À l'occasion d'un colloque national organisé au Sénat lundi 23 juin sur les défis de l'éducation artistique et culturelle pour tous, Aurélie Filippetti revient sur cette véritable « ambition nationale ». Entretien

Comment définir le périmètre de l'éducation artistique et culturelle (EAC) ?
L'éducation artistique et culturelle n’a de sens que comprise dans un parcours, c’est à dire dans la durée. C’est tout l’objet du partenariat entre le ministère de la Culture et de la Communication, le ministère de l’Éducation nationale, les collectivités territoriales et les artistes. Ce n'est pas une action ponctuelle. Mais plutôt un engagement au long cours, un processus qui repose sur trois piliers : l'enseignement, la rencontre avec les œuvres et la pratique artistique et culturelle.

Quel est l'impact pour l'enfant ?
Si l'on développe une politique d'éducation artistique et culturelle, c'est pour donner aux élèves un autre regard sur le monde, leur proposer d'autres expériences sensibles, c’est aussi leur donner une chance de prendre ou reprendre confiance en eux-mêmes. Et pour l'enseignant, c'est l'occasion de découvrir d'autres qualités chez l'enfant. Sans doute, recrée-t-on ainsi des conditions favorables à la réussite scolaire. L'éducation artistique et culturelle est avant tout une ouverture sur le monde, le beau, le sensible.

Quels sont les contenus de l'éducation artistique et culturelle ?
Les actions sont nombreuses et toutes différentes ! Souvent, il s’agit des rencontres inédites comme en témoigne le récent premier Prix de l'audace artistique et culturelle remis par François Hollande à l’Élysée. Avec Kid Birds, un enseignant et un intervenant extérieur – un danseur et chorégraphe- initie ses élèves de CE2 et CM1 à la danse contemporaine à travers l’œuvre Beach Birds de Merce Cunningham. Ce projet est d'une grande force parce qu'il confronte les élèves à l’œuvre elle-même. Ils se l’approprient et créent ainsi leur propre démarche artistique. D'autres dispositifs à l'échelle nationale concernent des millions d'enfants, comme École au cinéma, où sur tout le territoire des élèves de tous les cycles, participent à la découverte du 7e art via des projections de films mais aussi à travers des rencontres avec des techniciens, des acteurs et des réalisateurs. C'est le cas aussi de Premières pages, une opération initiée par le ministère de la Culture et de la Communication qui a pour but de sensibiliser les plus jeunes enfants et leurs familles notamment les plus fragiles et les plus éloignées du livre à l'importance de la lecture, dès le plus jeune âge. Ou encore, La Classe, l’œuvre, proposée pour la deuxième année dans la cadre de la Nuit européenne des musées qui rapproche écoles, établissements scolaires autour d'une œuvre. Autant de possibilités pour l'élève d'une rencontre intime avec l'art et la culture.

En quoi l'ère numérique modifie-t-elle les pratiques ?
Le numérique favorise d'abord l'accès aux ressources qui est un point fondamental pour généraliser une éducation artistique et culturelle de qualité. Sur le portail ministériel consacré à l'éducation artistique et culturelle, on peut s'informer sur les dernières actualités, télécharger des dossiers et retrouver les aides pour monter un projet. Sur le portail Histoire des arts dont une nouvelle version sera bientôt disponible sur Culture.fr, près de 5000 ressources (dossiers pédagogiques, expositions virtuelles, vidéos, repères chronologiques par discipline...) sont commentées et constituent autant d'outils pour l'enseignement de l'histoire des arts. Le numérique favorise aussi de nouvelles formes d’engagement de nos partenaires en faveur de l'éducation artistique et culturelle. En témoigne le projet du BAL – soutenu par la Fondation Total avec qui nous avons signé une convention le 28 janvier – qui initie et sensibilise, via une plateforme en ligne d'éducation à l'image et un projet intitulé La fabrique du regard, le jeune public aux différents enjeux de la représentation par l'image.

Le numérique favorise-t-il l'égalité entre les territoires ?
Les données en libre accès permettent aussi d'étendre l'éducation artistique et culturelle sur tous les territoires, notamment ceux où l'offre culturelle est moins importante qu'ailleurs, je pense à certains territoires ruraux. Mais il ne se substitue pas à la rencontre directe. Depuis septembre 2013, date à laquelle nous avons présenté le dispositif propre à soutenir cette ambition nationale, nous avons multiplié les rencontres pour capitaliser, échanger. En septembre 2014, aura lieu la première université d'été autour de l'EAC à Chartreuse-lès-Avignon, je m’en réjouis.

Quelles sont aujourd'hui les perspectives de l'EAC ?
Avec le ministère de l’Éducation nationale, nous devons continuer à nous engager ensemble. Il faut aménager du temps dans les rythmes scolaires et périscolaires. Ce partenariat est la clef de voûte de la réussite de l'éducation artistique et culturelle. Autre point fondamental, nous devons mettre l'accent sur la formation. Celle en faveur des enseignants, et de l'ensemble des acteurs de l'éducation artistique et culturelle (acteurs de la culture et de l’éducation au sens large) pour inscrire durablement notre politique.