Jausiers - Ouvrage de Restefond
- département : Alpes-de-Haute-Provence
- commune : Jausiers
- appellation : Fortifications Maginot de la frontière des Alpes
- auteur : Commission d'Organisation des Régions Fortifiées (maître d'œuvre)
- dates : 1931-1939
- protection : édifice non protégé
- label patrimoine XXe : Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) du 28 novembre 2000
Les frontières et les côtes de la France ont été fortifiées par touches successives, au gré des menaces, réelles ou supposées, des alliances ou des annexions territoriales. Sur la frontière des Alpes, le secteur de l'Ubaye, enjeu des rivalités de la France et de la maison de Savoie, devint français en 1713 à la paix d'Utrecht. Après le rattachement du comté de Nice en 1860, Napoléon III voulut relier Nice à Barcelonnette par le col de Restefond. Mais cette route, trop proche de la frontière, aurait constitué une voie d'invasion. Ce projet ne trouva son terme qu'en 1960 car après 1918, l'Italie bascula dans le fascisme et revendiqua des territoires. La réorganisation de la défense des frontières fut donc élaborée à partir de 1926. Le Sud-Est, que les corps d'armée avaient quitté pour renforcer le front en 1914, fit l'objet d'un rapport spécial en 1929. La loi Maginot du 14 janvier 1930, du nom du ministre qui la fit adopter, permit de financer des travaux de première urgence. Le secteur de Restefond devint dès lors un " centre de résistance ". Il se place dans une conception de fortifications souterraines camouflées, dont n'émergent que les cloches de tir ou d'observation en acier et les meurtrières ménagées dans les parois en béton armé. La continuité structurelle d'un tel système tiendra aux possibilités offertes par la topographie.
C'est le plus élevé (2733 m) du programme Maginot, le plus important s'il avait été achevé et le pilier de la position de résistance et de réduit du " nœud " défensif de Restefond. Sa mission était d'interdire les cols frontières de Pourriac et de Fer, de soutenir d'un côté les ouvrages de la Moutière et de l'autre ceux des Granges Communes, et l'abri du col de Restefond. Il soutenait aussi la position d'avant-poste et les ouvrages du col des Fourches et du Pra. Le chantier s'ouvrit en 1931, pour l'été. Mais à partir de 1933, les alertes dues à la tension avec l'Allemagne nazie perturbèrent le cours des travaux, interrompus en 1935, repris en 1938 et abrégés en 1939 par la mobilisation. Au total 24 mois de chantier... Sur les huit blocs prévus par un schéma déjà simpliste en raison des réductions budgétaires, quatre furent opérationnels, dont trois " actifs ". Malgré cela, l'ouvrage arrêta les troupes italiennes en 1940. Son infrastructure souterraine consiste en 668 m de galeries voûtées de circulation, barrées de portes blindées, et de 64 m de puits les reliant aux sept blocs en béton armé, dans un rectangle de 150 m sur 100 m. Trois galeries de grande section ont des usages divers : l'une est divisée en chambres de 107 lits, une autre abrite la centrale électrique, la troisième la cuisine, l'infirmerie et la chaufferie. Pour éviter les blindages, trop chers, les casemates furent installées en retrait de la crête, avec tir indirect derrière un masque avec glacis. Invisibles et moins vulnérables, elles perdirent de ce fait 19° d'angle de tir. Le bloc d'entrée possède un pont-levis précédé d'un fossé-diamant, surmonté d'une visière et encadré de deux caponnières qui prennent la route en enfilade. Il n'a qu'un étage, d'autres blocs en possèdent deux, reliés par des monte-charges. Les tourelles de tir étaient équipées de pièces de 75-32 et 75-31.
Cette commission obtint en 1927 la création de la Commission d'Organisation des Régions Fortifiées, présidée par l'inspecteur général du génie, d'abord le général Filloneau, puis le général Belhague, qui fut en quelque sorte le maître d'œuvre du système et dirigea les réalisations. En 1935, le gouvernement de Pierre Laval prétexta de l'amélioration apparente des relations avec l'Italie pour la supprimer. Le coût de la modernisation de la défense des Alpes fut estimé en 1929 à 700 millions de francs. La loi Maginot n'en réserva que 204 pour le Sud-Est, auxquels le maréchal Pétain, vice-président du Conseil Supérieur de la Guerre, fit ajouter 158 supplémentaires.
Tout ce qui touche à la défense du territoire national est du ressort de l'état. Vauban, maréchal de France, est le premier de ses grands serviteurs dont le nom vient à l'esprit en matière de fortifications. Au XIXe siècle, les généraux Haxo et Séré de Rivières eurent un rôle décisif et novateur. Après la Grande Guerre, devant l'état de délabrement des fortifications, le Conseil Supérieur de la Guerre créa, le 31 décembre 1925, une Commission de Défense des Frontières présidée par le général Guillaumat.
Etrange présence humaine dans un paysage désertique, cet ouvrage possède un potentiel de locaux utilisables, sous réserve d'une étude. On notera l'intérêt architectural du bloc 6. C'est le seul exemple de casemate d'artillerie frontale non cuirassée et à tir indirect de la fortification française 1930-1940 encore armée et équipée. L'ouvrage fait toujours partie du domaine militaire.
- Rédacteur : François Fray, conservateur du patrimoine, à partir des enquêtes de Philippe Truttmann (1991)
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