Elles sont, chacune dans leur domaine, des personnalités emblématiques du monde de la culture. A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, elles livrent un témoignage sur leur parcours et leurs convictions. Huitième volet de notre série : Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo (8/15).

Florence Bourgeois dirige le plus grand événement international du secteur de la photographie : Paris Photo, depuis six ans. Soucieuse de donner de la visibilité aux femmes photographes elle organise l’événement « EllesxParisPhoto », qui se décline en un site internet destiné à mettre en lumière les femmes photographes

Votre talent et votre engagement font de vous une personnalité emblématique du monde de la culture. Quelles sont les principales étapes de votre parcours ?

Mon intérêt pour la culture a été largement favorisé par un contexte familial propice à la curiosité. Entre une mère historienne de l’art et collectionneuse, et un père médecin, parlant latin grec, appuyant ses propos de poèmes et citations, mon regard a été aiguisé par la proximité avec les œuvres, les livres et un goût prononcé pour les voyages. Cet environnement a façonné mon intérêt, puis mon engagement, pour la culture, jusqu’à avoir à cœur, après une expérience dans la finance et l’industrie, de faire se rejoindre cette appétence pour l’univers de l’art avec des fonctions professionnelles. C’est aussi pour légitimer ce choix et cette volonté que j’ai repris des études, après 15 ans de vie professionnelle, à l’Ecole du Louvre et en Histoire de l’art à Paris IV.

La curiosité est le moteur qui me pousse à m’intéresser au travail des artistes, à l’évolution des techniques et des sujets traités. A la tête de Paris Photo depuis 6 ans, j’ai l’opportunité de servir l’écosystème, en m’appuyant sur la qualité de nos galeries et partenaires, pour proposer au plus grand nombre, mais également aux professionnels, un panorama le plus complet de la photographie, des artistes historiques jusqu’à la photographie émergente. Faire connaître, donner l’envie à chacun de découvrir la richesse du médium et potentiellement d’acheter, réfléchir avec les commissaires et les artistes pour comprendre les évolutions et les engagements, sont non seulement des challenges excitants mais également le moyen de nourrir l’imaginaire de chacun.

Dans le domaine culturel, l'égalité entre les femmes et les hommes connaît aujourd'hui encore une situation contrastée. Quelle place les femmes occupent-elles dans votre secteur ?

Si je m’appuie sur la dernière étude menée par le ministère de la Culture, beaucoup reste encore à faire ! 31,5% des artistes exposés dans des festivals sont des femmes, les femmes photographes gagnent en moyenne 45% de moins que leurs confrères, 35% des éditions monographiques sont consacrées à des femmes, 29% des acquisitions des collections publiques le sont d’artistes féminines… 

Ce constat s’applique également hélas à Paris Photo où seulement 25% des artistes exposées sont des femmes, avec la satisfaction toutefois de voir ce taux grimper à 53% dans le secteur Curiosa, dédié à l’émergence. C’est pourquoi le fait de choisir une artiste féminine pour le visuel officiel de Paris Photo ces 4 dernières années, avec Lisa Sarfati, Mickaelene Thomas, Zanele Muholi et Maryam Firuzi, est un parti pris de notre part afin d’offrir plus de visibilité aux artistes femmes.

Votre engagement au service de l'égalité est connu. Comment se traduit-il dans l’exercice de votre métier et dans votre environnement professionnel ?

Forts de ces données qui restent à améliorer, nous avons eu à cœur de sensibiliser le public au travail des artistes féminines. Depuis 3 ans, et dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de la Culture, nous avons créé des parcours dédiés aux œuvres d’artistes féminines, sous l’égide d’un commissaire, Fannie Escoulen puis Karolina Lewandowska. Ces parcours accompagnent le visiteur sous un angle précis, ils ont été accompagnés de prises de paroles, interviews, conversations, livrets… pour éveiller les consciences et faire découvrir le travail des artistes, leur donner une plateforme pour échanger et les faire connaître du plus grand nombre.

La mise en place d’une telle programmation suppose également un dialogue permanent avec les galeries de Paris Photo pour les sensibiliser et les inciter à montrer plus d’artistes femmes sur leurs stands. Depuis l’an dernier, Kering nous accompagne dans ce programme via Women in motion, ce qui contribue à augmenter la visibilité de ces artistes. 

Cette année nous renforçons cet engagement, le programme Elles x Paris Photo vivra tout au long de l’année grâce à un site dédié – ellesxparisphoto.com – où seront publiées chaque mois deux interviews d’artistes femmes.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes qui voudraient entreprendre une carrière dans le domaine culturel ?

Être passionnée avant tout, voir, écouter, lire, comprendre les enjeux des différents acteurs de l’écosystème, se nourrir d’expériences internationales me semblent les prérequis nécessaires. 

A titre personnel, ma double formation m’a été précieuse, me permettant, au-delà de l’élargissement de mes domaines de compétence, de considérer les problématiques sous des angles complémentaires, tout en combinant les sensibilités.
 

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