’échange et au vivre ensemble s’avère, dès lors, sinon nécessaire, du moins pertinent. « Qui plus est, bibliothèques et centres sociaux défendent tous deux des valeurs citoyennes puisqu’il s’agit d’accompagner des personnes, de les aider à développer leur libre-arbitre et leur esprit critique, tout en proposant des temps de rencontre et d’animation », reprend Valérie Brujas.

L’articulation, au sein de la médiathèque Léonard de Vinci, entre social et culturel passe aussi par la notion de droits culturels. « Il y a, certes, une culture traditionnelle qu’on va permettre aux vaudais de décoder, de découvrir, mais nous allons également être dans la valorisation des pratiques culturelles des habitants », souligne Valérie Brujas. Pour elle, l’art et la culture, vecteurs de découverte de nouveaux imaginaires, sont d’autant plus importants qu’ils permettent de sortir de sa réalité quotidienne pour se projeter dans un avenir différent, nouveau. L’expérience artistique permet également de réfléchir à la représentation que l’on a de soi, des autres… Une expérience dont les habitants de Vaulx-en-Velin sont extrêmement demandeurs. « La consultation nous a permis de constater qu’il y avait une attente d’art, de culture, de beau, très forte ainsi qu’une ouverture d’esprit importante vis-à-vis de la création », explique Valérie Brujas. « Le fait de ne pas avoir les codes d’usage d’un lieu culturel traditionnel fait que finalement on est dans une relations beaucoup plus directe, plus sensible, à l’art, au livre et à la lecture. Et cette relation est très belle », conclut-elle.

 

Le Plan Bibliothèque
 

Partagé par le ministère de la Culture, les collectivités locales et les professionnels, le Plan Bibliothèque vise à moderniser les bibliothèques pour renforcer leur rôle sur les territoires.

La première étape du plan, « ouvrir plus », a suscité l’intérêt des élus : en 2018, 231 collectivités ont été soutenues dans l'extension des horaires de leurs bibliothèques, pour une moyenne de huit heures d’ouverture de plus par semaine. 50 nouveaux projets d’extension d’horaires sont prévus en 2021 et 50 autres en 2022 – au total, 500 projets devraient avoir été aidés sur le quinquennat. Les bibliothèques ont également entamé le second volet du plan, « offrir plus », en élargissant leur offre de services. Ce volet se décline en trois grands axes :

- Axe 1 : les bibliothèques, des lieux attractifs et accueillants : rénover les espaces, les moderniser et mieux les connecter ;

- Axe 2 : les bibliothèques, un service public de proximité : conforter l’action des politiques départementales et encourager la mutualisation des bibliothèques avec d’autres services publics ;

- Axe 3 : les bibliothèques, actrices de l’inclusion sociale : favoriser l’inclusion numérique et les actions menées dans le champ social.

Le plan de relance a permis de pleinement déployer l’acte II du Plan Bibliothèque en mobilisant 40 M€ en 2021-22 pour soutenir les bibliothèques des collectivités territoriales. 30 M€ ont été dédiés à l’extension des horaires d’ouverture, la rénovation et la construction de bibliothèques (dont les nouvelles bibliothèques de Clermont-Ferrand et de Besançon) ; 10 M€ ont été fléchés vers les achats de livres des bibliothèques auprès des librairies.