Le projet de Franck Tallon
Le programme de cette commande correspond à la création d’un œuvre qui marque le quartier Quintaou en tant que nouveau pôle culturel. Elle doit faire le lien entre la Salle Quintaou, ce nouvel équipement, la bibliothèque éponyme toute proche, la place du marché et renvoyer éventuellement aux autres équipements culturels d’Anglet ? Ce lien est porté par une création entre art et graphisme.
Une réflexion née de plusieurs questions puis se résumant à une :
- Comment les villes sont-elles marquées physiquement aujourd’hui ?
- Quels sont les signes urbains forts que l’on perçoit en traversant une ville ?
- L’architecture suffit-elle à créer une identité urbaine ?
- Qu’est-ce qui nous rassemble ici, dans cette ville très étendue, dotée de plusieurs centralités ? Et, plus particulièrement, qu’est-ce qui nous rassemble ici, dans ce quartier, dans ce nouveau lieu de vie ?
Comment le design graphique peut donner un sens fort à un lieu, à un quartier, et créer du lien ?
Le territoire d’Anglet, parfois surnommé « la petite Californie française », a une réalité géographique singulière et riche : le sud-ouest, l’océan, la forêt, la ville et le périurbain. À cette topographies sont liés des usages : ceux des habitants, des gens de passage, des touristes nombreux à Anglet en été. Des usages qui sont à la fois une question de culture et de racines (françaises, basques et gasconnes), d’échanges (apport de « l’étranger » au sens large) et de pratiques de loisirs (surf, golf, rugby, pelote basque, running...).
Le projet de l’artiste a été de jouer avec cette culture collective et de lui donner avec un regard affûté et amusé une matérialité qui la rende visible et lisible sous la forme de « Slogans-graphiques ». Il a à cet effet constitué une bibliothèque de phrases, mots, idées, d'ordre intime, personnel ou partagé lors de sessions d’écriture.
L’œuvre se déploie sur deux échelles.
Le « mur bavard »
Dans une forte densité graphiques, les 200 citations constituées et assemblées par l’artiste ont été traitées typographiquement dans un jeu qui mêle les réalités contextuelles de la ville et les univers du monde du spectacle, des arts de la scène, de la parole, du cabaret, du music-hall, de l’écriture et de l’art contemporain. Cette tentative de tout rassembler et de tout mixer ne raconte pas au final une histoire, mais donne les points de départ d’une multitude d’histoires à croiser...
Brèves, slogans, confidences, pensées s’entrechoquent pour former un nuage qui vient se plaquer contre le mur du hall et l’habiller à la manière d’un tatouage. Les inscriptions faites en peinture en lettres donne un caractère exceptionnel et rare à cette réalisation, soulignant la noblesse du geste et du savoir-faire manuel. Elles évoquent également les murs peints du Pays basque (frontons, maisons,...) et les rideaux publicitaires des cinémas de notre enfance avec leurs jeux de piste visuels.
Souhait de l’artiste
"Situé près du bar, ce mur va devenir un lieu de curiosité et d’échange, tant pour les spectateurs venant aux représentations que pour les personnes de passage venant boire un verre. Ces « peintures-graffitis » blancs et rouges – aux couleurs de la salle – feront appel depuis l’extérieur et attiseront les curiosités. Ce mur parle et fera parler... "
L’enseigne mobile et le garde-corps
De ce mur s’extrait un nom, celui du territoire : Quintaou. Il s’en échappe, en ayant laissé sa trace gravée sur le muret garde-corps de l’escalier situé devant la fresque, pour aller vivre sa vie dans divers lieux du bâtiment. L’enseigne n’est plus pensée comme fixe, mais mobile, pouvant se déplacer contre les vitres du bâtiment, à l’étage sur la scène ouverte de la terrasse, voire sortir sur les marches, s'installer provisoirement devant la bibliothèque ou sur la place du marché. Au-delà du simple signal, elle peut remplir d’autres fonctions, comme constituer le décor d’une performance ou d’une manifestation hors les murs dans le quartier. Ses lettres, à l’inverse des volutes et des richesses graphiques du mur, ont dans leur typographie créée spécialement pour l’occasion une forme massive et un dessin très simple. Ce côté sculptural évoque la matérialité du territoire, là-aussi en contraste avec les pensées qui s’envolent sur le mur. Réalisées en panneaux de Corian® blanc, creuses à l’intérieur, elles disposent chacune d’un dispositif lumineux pour être branchées en série les unes aux autres.
L’artiste lauréat, Franck Tallon, graphiste et directeur artistique bordelais
Franck Tallon travaille dans les champs culturel et institutionnel. Ses réalisations, sur des projets nationaux ou internationaux, se situent au carrefour de l’art et de la production.
Il s’est imprégné très tôt des problématiques de l’architecture et ne cesse, au travers de ses commandes, d’approfondir le lien entre design graphique et urbanisme. Son travail interroge le pouvoir de l’image et du texte dans un environnement urbain surchargé. Il met en jeu un vocabulaire d’hybridations formelles et visuelles qu’il malaxe en tous sens, étire, soumet à de multiples brassages et mixages, afin d’en éprouver l’élasticité comme les résistances. Son graphisme est savamment ludique, singulièrement efficace et ne cesse d’inventer les conditions de sa vitalité.
Au sein de son agence, il développe avec Emmanuelle March et Isabelle Minbielle des projets d’éditions, d’identités visuelles, de scénographies et d’interventions dans l’espace public (1 % artistiques, signalétique, marquage de site, parcours patrimoniaux...). Dans le domaine de l’urbain et de l’architecture, il a réalisé le pavillon de la France pour la Biennale d’architecture de Venise en 2008, l’habillage des Trains TER Aquitaine, la signalétique de la nouvelle école d’architecture de Nantes, le 1 % artistique de la médiathèque de Rouen, etc.
Franck Tallon collabore régulièrement avec de nombreuses maisons d’édition et avec le pavillon de l’Arsenal/Paris, le Point Ephémère/Paris, la Maison de l’architecture en Île-de-France, arc en rève centre d’architecture/Bordeaux, le Congrès et expositions de Bordeaux, le Théâtre national de Bordeaux Aquitaine. Parallèlement, il est directeur artistique et co-fondateur du journal culturel gratuit Junkpage, directeur artistique de la revue Le Festin, artiste associé au TnBA et directeur artistique de La Cub, Communauté Urbaine de Bordeaux.
Bâtiment
Théâtre de Quintaou, allée de Quintaou – 64600 Anglet.
Maître d’ouvrage
Mairie d’Anglet, rue Amédée Dufourg – 64600 Anglet
Maître d’œuvre
Isabelle Hérault, Hérault Arnod Architectes, 123 rue Saint-Maur – 75011 Paris et 16 rue Thiers – 38000 Grenoble. www.herault-arnod.fr. zzz@herault-arnod.fr
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