Mise en place d’un atelier de pliage expérimental, immersion dans le processus de production de pièces en céramique, discussion autour d’un artisanat en voie de disparition… Gwenaël Prost, designer plasticien, fait feu de tout bois pour communiquer et transmettre sa passion de l'origami aux enfants. Suite de notre série de portraits consacrée aux artistes du dispositif Création en cours (7/8).

« Participer à Création en cours me donne l’occasion d’approfondir un travail sur la transmission engagé lors de mon diplôme. À cette différence que je ne suis plus seul mais avec des enfants. L’école où j’interviens se trouve à la périphérie de Limoges, en ZEP, au milieu des tours. La plupart des enfants sont issus de l’immigration. Pour moi, qui viens d’un petit village, c’est un vrai changement, cette mixité m’apporte beaucoup », se félicite Gwenaël Prost, jeune designer plasticien, diplômé depuis 2014 de l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne, en résidence à l’école Joliot-Curie à Limoges. La ville a également tout du lieu idéal s’agissant de sa pratique artistique. « Ma présence à Limoges me permet d’explorer plus avant la technique du pliage associée à la céramique développée lors de mon diplôme et de rester très actif au sein du CRIMP - Centre de Recherche Internationale en Modélisation par le Pli -, l’association de pliage installée à Brive-La-Gaillarde. La relation qu’entretiennent les arts et la science m’intéresse depuis toujours », poursuit-il.

Le pliage, outil de « prototypage rapide et très efficace dans le cadre de la création en design », se prêtait idéalement à un travail avec les enfants. « C’est un formidable outil pédagogique. À la suite de Friedrich Fröbel, cet enseignant allemand qui, au 19e siècle, a été le premier à mettre en place un système d’enseignement du pliage dans son école, les études et les expériences qui ont été conduites n’ont cessé de le prouver. Le pliage est très intuitif. Il n’est nullement besoin d’avoir des compétences techniques ou des années d’entrainement. L’enfant crée tout de suite des formes, des personnages qui font écho à son imaginaire tout en lui enseignant des connaissances mathématiques et géométriques parfois très pointues ».

 

Grâce aux enfants, j’ai la sensation d’avoir de nouveau un regard neuf sur le pliage

L’atelier de pliage expérimental mis en place avec les enfants a de ce point de vue tenu toutes ses promesses. « Les enfants ne connaissaient pas le pliage pourtant ils ont tout de suite accroché et ne cessent de progresser. Certains ont même développé un véritable intérêt pour cet art. A côté des ateliers généraux du matin, j’ai pris l’habitude pendant la récréation de faire un origami abstrait ou figuratif avec à chaque fois un pliage plus complexe faisant appel à une nouvelle technique. Depuis le début, un petit groupe d’élèves très assidu prend part à l’atelier. Certains élèves qui, au départ, étaient timides, prennent petit à petit de l’assurance et viennent aider leurs camarades. D’autres qui avaient des problèmes de concentration et d’attention arrivent à des choses extraordinaires en pratiquant l’origami. Je ne cesse d’être surpris. Grâce aux enfants, j’ai la sensation d’avoir de nouveau un regard neuf sur le pliage ».

Quant à la seconde étape du projet, la production en céramique des pièces créées par les enfants, dont Gwenaël Prost pensait au départ confier la réalisation à des artisans, celle-ci a pris un tour auquel il ne s’attendait pas. La résidence lui a en effet permis d’entrer en contact avec l’École nationale supérieure d’art de Limoges. Résultat : le jeune artiste produit lui-même les pièces dans le cadre d’une convention signée avec l’école et bénéficie d’un accompagnement sur-mesure de la part de ses responsables. Celui-ci fait du reste écho à l’implication sans faille des enseignantes des classes de CM1 et CM2 depuis le début de la résidence. « C’est une occasion incroyable de prolonger la réflexion autour de l’idée de la transmission. Les élèves voient les pièces produites d’après leurs pliages. D’une certaine manière, ils participent à mes côtés à cette étape ».  

Autre originalité, la production de pièces à l’attention des artistes de la région Nouvelle Aquitaine participant au dispositif Création en cours. « Je leur enverrai une pièce en céramique qu’ils prendront en photo en la contextualisant dans leur propre résidence. L’objectif est de créer du lien entre les écoles et de montrer aux élèves que l’on peut autant transmettre que recevoir une œuvre. C’est aussi un moyen de créer un début de réseau avec mes homologues », indique Gwenaël Prost qui ne tarit pas d’éloges sur le dispositif : « Une centaine de jeunes artistes sont en résidence en même temps un peu partout en France. Création en cours offre un panorama incroyable de la jeune création contemporaine. Il n’est qu’à aller sur le site internet pour se rendre compte de la diversité des projets, de leur potentiel ».

 

Cet été, une installation artistique regroupant l’ensemble des pièces sera installée à la Bibliothèque Francophone de Limoges en partenariat avec la jeune galerie Ronéo et Zinette. Aux côtés de Gwenaël Prost, les enfants deviennent cette fois scénographes. « Je leur explique que suivant la façon dont on dispose une installation artistique, en cercle, en carré ou dans un coin de la pièce, le sens n’est pas le même. Dans la pièce mise à notre disposition, ils installent leurs pliages de la façon qu’ils pensent être la plus intéressante. Et pour poursuivre sur cette idée de la transmission, je leur demande de faire des dessins de leurs installations qu’ils présentent aux élèves ».

Enfin, heureux hasard de calendrier, Gwenaël Prost a présenté une installation autour du plissage textile – un artisanat qui mélange pliage et tissu – lors de la dernière Biennale internationale du design de Saint-Etienne (9 mars - 9 avril 2017), et il en a naturellement fait la matière d’un nouveau travail avec les enfants. « Cet artisanat est en train de disparaître. J’ai posé aux enfants les questions auxquelles je tente de répondre à travers ma pratique artistique. Que feriez-vous pour sauvegarder un artisanat tel que celui-là ? Quels sont les problèmes ? La résidence est aussi l’occasion de transmettre une réflexion plus large sur le processus de création, en l’occurrence, sur un artisanat et son devenir. Les enfants en garderont une trace, pourront à leur tour en parler, et, qui sait, être les nouveaux transmetteurs de cet artisanat ».

jeudi 4 mai, Gwenaël Prost était l'invité de l'émission "9h50 le matin" sur France 3 Limousin