Monsieur le Préfet de l’Aisne,
Messieurs les parlementaires, cher Jacques Krabal, cher Marc Delatte,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président du Centre des monuments nationaux,
Monsieur le Directeur général des patrimoines et de l’architecture,
Monsieur le Président de l’Université de Picardie,
Monsieur le directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France,
Monsieur le directeur de territoire du groupe La Poste,
Mesdames et Messieurs,
C’est un très grand plaisir d’être parmi vous aujourd’hui, devant ce château de Villers-Cotterêts à la si longue histoire et qui renaît devant nos yeux.
Résidence prisée des Rois, bordée par la giboyeuse forêt du Retz, le château de Villers-Cotterêts a connu des périodes difficiles, marqués par des changements d’usage successifs, ainsi que par d’importantes destructions lors des deux conflits mondiaux.
N’ayons pas peur de le reconnaître : l’abandon dont il a fait l’objet, de la part de l’Etat, a constitué un véritable scandale patrimonial. C’est à cela que le Président de la République a voulu mettre fin, en décidant la restauration intégrale de ce joyau. Le moment, si longtemps attendu, de la renaissance du château de Villers-Cotterêts est venu.
Attention : il ne s’agit pas seulement de restituer une architecture, de rendre leur splendeur à de vieilles pierres. Le Président de la République a souhaité donner corps dans ce lieu exceptionnel à l’une des plus grandes ambitions culturelles de son quinquennat : créer la Cité internationale de la langue française. Pour la première fois peut-être dans la longue histoire des « grands travaux » présidentiels, le choix a été fait de privilégier un lieu situé hors de la capitale, et loin des grandes villes, dans un territoire rural. C’est un geste qui me semble particulièrement fort et éloquent. En matière de culture, il ne saurait y avoir de « centre » et de « périphérie ». Toutes les villes et régions de notre pays y ont un droit égal.
Il est vrai que, s’agissant du rayonnement de la langue française, des langues de France et de la francophonie, le château de Villers-Cotterêts s’imposait.
C’est dans la chapelle de ce château, qu’en 1539, François Ier a signé le célèbre édit de Villers-Cotterêts, instituant le français comme langue administrative du royaume. Ce faisant, ainsi que le Président de la République l’a relevé, « François Ier ouvrait la porte à une langue authentiquement nationale, partagée, comprise de tous ». Il « donnait corps à cette ambition propre à la langue française de jeter un pont entre les classes et les conditions ».
Point de départ de l’homogénéisation linguistique de l’ensemble de la France, le château de Villers-Cotterêts continuera ainsi à faire rayonner le français, non seulement dans notre pays, mais aussi à travers le monde.
A quelques mois désormais de l’installation de la Cité internationale de la langue française, ma visite est l’occasion de marquer un point d’étape dans l’avancée de ce chantier prodigieux, qui a mobilisé des moyens financiers et humains uniques dans l’histoire de notre pays.
Je tiens, cher Philippe Belaval, à saluer, sous votre direction, l’exceptionnelle mobilisation du Centre des monuments nationaux, qui nous permet dès à présent de redécouvrir certains des plus beaux trésors de ce château. Je voudrais tout particulièrement souligner l’engagement de Valérie Senghor, directrice générale adjointe du CMN et cheffe du projet de la Cité internationale de la langue française. S’agissant des travaux proprement dits, rien je crois n’aurait été possible sans Delphine Christophe, directrice de la conservation des monuments et des collections, qui supervise la maîtrise d’ouvrage de tous les grands chantiers du CMN. Elle est partout, (je me rappelle ma visite avec elle de l’hôtel de la Marine !) et tout ce qu’elle touche se transforme en or. Et je n’oublie le rôle essentiel joué au quotidien par Xavier Bailly, l’administrateur du château.
Il me faut, enfin, remercier la direction générale des patrimoines et de l’architecture, cher Jean-François Hébert, qui a accompagné sur le long terme ce dossier complexe et a su donner, au bon moment, les impulsions décisives.
Le travail réalisé depuis octobre 2020, moment où les travaux ont commencé, est absolument colossal. On a peine aujourd’hui à imaginer l’état de délabrement dans lequel se trouvait le monument il y a à peine plus de deux ans.
A l’époque, le logis royal était partiellement recouvert de tôle ondulée, en guise de toiture… Il a fallu curer, restaurer les façades et les toitures, effectuer de multiples reprises structurelles. Avec parfois, comme dans tous les chantiers de cette ampleur, de mauvaises surprises…
En mai 2023, dans à peine plus d’un an, l’ensemble de cette opération gigantesque, qui aura représenté un investissement de 185M€ sera achevé :
- la restauration et l’aménagement scénographique du Logis royal seront terminés fin 2022 ;
- la verrière dans la cour du Jeu de Paume sera également construite avant 2023.
La Cité de la francophonie qui prendra place dans ces espaces proposera 1200 m2 d’exposition permanente sur la langue française et la francophonie, et 400m2 d’expositions temporaires. Elle comprendra également un auditorium de 250 Places, ainsi que douze ateliers de résidences pour des artistes, chercheurs et entrepreneurs.
Enfin, au premier trimestre 2023, suivront la restauration des ailes de la cour des Offices, ainsi que celle du Séchoir et des Cuisines.
Le parti de restauration adopté consiste à conserver la trace des différentes périodes d’occupation, en privilégiant toutefois les éléments Renaissance d’origine, dans l’aile sud du Logis royal, ainsi que les apports du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle. A l’intérieur, sont particulièrement mis en valeur les remarquables chapelle, escalier du Roi et escalier de la Reine qui abritent des joyaux de la sculpture et de l’ornementation. Les extérieurs du Logis royal quant à eux sont restaurés dans leur état de la fin du XVIIIe siècle. C’est à Olivier Weets, notre architecte en chef des monuments historiques, que nous devons ces partis de restauration, si convaincants et équilibrés. Qu’il soit ici chaleureusement félicité !
Je salue également les centaines des personnes qui auront travaillé de façon acharnée pendant plus de trois années. Le chantier a accueilli au plus fort plus de 600 compagnons et impliqué 80 entreprises. Il a bénéficié de 120 embauches locales, notamment grâce aux clauses d’insertion prévues.
Et je n’oublie pas les équipes de l’INRAP pour les opérations de fouilles, qui ont été, comme toujours, très bien conduites.
Enfin, je voudrais rendre un hommage particulier au député Jacques Krabal, pour son engagement de tous les instants. Il a tant fait et tant milité en faveur de Villers-Cotterêts, et plus généralement pour le rayonnement de la francophonie !
Abritant une institution appelée à jouer un rôle international de premier plan dans la promotion et le rayonnement de la langue française, le château deviendra un pôle d’attractivité de la ville de Villers-Cotterêts et de la région des Hauts-de-France.
Ouvert sur la ville et ses habitants, le château contribuera au dynamisme de la vie culturelle locale, ainsi qu’aux politiques régionales de promotion de la langue française et de valorisation du patrimoine linguistique.
Il permettra de faire revivre cette province du Valois, premier domaine des rois de France, dont le patrimoine si riche est aujourd’hui insuffisamment connu.
C’est tout un territoire qui est à redécouvrir, où se mêle la grande histoire et la grande littérature, dans des paysages de forêts et de plaines d’une infinie poésie.
J’ai d’ailleurs aujourd’hui le plaisir, au nom de Julien Denormandie, ministre de l’agriculture, avec lequel je m’en suis entretenue, de vous annoncer la décision de l’ONF d’attribuer à la forêt de Retz, première forêt du département, le label « forêt d’exception ». Retz est la quinzième forêt française à obtenir cette reconnaissance extrêmement prestigieuse : un atout de plus pour valoriser la région et en faire une véritable destination culturelle et touristique !
Initiative-phare du plan du Président de la République « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme », lancé en 2018, le projet de Villers-Cotterêts constitue la pierre angulaire d’une politique de la langue française et de la francophonie renouvelée, animée et coordonnée par le ministère de la Culture, en étroite collaboration avec tous les autres ministères concernés.
Il s’agit de rendre visible pour nos concitoyens la place qu’occupe la langue française dans la construction de notre lien social. Institution d’envergure internationale, consacrée à l'histoire de notre langue, à sa diffusion et à ses évolutions, la future Cité offrira un centre de ressources et de référence à l’ensemble de la francophonie, y compris dans les domaines de l’innovation.
Il n’est pas encore temps de faire la présentation du parcours qui sera proposé aux visiteurs au sein du Logis royal. Mais je voudrais exprimer à Xavier North – dont je salue la présence ici –, Barbara Cassin, Hassane Kassi Kouyaté et Zeev Gourarier, les quatre commissaires en charge de la conception de l’exposition permanente toute ma reconnaissance et mon admiration. Ils ont conduit une réflexion d’une profonde intelligence et d’une grande sensibilité, alliant la rigueur scientifique et le partage avec le plus grand nombre. Il n’était pas évident de faire de la langue française un objet d’exposition pour le grand public, pour tous les publics. Ils ont relevé le défi avec brio. Je remercie également Paul de Sinety d’avoir su animer les travaux d’un aussi prestigieux aréopage.
Je n’oublie pas le rôle décisif de l’agence Projectile pour dans la réalisation de la scénographie. Je sais que le travail avec ses équipes a été particulièrement fécond. Bravo à elle.
Institution à vocation internationale, la Cité viendra aussi répondre aux besoins et aux attentes des habitants de la région, en matière de langue française, de francophonie, et de diversité linguistique, tels que le formule le pacte linguistique Hauts-de-France que j’ai signé en décembre 2020, avec les représentants de la Région Hauts-de-France, du Département de l’Aisne et de la Communauté de communes Retz-en-Valois.
Nous allons justement célébrer la Semaine de la langue française et de la francophonie, qui a débuté samedi dernier partout en France mais aussi à travers le monde.
Cette « fin de semaine », pour utiliser l’expression québécoise, le château de Villers-Cotterêts vibrera à l’unisson, même si le chantier n’est pas tout à fait terminé, grâce à une riche programmation tournée vers la francophonie et la langue française.
Nous aurons tout à l’heure la chance de découvrir un projet concret issu de la mise en œuvre de ce pacte linguistique : le Laboratoire mobile des langues, intitulé « ECOUTER-PARLER ». Ce dispositif expérimental, et particulièrement enthousiasmant, sillonnera le territoire des Hauts-de-France pour enregistrer les manières de parler en français et dans les langues régionales (picard et flamand occidental).
Merci à la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, et merci aussi à Olivier Baude, directeur d’Humanum, au CNRS, ainsi qu’à Guy Kaiser et Ruedi Baur, pour avoir conçu et réalisé ce véhicule unique, où l’art et le design sont mis au service d’un projet scientifique majeur.
Le Laboratoire Mobile, à la fois ludique et scientifique, sera crucial pour la connaissance de notre langue. Il est destiné à être étendu à toutes les autres régions de notre pays, pour constituer la plus grande base de données de langues parlées en France. Je me réjouis qu’à travers ce patrimoine sonore français on puisse témoigner de l’incroyable diversité linguistique de notre pays.
Qu’il me soit permis (à moi qui ai publié un livre partiellement rédigé en breton), de le souligner : pour s’être construit et unifié autour du français, notre pays n’en abrite pas moins de très nombreuses langues régionales. Nous ne pouvons opposer la défense de l’une à la promotion des autres. Nous devons faire les deux à la fois ! Défendre la langue de la République et encourager tous ceux qui le veulent à cultiver le parler du lieu où ils ont leurs attaches.
La reconnaissance de la diversité linguistique est l’une de mes priorités, au même titre que la promotion de la francophonie et des enjeux de cohésion sociale portés par la langue française.
Si depuis 1539, conformément à l’ordonnance de Villers-Cotterêts, le français est la langue commune de notre pays, l’un des enjeux d’une politique du français est de réaffirmer le droit au français, en cherchant à réduire les inégalités d’accès au français à travers notamment la lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage du français pour les étrangers non francophones. Savoir parler, lire, écrire le français : c’est un pouvoir extraordinaire. Le pouvoir de dire ce que l’on veut. Le pouvoir de l’élégance. Celui de la clarté et de la distinction. « La langue française, disait Maupassant, est une eau pure que les écrivains maniérés n'ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. »
Le français, en outre, tel qu’il s’est développé à travers les siècles, sur tous les continents, n’est pas la propriété de tel ou tel. Il n’est pas, il n’est plus, le dépositaire ou l’emblème, d’une identité particulière. Il est un instrument de liberté et d’émancipation. Il est un passeport pour l’universel.
Les mécanismes de relégation socio-économique et territoriale comme de non-participation à la vie sociale ont pour corollaire une insécurité linguistique. Ce phénomène constitue un frein à l’épanouissement personnel, un frein à l’insertion sociale et professionnelle, un frein à l’exercice de la citoyenneté.
Aujourd’hui, le phénomène de l’illettrisme est, évidemment, un marqueur des inégalités : 49 % des jeunes n’ayant pas dépassé le collège rencontrent ce problème, contre 4,9 % de ceux qui ont suivi un cursus général ou technologique au lycée.
Je salue l’engagement des pouvoirs publics, particulièrement dans l’Aisne, qui se sont dotés d’un plan ambitieux de lutte contre l’illettrisme et la fracture numérique. Je sais pouvoir compter sur l’implication des signataires du Pacte linguistique Hauts-de-France en la matière, comme sur l’action de la future Cité, maison commune de la langue française, de la Francophonie, et des langues de France.
Mesdames et Messieurs,
Dans ce lieu où a été signé l’acte de naissance officiel de notre langue nationale, dans cette terre d’écrivains, nous avons désormais la chance de disposer d’une maison commune. Il nous appartient désormais de la faire vivre.
André Malraux disait que « La francophonie n'est pas une langue, mais une civilisation capable d'assurer l’avenir du monde. » N’ayons pas moins d’ambition.
Longue vie à la future Cité internationale de la langue française ! Longue vie à la langue française, et à tous ceux qui la parlent !
Je vous remercie.