Soutien aux artistes d’aujourd’hui et diffusion de son imposante collection d’art contemporain : telles sont les deux facettes d’une institution unique en son genre, le Centre national des arts plastiques. Avant le début de Cnap !, l’exposition que lui consacre le ministère de la Culture et de la Communication à partir du 22 avril, Yves Robert, son directeur, revient sur ses principales missions.
Le Centre national des arts plastiques (Cnap) a une position tout à fait singulière dans l’écosystème de l’art contemporain : il soutient les artistes et les professionnels à travers un large éventail d’aides et, en même temps, il diffuse la collection dont il a la charge.
En France, aucune autre institution ne combine ces deux missions et, au plan international, je ne lui vois pas non plus d’équivalent. On trouve soit des institutions qui soutiennent les acteurs de la scène de l’art, soit des grandes collections nationales, mais jamais les deux. Le Cnap est une institution tout à fait particulière, dont l’activité trouve son origine dans la constitution d’une collection au moment de la Révolution française. L’État décide alors d’acheter des œuvres à des artistes vivants. Il a déjà ce souci d’accompagner la jeune création et de faire circuler les œuvres. Tout cela est inscrit dans les fondements d’un service de l’État qui a connu différentes appellations au fil du temps avant que le Cnap ne soit créé en 1981. Aujourd’hui, notre ambition revisitée, en lien avec la direction générale de la création artistique, reste la même.
La jeune création est dans l’ADN du Cnap
La collection dont vous avez la charge – le Fonds national d’art contemporain – vient d’être numérisée et mise en ligne. En quoi cette mise en ligne est-elle une étape déterminante dans votre travail de diffusion ?
Comme nous ne disposons pas d’espaces d’expositions, nous ne montrons jamais nous-mêmes la collection, mais toujours à travers nos nombreux partenaires et dépositaires. Aujourd’hui, plus de 60 000 œuvres sur les 100 000 que compte la collection sont en dépôt en France et à l’étranger. L’intérêt de cette mise en ligne est de prendre la mesure de la richesse et de la variété de cette collection. L’outil numérique est par ailleurs un facilitateur. À travers ce travail de mise en ligne, nous visons à simplifier l’interrogation des bases de données par les professionnels. Nous pensons aussi à des outils qui vont améliorer la médiation en direction des publics.
Les acquisitions de ces dernières années font la part belle à la jeune création ainsi qu’aux œuvres d’artistes étrangers...
La jeune création est dans l’ADN du Cnap. La collection, qui vise avant tout à capter les scènes émergentes, se doit aussi d’être attentive à des artistes qui ont une production importante à un moment donné et sont un peu moins visibles à d’autres. Ce travail, qui consiste à vérifier s’ils sont déjà présents dans les collections publiques et à se demander si une nouvelle acquisition pourrait apporter une meilleure lisibilité de leur parcours, doit être fait très finement. Le soutien aux artistes participe aussi du soutien au marché dans la mesure où nous achetons via les galeristes. Les œuvres d’artistes étrangers représentent, quant à elles, un peu moins de 50% de la collection, même si l’attention à la scène artistique ne s’arrête bien évidemment pas aux frontières de l’Hexagone. Nous sommes particulièrement attentifs aux scènes extra-européennes, aux territoires extra-marins, à des scènes encore insuffisamment présentes dans les collections nationales.
On se dit que la vue d’ensemble sur la production dont vous disposez à travers les acquisitions a un rôle à jouer sur vos instruments de soutien. Est-ce le cas ?
Selon moi, il s’agit d’une seule et même nécessité, mais avec des outils différenciés. Quand on soutient un artiste dans le cadre d’une aide à la production ou à l’édition, on participe à la valorisation de son travail qui, tôt ou tard, peut faire l’objet d’un projet d’acquisition. Mon approche ne consiste pas à segmenter, à scinder. Au contraire, ces différents actes ont, pour moi, une même finalité : celle du soutien à une scène artistique très diverse, puisque nous intervenons également dans le champ du design, du design graphique, de la photographie, de la photographie documentaire, de la vidéo et du cinéma.
Deux dispositifs récents connaissent des retombées très positives : le soutien accordé aux galeries lorsqu’elles participent à une foire à l’étranger et l’avance remboursable pour la production d’une œuvre.
Le fait d’accompagner une galerie sous réserve qu’elle présente sur son stand 50% d’artistes français relève de l’évidence, cela participe de la lisibilité de la scène française à l’international et, si j’en juge par leurs sollicitations, les galeries sont particulièrement attentives à ce dispositif. L’avance remboursable, quant à elle, part du constat qu’une galerie peut, à un moment donné, se trouver en face d’une production un peu particulière, et avoir besoin d’un soutien financier. Nous jouons alors en quelque sorte le généreux banquier à taux zéro qui, durant deux ans, va aider le galeriste à amortir l’effet économique de cette production. C’est un dispositif récent qui a encore besoin d’être porté par le comité des galeries d’art, mais qui répond à de véritables attentes. À titre d’exemple, un travail de Mathieu Abonnenc, présenté par la suite à la biennale de Venise, a fait l’objet d’une telle avance remboursable. Autant dire que ce sont des effets de lisibilité et de visibilité qui s’additionnent et ne peuvent que satisfaire l’ensemble des parties.
Le grand intérêt de la mise en ligne de notre collection est de prendre la mesure de sa richesse et de sa variété. L’outil numérique est un facilitateur
Dans le domaine de l’image, le soutien aux maisons de production dans le cadre de l’aide « image/mouvement » est lui aussi souvent décisif...
L’aide accordée dans le cadre de la production de ces objets de nature filmique a un effet levier. Grâce à elle, les producteurs sont écoutés par les financeurs publics ou privés. Le montant de l’aide est en effet de 10 000 euros, quand les coûts de production peuvent être bien plus élevés. 170 dossiers seront examinés cette année par la commission qui se réunira mi-mai.
La professionnalisation des jeunes artistes est un axe très important de votre action… Comment soutenez-vous les jeunes artistes ?
L’aide accordée aux galeries dans le cadre d’une première exposition est un outil formidable, qui est très sollicité et a déjà donné lieu à de beaux résultats. Je pense par exemple à Lola Gonzàlez, une jeune artiste dont le travail est actuellement présenté à la galerie Marcelle Alix et qui bénéficie de ce soutien. Il existe aussi une première aide à l’édition, également très sollicitée par les galeries. Cela participe indiscutablement de la visibilité de l’artiste dans un contexte où le marché ne rend pas forcément compte de la diversité de la création et où la dimension internationale de certaines galeries en efface d’autres.
Les partenariats avec les écoles d’art, notamment celui mis en place avec l’École Nationale Supérieure de la photographie, à Arles, participent également de cette dynamique de professionnalisation.
L’intervention en école d’art poursuit deux objectifs : donner aux étudiants la perception d’un autre milieu professionnel que celui dont ils ont l’habitude et leur proposer de se plonger dans une collection au sein de laquelle ils vont opérer des choix de commissaires. C’est le cas du partenariat avec l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. À travers cet exercice, on pose un artiste en qualité d’auteur et de curateur. Les choix qu’il opère sur les œuvres d’autres artistes pourraient tout aussi bien le concerner. Il est aujourd’hui essentiel que les étudiants disposent d’une large palette de compétences. Autre volet important s’agissant de la professionnalisation, l’ensemble de la documentation que nous mettons à disposition de nos interlocuteurs, qu’il s’agisse de guides téléchargeables – récemment le guide de la commande de design graphique –, du guide sur les résidences d’artistes qui sera proposé à l’automne dans une version mise à jour, de la revue Graphisme en France, publication annuelle dont le numéro consacré à la recherche en design graphique est, cette année, présenté au Palais de Tokyo… Impossible enfin de ne pas mentionner l’édition d’un spécimen dans le cadre de l’accompagnement du caractère typographique Infini créé par Sandrine Nugue, celui-ci propose de découvrir toutes les possibilités qu’offre ce caractère et de le télécharger (http://www.cnap.graphismeenfrance.fr/infini/).
La recherche devient également un axe majeur d’intervention.
La recherche est inscrite depuis le printemps dernier dans nos statuts. Nous avons lancé dans la foulée un appel à projet de recherche en direction de curateurs invités à travailler en vue d’identifier des corpus d’œuvres. Sur la cinquantaine de propositions qui nous ont été adressées, trois ont été retenues et nous sommes en train de réfléchir à la valorisation des résultats de recherche. Nous relançons et continuons à mettre en œuvre des projets de recherche avec des universités. Enfin, nous sommes engagés dans un travail de numérisation colossal qui concerne en particulier l’ensemble des fonds vidéo, des données relatives aux acquisitions et aux dépôts, etc.
En définitive, le Cnap travaille avec l’ensemble des acteurs de l’art contemporain
Absolument ! nous ne sommes pas dans une logique où l’on dirait venez chez nous, nous ouvrons grand nos réserves et servez vous. Au contraire : notre démarche est de travailler avec des structures partenaires. C’est ce que nous avons fait à Sérignan - où, dans quelques semaines, nous allons réaliser un dépôt significatif de 180 œuvres de notre collection - et ce que nous nous apprêtons à faire, à l’été 2017, au centre international d’art et du paysage de Vassivière avec lequel nous collaborerons pendant quelques mois, l’occasion probablement de présenter de nouvelles œuvres dans l’espace public. Nous sommes par ailleurs aux côtés des très nombreux musées en région, des Fonds régionaux d’art contemporain ainsi que des administrations à travers la collection. Le même esprit de travail collectif anime les commissions, qu’il s’agisse des commissions d’acquisition, de commande, ou de soutien. Celles-ci sont régulièrement renouvelées et composées de regards différents. La variété de leurs composantes et la sérénité du climat de travail permettent à tous les points de vue de s’exprimer jusqu’à ce qu’une proposition de décision s’opère.