Lancée par Audrey Azoulay, la nouvelle édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie va se dérouler jusqu'au 17 mars dans 70 pays sur le thème du "français, langue en partage". Une occasion unique, selon la ministre de la Culture et de la Communication, de "lutter contre les inégalités face à la langue" et de "renforcer son appropriation par chacun de nous". Entretien avec Loïc Depecker, délégué général à la langue française et aux langues de France.
Pourquoi le thème des variétés du français a-t-il éveillé votre intérêt ?
Il suffit de franchir les frontières pour s’apercevoir que le français est divers. Chacun le parle et se l’approprie à sa façon, que ce soit en Belgique, en Suisse ou ailleurs. On rencontre également une incroyable diversité de mots et d’expressions dans les différentes régions françaises. Il y a d'ailleurs une continuité entre les mots de la francophonie et ceux des régions de France. Le Canada français a été peuplé sur plusieurs siècles par des populations venues de l'Hexagone. On y « barre » toujours la porte, comme dans plusieurs régions de France. Au Canada, on barre son auto !
Comment avez-vous procédé pour relever les mots de la francophonie ?
À la fin des années 1980, il y avait assez peu de relevés sur les mots francophones. On trouvait des monographies par pays, dispersées dans les bibliothèques, ainsi que dans les atlas linguistiques. Il s’agissait dans ces conditions de faire comprendre au public la richesse du français parlé hors de France. « Traversier » se dit au Canada pour ferry-boat. Il s’agit d’un vieux mot qui désignait à l’origine la barque traversière (XVIe siècle) qui permettait de traverser une étendue d’eau, par exemple depuis de grands navires en mer jusqu’au rivage. C’est dire si les mots de la Francophonie puisent profondément dans l’histoire de la langue française. C’est là un héritage historique et culturel de grande valeur. C’est aussi une chance pour notre langue, son développement, sa puissance inventive. La répartition de la langue française dans le monde, sa cartographie en quelque sorte, laisse voir son histoire. Il faut s’appuyer sur cette profondeur de champ pour créer les mots nouveaux d’aujourd’hui, surtout dans les domaines techniques et scientifiques.
La répartition de la langue française dans le monde, sa cartographie en quelque sorte, laisse voir son histoire. Il faut s’appuyer sur cette profondeur de champ pour créer les mots nouveaux d’aujourd’hui
Dans un espace mondialisé, les régionalismes et particularismes locaux ont-ils tendance à s’estomper ?
Face à la mondialisation et à l’anglicisation, on constate aujourd’hui que chacun s’attache à affirmer son envie de « rester soi », de revendiquer son identité, son origine, sa culture. Je viens d’une famille du nord de la France. Une poignée de porte, pour moi, c’est toujours une « cliche » et la fête, c’est toujours la « ducasse ». Ces mots, pour moi, font immédiatement ressurgir l’enfance.
Les lecteurs français sont particulièrement friands d’ouvrages dédiés à la langue française en général et aux expressions en particulier. Comment expliquez-vous cette passion ?
Le public aime découvrir l'histoire de la langue, la manière dont les mots sont nés, ont voyagé, sont revenus chez nous... Il y a de plus en plus de documentation sur ces questions. Dans les années 1980, les ressources sur l’étymologie étaient dispersées dans les dictionnaires. Il y a aujourd’hui de très beaux recueils accessibles en ligne, tels le Grand dictionnaire terminologique du Québec ou la Base de données lexicographiques pan-francophone. Les livres sur le sujet sont plus nombreux que jamais et la Toile permet d’avoir accès à toutes sortes d’informations souvent inédites. De plus, la question de la langue est devenue majeure en France. Les problématiques sur notre identité sont en effet au cœur de nombreux débats. La langue française offre justement un bel exemple d’identité ouverte sur le monde.
Le programme de la #SLFF16
Cette année, la Semaine de la langue française et de la Francophonie est parrainée par Marguerite Abouet, l'auteur de la célèbre bande dessinée "Aya de Yopougon". "Je suis particulièrement sensible aux africanismes en général et au nouchi en particulier, explique Marguerite Abouet. J’aime son côté imagé, inventif, comme dans l’expression "Ta bouche ne sait pas porter des caleçons", qui peut se traduire par "Tu parles trop". Les Africains s’approprient la langue de Molière, l’assaisonnent, la rendent sensuelle et poétique. Leurs conversations sont de vrais festivals verbaux !"
Du 14 au 17 mars, le ministère de la Culture et de la Communication accueillera dans ses murs plusieurs spectacles ouverts au grand public. Une captation de ces événements sera mise en ligne sur Dailymotion et sur le site internet du ministère. Le 14, concert "Mots composés" de Mathieu Boogaerts.Le 15, avant-première de "Les fous ne sont plus ce qu'ils étaient" : une manière d'hommage à Raymond Devos par le comédien Elliot Jenicot,Le 16, "Déshabillez-Mots" de et avec Léonore Chaix et Flor Lurienne.
Des événements jeune public seront donnés ces mêmes jours, non ouverts au grand public.Les élèves de plusieurs établissements publics seront accueillis rue de Valois. Ce sera l'occasion de valoriser le travail d'associations engagées dans le champ de la culture.Le 14, un tournoi d'improvisation théâtrale rassemblera des équipes des trois collèges de Trappes (Yvelines). Les 6 vainqueurs représenteront leur ville lors de la demi-finale du Trophée d'Impro Culture & Diversité (parrain Jamel Debbouze), le 29 avril au théâtre de l'Union, CDN du Limousin.www.fondationcultureetdiversite.org
Le 15, des collégiens invités au Cabaret littéraire TaPage Diurne approcheront la littérature jeunesse à travers des improvisations à la beatbox et au piano. www.leslivreurs;com
Le 16, plusieurs Comédiens-Français proposeront à des classes primaires un spectacle autour des Dix Mots de la langue française. Parrain Christian Hecq.Le même jour, aura lieu le Concours d'orthographe intercommunal "J'épelle", organisé par le Club des jeunes de Boissy Saint-Léger. Pour les élèves du CM1 à la 5e. Le parrain est l'écrivain Daniel Picouly.
Le 17, les enfants de la ville de Romainville participeront à la finale du concours des arts oratoires. Chaque équipe devra présenter une prestation orale (texte, poème, chanson, discours, conte ou joute verbale) de six minutes, incluant les Dix Mots de la Semaine.