La musique rapproche, inspire, suscite le désir. En 2015, la 34e édition de la Fête de la Musique célébrera le vivre-ensemble, valeur fondatrice de ce grand moment de partage à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication. Focus sur deux performances inédites à retrouver le 21 juin au Palais-Royal.

« Un moment de création collective et de partage »

Le trompettiste Ibrahim Maalouf rassemble une improvisation géante

Collectif. « Venez à 19h au Palais-Royal avec vos instruments faire la fête avec nous ». En lançant cette invitation, le regard d’Ibrahim Maalouf s’allume comme celui d’un gamin. Car le trompettiste virtuose veut réitérer au Palais-Royal, pour la Fête de la musique, la performance qu’il avait réalisée une première fois au Centquatre, à Paris, en février dernier : « orchestrer » une improvisation de 2400 cuivres amateurs et professionnels. « Pour la Fête de la Musique, nous serons encore plus nombreux au Palais-Royal lors de cette deuxième édition de l’improvisation géante. Et cette fois-ci, forts de notre première édition au Centquatre, vous allez jouer beaucoup plus ! » Il avait été révélé au grand public un an plus tôt par une Victoire de la musique. Depuis 2011, il est l’instrumentiste français – toutes catégories confondues – le mieux vendu en France, comme en témoigne son dernier opus, Illusions, dont il interprètera la coda lors du concert du Palais-Royal. Ensuite, trente musiciens bretons viendront le rejoindre pour clôturer le concert. Ils ont été formés à l’école de musique Bagad de Cap Caval, et ajouteront aux cuivres leurs bombardes, cornemuses, caisses-claires écossaises et percussions. Un joyeux métissage en perspective.

Improvisation. Ibrahim Maalouf est un musicien généreux, il aime transmettre, partager. La pédagogie joue un grand rôle dans son engagement de musicien. Il enseigne la trompette, milite pour que soit réintégrée l’improvisation au sein des conservatoires et écoles de musique, crée une classe d'improvisation au sein du Pôle supérieur d'enseignement artistique Paris-Boulogne-Billancourt. Selon lui, la pratique de l'improvisation développe en chaque musicien son langage personnel, principale source de renouvellement de la musique. C’est aussi pour attirer les regards vers cette pratique, qu’il organise des improvisations géantes. Depuis qu’il a abandonné son rêve d’adolescent – reconstruire sa ville natale Beyrouth – pour la trompette, Maalouf ne cesse de jeter des ponts : entre l'occident et l'orient, le classique et le jazz, la musique et le cinéma. La trompette dont il joue est elle-même métissée : son père, élève du grand trompettiste Maurice André, lui a adjoint un quatrième piston qui permet de jouer les quarts de ton caractéristiques des musiques orientales. Avec sa « trompette arabe », il accumule les récompenses et récolte de vibrants hommages d’anonymes : « Cet homme met la vie d’un peuple, d’un monde, celui de Beyrouth, le sien, le tien, le nôtre, en apothéose dans sa musique ». En un mot : un musicien d’élite, doué pour le partage.

« Une expérience excitante, entre maîtrise et lâcher-prise »

Productrice et DJ, Chloé réalise une performance exclusive avec l’Ircam

Circulation. On les imagine volontiers absorbés devant une table de mixage ou réalisant des compositions à l’aide de technologies ultra-perfectionnées. Sait-on pourtant que, derrière cette image d’Epinal de créateurs solitaires face à leurs machines, se cachent des musiciens passionnés à l’idée de rencontrer le public ? Chloé, l’une des figures emblématiques de la French Touch, estime important de défendre auprès d’autres publics l’électro pointue qu’elle joue et produit. Et l’Ircam – l’exigeant Institut de recherche et coordination acoustique-musique, fondé par Pierre Boulez –, n’est jamais à court d’idées pour présenter au public ses initiatives. L’une et l’autre – Chloé x Ircam – s’apprêtent à donner une prestation inédite – et excitante – lors de la Fête de la Musique, le 21 juin, dans les jardins du Palais-Royal. « Ce sera une performance live interactive, confie Chloé au site de pop culture Konbini. L’Ircam cherchait un artiste ouvert à un type de performance assez particulier : je ferai un live et le public interagira sur mon live par l’intermédiaire de ses téléphones mobiles et tablettes ». « Cette expérience inédite est directement inspirée par les nouvelles technologies du web audio tout juste sorties de nos labos de recherche »,ajoute Norbert Schnell, chercheur à l’Ircam, en décrivant ce projet comme une « explorationd’un maximum de choses différentes qu’il est possible de faire en collaboratif, collectivement, notamment avec des téléphones mobiles ».

Son(s). Une répétition générale a eu lieu le 19 juin au Centre Pompidou, histoire de vérifier que le processus fonctionnait bien. Côté technique, tout est au point ou presque, après que de nombreux aménagements et correctifs ont été apportés au dispositif. « Avec l’Ircam, on a défini des sons à donner au public, qui iront avec mon live, explique la productrice. Il va y avoir un espèce de va-et-vient entre la diffusion traditionnelle et celle sur téléphones ». Et côté artistique ? Pour Chloé, qui a multiplié, ces dernières années les collaborations avec les mondes du cinéma ou de l’art – on se souvient de sa création musicale, en 2011, pour accompagner Chantage, le dernier film muet de Hitchcock, ou de son splendide travail avec Anri Sala pour le Pavillon français de la biennale de Venise 2013 –, c’est un peu l’inconnu, car le public devient un véritable acteur de la performance. Un défi ? Certainement, et qui pose plusieurs questions : la musique peut-elle circuler autrement qu’entre un émetteur – l’artiste – et un récepteur – le spectateur ? N’existe-t-il pas d’autres voies pour la vivre, davantage encore, ensemble ? « Avec cette expérience, dit-elle, nous allons encore plus loin dans cette idée puisque les gens interagissent vraiment avec le son. Pour moi, c’est intéressant puisque je me mets un peu en péril. A quel moment dois-je complètement lâcher le contrôle et laisser les gens libres de créer ? » Réponse le 21 juin.

Et aussi...

Dans les jardins du Palais-Royal, les trois coups de la Fête de la Musique vont retentir dès 14h30 avec une (ré)interprétation du célèbre conte pour enfants de Prokofiev, Pierre et le loup, par The Amazing Key Stone Big Band, un grand orchestre de jazz composé 18 jeunes musiciens français. On l’aura compris : cette adaptation originale et ludique plonge tous les protagonistes de Pierre et le loup – et les spectateurs ! dans l’univers haut en couleurs d’un Big Band pour notre plus grand plaisir. A ne pas manquer.

#FDLM : Vivre ensemble la musique, un état d’esprit

> La musique rapproche, inspire, suscite. Plus encore, « elle incarne cette résistance joyeuse à tout ce qui pourrait nous éloigner les uns des autres : c’est cela que nous célébrerons tous cette année en descendant dans la rue pour vivre ensemble la musique », souligne Fleur Pellerin. Plus que jamais, donc, la 34e édition de la Fête de la musique sera l’occasion de célébrer, le 21 juin, le vivre ensemble, valeur fondatrice de cette grande fête du partage.

> Le partage, c’est aussi l’éducation artistique et culturelle, dont la feuille de route a été lancée en février dernier par Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem. A l’occasion de la Fête de la Musique, notons le concert final de la première édition de « l’École en chœur » avec sur scène les chorales lauréates, Aldebert, la compagnie Sans-Père et de nombreux autres groupes musicaux de jeunes (ministère de l’Éducation nationale, 101, rue de Grenelle, concert ouvert au public).

> La Fête de la Musique a conquis le monde : plus de 120 pays y participent et des concerts sont organisés dans 700 villes par-delà les frontières françaises. Pays à l’initiative de cette grande fête annuelle, la France n’est pas en reste. En 2014 ce sont plus de 17 000 concerts qui ont été organisés sur le territoire. Des instants musicaux qui ont attiré plus de 10 millions de Français dans les rues des villes et villages.