Un contexte institutionnel favorable
La coopération entre le ministère en charge de la Culture et le ministère en charge de l’Agriculture n’a cessé d’élargir ses champs d’intervention depuis le premier protocole signé en 1984. Renouvelé en 1990, ce dernier visait à "promouvoir et valoriser la création, la diffusion et la pratique culturelle et artistique selon les modalités adaptées au milieu rural". Il s’appuyait principalement sur le réseau des lycées agricoles, dont l’une des missions est de "participer à l’animation du milieu rural". Enrichie par le Programme national de l'alimentation de 2010 (PNA), et le Plan rural de 2011, cette politique a été confortée, le 23 septembre 2011, par la signature d’une convention cadre "Alimentation, Agri-Culture". Ce partenariat a été renforcé à la fois par la création des contrats de ruralité (CIR de 2015 et 2016) et par la convention signée entre le ministère de la Culture et la Fédération nationale des Parcs régionaux naturels, ainsi que par la convention signée avec la fédération nationale des Foyers ruraux.
Chaque dispositif présente des axes opérationnels afin de développer des actions culturelles sur ces territoires éloignés de la culture sous toutes ses formes et de renforcer la cohésion sociale. La dimension culturelle donnée à ces territoires peut s’appuyer sur l’ensemble des contractualisations et dispositifs existants : dispositifs nationaux, conventions territoriales de développement culturel, conventions locales d’éducation artistique et culturelle, contrats territoire lecture, conventions avec les Villes et Pays d’art et d’histoire, les Parcs naturels régionaux, les centres culturels de rencontres, etc.
Depuis 2017, la DRAC Île-de-France structure son intervention dans les territoires ruraux :
- Déclinaison à l’échelle régionale de la convention nationale entre le ministère de la Culture et la Fédération nationale des Parcs régionaux naturels en travaillant au côtés des quatre PNR franciliens : Vexin français, Gâtinais, Haute-Vallée-de-Chevreuse, Oise-Pays de France ;
- Lancement de résidences d'artistes dans les établissements d'enseignement agricole afin de toucher ce public scolaire spécifique ;
- Soutien aux acteurs œuvrant sur les territoires ruraux autour de projets fédérateurs comme le MUMO ou ACT’ART, ou l’action de la Lisière dans l’Essonne ;
- Soutien à l'expérimentation et la mise en place de démarches culturelles sur les territoires ruraux : projets participatifs (La Source-Villarceaux dans le Val-d'Oise, Contrechamps dans les Yvelines ou la compagnie des Fugaces à Gambais également dans les Yvelines), mise en place de résidences artistiques, construction et soutien d’actions culturelles dans le cadre des contrats de ruralité (axe cohésion sociale).
© Résidence lycée agricole Saint-Germain-en-Laye (78)
Flûtes, alors : lorsque la musique baroque part à la conquête des territoires ruraux yvelinois
En 2019 a été expérimenté avec le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) l’immersion d’une résidence mission sur le territoire de la Communauté de Communes du Pays Houdanais (36 communes, 29 00 habitants). Le projet intitulé "Quatre saisons de clavecin" et mené par la jeune claveciniste Marie Van Rhijn avait touché 600 personnes sur une année, à la fois des scolaires mais aussi des personnes âgées, sur ce territoire reculé des Yvelines. Conçue par Marie van Rhijn, claveciniste, et le CMBV, la résidence artistique mêlait création et médiation, loin des grands centres culturels et au plus près des habitants. Marie van Rhijn avait imaginé des programmes musicaux variés, aux couleurs des saisons, alliant musiques ancienne et contemporaine, populaire et de cour, d’Occident et d’Orient. Le projet se déclinait en répétitions, rencontres, visites à Versailles, ateliers de pratique artistique, concerts, spectacle et enregistrement.
Fort de cette première initiative et malgré le contexte sanitaire singulier, un nouveau territoire a été ciblé pour l’année 2021 : la communauté de communes de Gally-Mauldre (11 communes, 21 844 habitants). Le projet "Flûtes, alors" marque la rencontre entre un territoire et une structure culturelle en invitant une jeune artiste, Lucile Tessier et son ensemble Léviathan. L’objectif de "Flûtes, alors" est de concevoir un programme d’actions permettant la rencontre artistique entre les habitants d’un territoire rural et de jeunes artistes. Les actions menées autour des échanges musicaux entre la France et l’Angleterre au tournant du XVIIIe siècle autour de Jacques Paisible, french touch in London, ont permis de toucher à ce jour 11 classes de collège, de mettre en œuvre 30 ateliers, ainsi que des répétitions ouvertes, de diffuser 4 concerts dont 2 avec la participation des élèves. Le projet est itinérant sur la communauté de communes de Gally-Mauldre en touchant le territoire des Andelu (472 habitants, participation de 70 élèves).
Ces projets sont des illustrations de la politique menée au titre de la ruralité sur l’Île-de-France, en favorisant et soutenant la mise en résidence de jeunes artistes, accompagnés par des opérateurs culturels et choisis pour leurs qualités artistiques, leurs pratiques professionnelles et leur implication sur le territoire. La résidence rencontre un réel succès et la communauté de communes de Gally-Mauldre a décidé de s’impliquer financièrement dans ce projet pour une seconde année.
Jonction
En 2018, la DRAC Île-de-France a accompagné une première résidence artistique et culturelle au sein de l’EPLEFPA de Saint-Germain-en-Laye/Chambourcy. L’artiste plasticien Étienne de France avait proposé un projet qui consistait à développer et concevoir une sculpture in situ en relation avec le paysage environnant l’établissement d’enseignement agricole de Saint-Germain-en-Laye. Il s’agissait d’inscrire cette œuvre dans le contexte de la Jonction, transition entre la forêt de Saint-Germain-en-Laye et la forêt de Marly, mais aussi dans le territoire élargi de Saint-Germain-en-Laye qui alterne zones urbaines, domaines, monuments et jardins, plaines et forêts. "Entre" est un projet de sculpture in situ mêlant une structure sculpturale et architecturale à une sélection d’espèces végétales sauvages, comestibles et locales. Ce projet engageait une réflexion d’une part sur le paysage et les relations entre forêts, prairies et jardins, et d’autre part sur les possibilités d’une autosuffisance alimentaire.
© Résidence lycée agricole Saint-Germain-en-Laye (78)
A la suite de cette première expérience, qui dura deux années scolaires, la DRAC a accompagné le projet du plasticien Johnny Lebigot et de la structure MARS À L’OUEST, opérateur culturel basé dans les Yvelines, qui œuvre au développement des arts de la marionnette sous la forme de résidence au long cours intitulée JONCTIONS dans le Lycée agricole et horticole de Saint-Germain-en-Laye / Chambourcy, et ce dans la perspective de travailler sur le rapport entre nature et culture, et au final constituer avec des élèves un "paysage-portrait" de l’établissement. Pour cela, l’artiste intervient régulièrement pendant l’année scolaire 2020/2021 à raison de 5 jours par mois.
© Résidence lycée agricole Saint-Germain-en-Laye (78)
Il a très vite créé avec les élèves un "Quartier Général" qui est tout à la fois :
- un lieu de rencontre entre les élèves, l’artiste et ses œuvres ;
- un lieu de ressources art et nature, constitué au fil des rencontres et des discussions et équipé d’un grand écran connecté ;
- un atelier de pratique artistique avec à disposition des outils et un fonds de matières issues du site de l’établissement ;
- un lieu d’exposition des travaux réalisés au cours de la résidence avec les élèves.
Ce projet s’est construit durant l’année scolaire 2020/2021 avec 5 classes et 3 professeurs d’éducation socioculturelle du lycée. La résidence ayant suscité un vif engouement, le travail se prolongera jusqu’au printemps 2022 avec 9 classes.
Ces résidences sont des exemples du travail mené conjointement entre les divers services de la DRAC Île-de-France et de la DRIAAF (Direction régionale interdépartementale de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts) et illustrent un des pans de la politique en direction de la ruralité.
Paysages habités – PNR du Vexin français 2020
Récits de territoires entre Vexin et ville nouvelle
L’exposition virtuelle Paysages habités est l'aboutissement de plusieurs mois de résidence pour les artistes, qui ont arpenté le Vexin à la rencontre de ses multiples visages et de ses résidents, commerçants, écoliers, familles, paysans... Deux projets vidéos et sonores y sont présentés.
© DRAC IDF
Immersion dans l’intimité des paysages
"Fenêtres sur Vexin", site internet conçu par un collectif d'architectes, urbanistes et cinéaste (Grégoire Deberdt, Iris Lacoudre, Jérôme Malpel et Antoine Plouzen Morvan) : https://fenetres-residence.com
Récits d'anticipation
Correspondances et anticipation sur le thème "Les paysages du Vexin et leur évolution à l’horizon 2037" par Agnès Prévost, artiste plasticienne, Guilain Roussel, paysagiste DPLG et Arnaud Sallé, compositeur.
Le film "Contes terrachroniques", conçu comme une succession de courts-métrages expérimentaux, puise sa matière première dans les confidences d'habitants du Vexin sur les lieux où ils aiment se rendre, qui les enchantent et stimulent leur imaginaire. Arpentage, reconnaissance de lieux singuliers par les participants puis composition de textes narratifs issus de ces récits ont conduit à la réalisation de plans fixes et de compositions sonores liées au paysage.
© DRAC IDF
"Les Contes terrachroniques" sont un ensemble de micro-histoires, ramassées en quelques mots, brossées en quelques traits pour faire vivre un instant, un petit trait d’esprit, une poésie involontaire parfois à la manière d’un haïku japonais (…). Ces histoires réunissent les parties de paysages intimes pour en recomposer une totalité. (…). Elles se veulent atemporelles. Ce qu’elles racontent a pu avoir lieu dans un passé lointain comme se passer dans un futur hypothétique. Pour cela, nous les avons projetées dans une chronologie fictive d’une période de 17 ans.
Les Contes terrachroniques sont un questionnement visuel et poétique des paysages de l’après au travers de phénomènes et lieux singuliers du Vexin, saisis tout au long de 2020. La volonté est de lier ces images du présent avec des images d’un autre temps, où la pierre a quelque chose à nous dire.
Plusieurs lieux filmés incarnent des rythmes géologiques et climatiques : grottes, carrières…»
Une classe CM2 de l’école Victor Schoelcher à Magny-en-Vexin a réalisé avec les artistes un travail d’écriture, de cartographie sensible, de récits autour de la question des lieux du quotidien des enfants.
© Agnès Prévost
Une exposition/vidéo des contes, accompagnée d’un ouvrage, sera appelée à arpenter le territoire pour permettre la découverte de cette aventure collective à un public plus large.
Le jeune collectif pluridisciplinaire a choisi d'aborder le paysage depuis les espaces domestiques. Il est parti à la rencontre d'usagers, familiers du Vexin, qu'ils soient villageois ou habitants de l'Agglomération de Cergy-Pontoise, pour collecter images et paroles, témoignant de perceptions multiples sur le Parc naturel régional.
© Agnès Prévost
"Depuis janvier 2020, notre travail a suivi en parallèle deux modes d’investigations : des entretiens enregistrés et des plans fixes filmés depuis les intérieurs habités, recadrant les fenêtres. Nous avons récolté de multiples récits et regards d’habitants du Parc Naturel et de Cergy Pontoise, sans chercher à les opposer. Les plans que nous tournons et les paroles que nous enregistrons deviennent ainsi la matière première de notre projet. Quelques mois plus tard, le confinement donne une nouvelle actualité au projet : les plans de notre caméra depuis les espaces domestiques et à travers les fenêtres devenaient le quotidien de la plupart d’entre nous. Ce travail de collecte mène ensuite à un temps de ré-écriture polyphonique nous permettant de sélectionner dans cette matière des morceaux capables de résonner, de faire sens ensemble, au-delà de la distance et de l’isolement de chacun." G. Deberdt, I. Lacoudre, J. Malpel et A. Plouzen Morvan.
Collectif Cergy © DRAC IDF
Depuis la fenêtre de la chambre, la baie du salon, la porte du garage, le parebrise d’une voiture, la fenêtre du bureau, la porte du hangar, la fenêtre du train… les résidents se livrent sur leurs rapports au territoire et ses paysages. Le mobilier, les usages domestiques, les souvenirs se mêlent au territoire partagé perçu depuis la fenêtre.
Ce travail de collecte, de captations visuelles et sonores, de réécriture aboutit à la réalisation d’un site internet offrant au visiteur une expérience nouvelle et subjective du paysage vexinois.
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