La deuxième édition des Rencontres nationales de la Bande dessinée, « éducation et bande dessinée », aura lieu les 5 et 6 octobre prochain à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Entretien avec le directeur de l’établissement, Pierre Lungheretti, qui revient avec nous sur la place qu’occupe le 9e art en milieu scolaire (1/2).
La bande dessinée est officiellement étudiée en classe depuis 2008, à la suite de l’introduction d’un enseignement obligatoire de l’histoire des arts. Où en est-on aujourd’hui ? Peut-on parler d’une conquête du secteur éducatif par le 9e art ?
La place de la bande dessinée au sein de l’Éducation nationale a considérablement évolué depuis une dizaine d’années. Cette période a également coïncidé avec un essor artistique du genre, qui se diversifie, innove et expérimente, qui prend ses marques dès les années 90 mais dont les conséquences sont perceptibles au plan institutionnel dans les années 2000. Il faut rappeler la démarche pionnière du festival de la BD d’Angoulême qui lance le concours de la BD scolaire dès les premières éditions au milieu des années 70. Les préjugés à l’égard du 9e art s’effacent de plus en plus, on reconnait ses vertus pédagogiques, notamment pour l’apprentissage de la lecture. Parler de conquête est néanmoins prématuré : la BD n’a pas intégré des dispositifs de l’Éducation nationale du type « classes à horaires aménagés » comme d’autres disciplines telles que la musique, les arts plastiques ou le cinéma, mais nous travaillons pour que cela puisse aboutir – ce qui aurait un effet symbolique important.
La Cité est convaincue des vertus de la bande-dessinée dans le parcours des jeunes. Elle a d’ailleurs développé plusieurs actions-pilotes en partenariat avec des établissements scolaires. Pouvez-vous m’en dire dire davantage sur ces expériences ? Leurs résultats ?
En effet, nous sommes partenaires de plusieurs opérations qui ont montré leurs bénéfices pour les élèves : la classe BD du collège René Cassin du Gond-Pontouvre, en Charente, qui initie à la pratique et à la connaissance de la BD, à partir des programmes scolaires. Le projet BD de la cité scolaire François Villon à Paris dans le XIVe arrondissement, avec une résidence très immersive d’un jeune auteur, Isao Moutte, qui a permis un travail d’écriture sur la durée, avec 14 classes (CM1 à la 6e). Ou l’expérience du collège Albert Chatelet à Douai, dans le Nord, avec un atelier BD ouvert aux élèves, des expositions dans un Espace Rencontre avec l’œuvre d’art (EROA). Pour chacune de ces expériences, nous accueillons les élèves à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image pour des visites du musée, des ateliers et des rencontres avec des auteurs. Le constat des bénéfices est partagé pour ces trois expériences emblématique : un progrès dans les pratiques de lecture, une capacité de concentration accrue, des élèves en situation de décrochage qui évoluent vers la réussite scolaire et une meilleure cohésion des classes. Comme me le disait Florence Weissler, principale du collège François Villon, avec ce projet de résidence d’auteurs BD « la lecture est devenue à la mode ».
En quoi la bande-dessinée est-elle un support pédagogique particulièrement efficace ? A quelles conditions pourra-t-elle le rester ?
Le fait qu’elle soit à la fois un art visuel et une littérature constitue un atout considérable : elle stimule la sensibilité esthétique des élèves et capte plus facilement leur attention pour suivre le récit que quand il s’agit d’un texte. Ce que constatent tous les enseignants, c’est une inhibition moins forte que vis-à-vis des textes, et qu’en outre, la bande dessinée ouvre vers une pluralité d’horizons artistiques : la littérature, les arts visuels, le cinéma… Elle n’enferme pas. La bande dessinée, comme tous les arts, possède ses propres codes, mais est également influencée par d’autres arts. C’est cette richesse qui en constitue un des intérêts pédagogiques. Elle permet également d’aborder une pluralité de sujets, avec le développement de la bande dessinée autobiographique, de reportage, le roman graphique…
Les rencontres nationales de la bande-dessinée visent, entre autres, à éclairer les évolutions en cours dans le secteur du 9e art. L’émergence d’une éducation artistique et culturelle liée à la bande-dessinée représente-t-elle un tournant important pour le 9e art dans son ensemble ?
Oui, très nettement car c’est une reconnaissance de sa valeur artistique intrinsèque par une institution majeure de la société, l’Ecole, ce qui n’allait pas de soit jusqu’à une date récente. C’est également un vecteur pour créer de nouveaux lecteurs, de rajeunir le lectorat. C’est important pour les auteurs, et pour toute la chaîne de la filière. Un des objectifs de cette 2e édition des Rencontres Nationales de la BD est d’acter collectivement, et notamment en présence de Françoise Nyssen et de Jean-Michel Blanquer ainsi que plusieurs hauts responsable du ministère de l’Éducation nationale, recteurs et inspecteurs généraux, l’intérêt et les résultats de la bande dessinée à l’école.
Rencontres nationales de la bande dessiné 2017
Sous le titre "Éducation et bande dessinée", la Cité organise, 5 et 6 octobre, la deuxième édition des Rencontres nationales de la Bande dessinée, réunissant différents acteurs du secteur invités à débattre des problématiques professionnelles en cours. Cette manifestation vise à proposer un espace de débats et d’analyses pour l’ensemble de la profession, avec des grands témoins, des experts, des intellectuels et des représentants des pouvoirs publics permettant de resituer les enjeux de la bande dessinée dans un contexte plus large.
Six tables rondes auront lieu entre le jeudi 5 et le vendredi 6 octobre à la salle Nemo de la Cité, au sein du vaisseau Moebius. Les sujets abordés seront la bande dessinée à l'école hier et aujourd'hui, la formation des enseignants, le lien entre bande dessinée et sciences humaines, l'émergence de "bandes dessinées éducatives", la place de la bande dessinée au sein de l'éducation artistique et culturelle ou encore la bande dessinée à l'étranger. Le programme est librement consultable en ligne.