Lieu de découvertes et de surprises, le jardin est aussi un terrain d'expériences idéal pour que le jeune public puisse observer concrètement les effets du changement climatique. Tour d'horizon.

C'est une date à marquer d'une pierre blanche au sein des Rendez-vous aux jardins : la journée du vendredi – le 3 juin, en l'occurrence – est consacrée chaque année aux groupes scolaires sous la conduite de leurs enseignants.

Le thème de l'édition 2022 – le changement climatique – ne peut laisser personne indifférent, encore moins la jeunesse, très sensible aux difficultés de la planète et impatiente de mettre en œuvre des solutions durables. Et quoi de mieux qu'un jardin pour passer d'une conviction abstraite à une expérience concrète, celle de l'observation par soi-même des équilibres - et déséquilibres - écologiques ? Tour d'horizon.

Au jardin des contes avec les tout-petits

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Située à une quinzaine de kilomètres au nord de Mulhouse dans le Haut-Rhin, à Bollwiller, l’école du Château se distingue par l’enthousiasme de sa directrice, Mme Horny, et de ses collègues institutrices. Depuis 12 ans, cette école maternelle gagne sans cesse en espace de jardins de tout-petits sur sa cour goudronnée. Elle gagne aussi en reconnaissance de la part de son ministère de tutelle, qui l’a couronnée du label « E3D » (École ou Établissement en Démarche globale de Développement Durable).

« Nous explorons plusieurs pistes avec les élèves, nous explique Mme Horny, la biodiversité, la gestion de l’eau, le recyclage, mais chaque année nous nous choisissons aussi notre thème à nous. Cette année : les contes. Les plus petits vont poser trois bols dans leur jardin, des ours, des cailles, et c’est Boucle d’or. On lit l’album, on l’étudie, on en dégage les notions : les échelles de grandeur, la numération, le langage, le graphisme, l’écriture. C’est un projet global. Avec les deux autres classes qui ont chacune leur jardin, c’est Les Trois Petits Cochons et Le Petit Poucet, et suivant les mêmes principes on inscrit la pédagogie dans le jardin, plantes, minéraux et figurines. Dans un quatrième jardin, collectif, on fait Jacques et le haricot magique !

« Vendredi après-midi, les élèves expliqueront aux parents ce qu’ils font. Pour favoriser la biodiversité, nous avons planté cette année, grâce à la maison pour  la science d’Alsace, une série d’arbustes fruitiers : groseilliers, framboisiers, cassissiers. Avec nos jardins, leurs herbacées, leurs fleurs mais aussi leurs plants de tomates, les radis, les petits pois et les fraisiers, et toutes les observations qu’en ont fait les enfants d’une saison à l’autre, dont ils montrent les dessins, nous avons de quoi nous occuper, en attendant la confiture de framboise ! »

Sedan : jardins partagés, forêt des Ardennes, grand jeu des variations climatiques

papillon rouge du jardin botanique de Sedan

Le saviez-vous ? C’est à Sedan qu’en 1891, une certaine Félicie Hervieu, désireuse de sortir les familles pauvres de la misère mais aussi de la charité, mit à leur disposition du terrain, des graines potagères et de l'engrais. Les jardins ouvriers étaient inventés. Le succès fut colossal et ces jardins, aujourd’hui « partagés », connaissent un grand regain d’intérêt dans toute la France. Le jardin botanique de Sedan invite vendredi les scolaires à visiter le jardin de Pierremont et celui de la Linette, où ils rencontreront les jardiniers de l’association « Jardins de Sedan ».

Ce même vendredi, le service Espaces verts du jardin botanique de Sedan sensibilisera les élèves à la lutte contre un ravageur qui, avec le dérèglement climatique, se renforce dans la forêt des Ardennes, toute proche : la chenille processionnaire. Celle-ci est urticante et défoliatrice, mais les mésanges et les chauve-souris ont le bon goût d’en faire volontiers un repas. Le jardin s’équipe donc de nichoirs pour ces gentils prédateurs, qui n’auront plus de secret pour les jeunes gens.

Nul doute cependant qu’au jardin botanique de Sedan, c’est le grand jeu du dérèglement climatique qui remportera la palme ! Guillaume Molendini, de l’association ReNArd (Réseau des Naturalistes Ardennais), a conçu une façon originale de l’enseigner : « Chaque enfant incarne un animal, nous explique-t-il. L’espace de jeu se trouve délimité au sol par de petites balises. Ici le nord de la France, ici le sud, l’est, l’ouest, les Alpes, les Pyrénées etc. : quatre ou cinq zones climatiques françaises de quelques mètres carrés chacune. L’enfant tire une carte à jouer qui lui indique les conditions dans lesquelles l’animal qu’il incarne peut s’épanouir. Il doit déjà trouver son biotope, la zone qui lui convient. Moi-même, j’incarne « l’intervenant climat » : sur un panneau j’affiche de nouvelles conditions climatiques et en fonction de leurs effets, chaque enfant doit trouver… où aller vivre ! Ils risquent de se tromper, ou de se jeter tous dans le même espace, etc. Autant d’occasions d’en parler tous ensemble, de juger si tel ou tel déplacement est possible et pourquoi, d’essayer de trouver une solution, ou pas ! Un jeu dynamique, des petites séances d’une demi-heure, pour des élèves d’école primaire, avec une adaptation, toutefois, pour les CP ! »

Des animations conçues et réalisées par les étudiants paysagistes du CFPH de Lyon-Ecully

Mmes Charroin-Eyraud

Blandine Eyraud et Fabienne Charroin enseignent toutes les deux au Centre de Formation et de Promotion Horticole de Lyon-Ecully. Dès octobre elles ont proposé à leurs étudiants paysagistes (deux classes de BTS 1ère année) de saisir l’occasion de Rendez-vous au jardin pour réaliser le « projet d’initiative en communication » que comprend leur cursus. Sujet : concevoir des animations sur le changement climatique, capables, par leur aspect ludique et instructif, d’accrocher l’attention et l’intérêt des élèves des collèges voisins. Par groupes de cinq, ils se sont donc mis à plancher et ont conçu huit stands thématiques : nouveaux ravageurs, jardin sec, éco-entretien, biodiversité, palette végétale, arbres, jardin écologique, jardin partagé.

« Le Centre horticole existe depuis 1850, nous expliquent les deux professeurs. On y trouve plus de 850 espèces végétales sur un espace arboré de 10 hectares. Il a toujours évolué, d’années en années, en fonction des formations pédagogiques qui conduisent les étudiants à intervenir sur le parc. Les collégiens vont découvrir un véritable univers. Par exemple, pour l’atelier « arbres », ils ont sélectionné des essences que les enfants, qu’ils emmèneront par petits groupes dans un jeu de piste, devront deviner. Dans le même esprit, le stand « palette végétale » sollicitera les cinq sens des enfants pour identifier des végétaux. On présentera leur adaptation sur une centaine d’années : quelles plantes les jardiniers affectionnaient il y a cent ans, ce que c’est devenu aujourd’hui et ce qui devrait arriver dans les années à venir.

« Le thème du jardin sec est l’occasion de montrer comment optimiser la gestion de l’eau en choisissant des végétaux adaptés, soit qu’ils boivent peu soit qu’ils captent bien l’eau de pluie… Les étudiants ont créé un jeu de l’oie, très original, construit avec des matériaux de récupération, afin de se familiariser à ce que donne la biodiversité en ville. Ils ont aussi réalisé une maquette de jardin sec. Pour les ravageurs, ils passent par des affiches, échangent un peu avec les collégiens pour comprendre ce qu’ils savent ou ne savent pas, leur donner des renseignements supplémentaires avant de faire un quizz auquel ils devront répondre le plus rapidement possible.

« Il y aura beaucoup d’échanges de bonbons à la fin ! On espère que, grâce à nos étudiants, la curiosité des enfants sera renforcée, leurs sens plus aiguisés… Qui sait, quelques vocations auront peut-être été suscitées ! »

A la Villa Arson : un temps d’aqui et d’aïa (d’ici et d’ailleurs)

Nina Campo, chargée des publics à la Villa Arson, l’affirme franchement : « Pas question de se laisser envahir par des idées de fin du monde ! Certes les perspectives que le dérèglement climatique nous fait apercevoir sont préoccupantes, mais il y a aussi les beautés du jardin de la villa Arson, un jardin méditerranéen pourvu de plantes exotiques. J’ai eu envie d’accueillir le jeune public sur ce principe qu’en se fondant dans ce jardin, en le regardant au présent, en comprenant comment il a su s’acclimater et accepter les migrations, les enfants s’en trouveraient mieux : on va sentir les plantes, on va s’allonger dans l’herbe.

Villa Arson

« La villa Arson, c’est une architecture qui s’est posée sur la topographie d’une colline. Elle s’est construite autour de grands arbres venus du monde entier, pins parasols, cyprès, qui forment un « bosco », un bois ombragé. Puis, quand on bascule de l’autre côté du site, on se trouve en plein soleil, devant la mer, au haut de terrasses suspendues, où règne la végétation méditerranéenne. Plus bas, dans l’école, c’est des couloirs ouverts qui ressemblent à des casbahs, avec des plantes exotiques, des oiseaux de paradis, des trévisias, des oreilles d’éléphant…

« On commencera donc par une ballade et un jeu dans le labyrinthe sur les plantes à parfum. Celles-ci imitent les odeurs de fleurs ou de fruits bien connus : la rose, le citron, l’ananas… On aura les doigts couverts de ces odeurs, et une fois revenus sur la terrasse, on se fera une infusion : sauge-ananas, menthe, tagete odorante et citronnelle !

« Puis on se mettra sous les grands pins parasols et on fera de la méditation. Ils pourront s’imaginer être un arbre. On fera des câlins aux cyprès ! »

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A la villa Arnaga (maison d’Edmond Rostand), le sort des oiseaux

« Arnaga est un site exceptionnel, pourvu d’arbres centenaires, dont le plupart sont des chênes, explique Manon Marchand, de l’association CPIE (Centre permanent d’initiative pour l’environnement). Ces chênes sont taillés « en têtard ». C’est une taille qu’on donne à l’arbre pour avoir un maximum de bois. On laisse le tronc et une branche principale, sur laquelle repoussent de nombreux gourmands, ces rameaux qu’on prélève chaque année pour faire du petit bois. Au bout de cent ans, les arbres sont énormes, magnifiques ! Et ils abritent beaucoup d’animaux. En effet, ces tailles constantes ménagent beaucoup de petites cavités au sein de l’arbre où beaucoup d’espèces différentes viennent nicher.

« J’emmènerai donc les enfants faire une petite balade au cours de laquelle nous parlerons des animaux que nous verrons ou pourrions voir. Il y a là des espèces remarquables comme les chouettes effraie, rapaces nocturnes, et des hulottes. Par ailleurs, les bassins d’Arnaga, grâce à un partenariat avec le lycée agricole de Saint-Pée-sur-Nivelle, ont été aménagés et favorisent le développement de nombreux amphibiens : crapauds communs, crapauds épineux, grenouilles rousses, tritons palmés… On parlera des équilibres fragiles, du biotope, et comment le dérèglement climatique peut tout modifier.

« Je réfléchis aussi à un jeu de rôle qui les rendent actifs, afin qu’ils assimilent plus facilement les notions : un épervier. Les enfants incarneront des hirondelles dont la migration est mise à mal par un ou plusieurs éperviers : l’épervier intempéries, l’épervier prédateurs… et l’épervier dérèglement climatique, auquel il me reste à trouver une expression pertinente qui fonctionnera bien dans le jeu ! »