Ce sont près de quarante années d’interventions sur le terrain menées par ce service auxquelles nous rendons ainsi hommage. Dans un territoire aussi urbanisé que le Val-de-Marne, la progression des connaissances suppose une multiplication et une juxtaposition d’opérations archéologiques sur des surfaces en général restreintes dont les apports scientifiques reposent le plus souvent sur une pérennité des équipes de chercheurs. Ce sont aussi des emprises d’intervention contraintes où les questions de pollution des sols, dont les archéologues se préoccupaient assez peu il y a quelques décennies, prennent toute leur place aujourd’hui. De ce point de vue, les protocoles expérimentaux mis en œuvre par le Service Archéologie, en collaboration avec le Laboratoire de la Préfecture de police de Paris, constituent une contribution tout à fait appréciable pour notre discipline.
"territoires, sociétés et conflits"
Le thème retenu pour la journée thématique - « territoires, sociétés et conflits » - n’est sans doute pas le plus simple à aborder, en particulier pour les périodes les plus anciennes pour lesquelles les questions de territoires peuvent être réinterrogées à la lueur des recherches récentes, et pour lesquelles la question des conflits est plus délicate. En revanche, ce thème conduit à s’interroger sur les apports de l’archéologie à l’étude des conflits récents, sous le double regard de la recherche et de la patrimonialisation des témoignages de ces périodes, relativement proches à l’échelle du temps des archéologues.
Si ces questions sont davantage abordées dans des régions concernées par des lieux mêmes des conflits dans le nord et l’est de la France, nous ne devons pas oublier leur impact sur le territoire francilien, à l’image du camp retranché de Paris à la veille de la Première Guerre mondiale. La question ne se limite évidemment pas au simple fait de savoir s’il convient de fouiller ces aménagements et avec quelles problématiques de recherche. Elle doit être menée conjointement à une réflexion sur la "patrimonialisation" de ces vestiges, en accord avec la définition élargie du patrimoine archéologique. Si les milliers de témoignages matériels de ces conflits récents ne peuvent pas tous être conservés, étudiés, le regard croisé de l’archéologue et de l’historien doit être mis à contribution pour identifier ce qui doit être préservé, étudié, et avec quels questionnements. C’est le sens d’une réflexion que nous souhaitons engager avec la Ville de Paris pour l’enceinte de Thiers, dernière enceinte de la ville construite entre 1840 et 1844, puis détruite entre 1919 et 1929. Cette réflexion n’épuisera pas le sujet : les communications présentées à l’occasion de ces journées suffisent à s’en convaincre.
dynamisme de la recherche régionale
L’actualité de l’archéologie francilienne, qui constitue la substance de la seconde journée, montre le dynamisme de la recherche régionale. Il est évidemment frustrant de rendre compte au travers d’un peu plus d’une dizaine de communications de cette actualité particulièrement dense. Les très nombreuses opérations menées sur le terrain, qu’il s’agisse de l’activité préventive étroitement liée au développement économique, ou bien des opérations programmées de recherches dont la DRAC soutient une croissance sans précédent, doivent évidemment contribuer à développer nos connaissances. Elles nous confèrent également une responsabilité particulière, à la fois en terme de diffusion de ces dernières et en terme de programmation. Parce que notre discipline ne saurait se satisfaire d’une simple accumulation – certes nécessaire – d’informations, il nous incombe de mener collectivement un travail de bilan des connaissances dont la finalité sera d’adapter, de repenser ou de réorienter nos objectifs en fonction, par exemple, de nos lacunes et en regard de la programmation nationale. J’avais évoqué cet objectif en 2017 et plusieurs tables rondes organisées (le Paléolithique avant le Dernier Maximum Glaciaire en Île-de-France, l’archéologie du village médiéval) ou en préparation (archéologie des périodes moderne et contemporaine…) contribueront à mener collectivement ce travail difficile mais nécessaire. Ce but suppose également de notre part une exigence accrue dans le domaine de l’archéologie préventive, à la fois dans les objectifs scientifiques des cahiers des charges et dans leur déclinaison, à la fois scientifique et opérationnelle, au sein des projets scientifiques d’intervention.
diffusion, accessibilité de la documentation scientifique, réseau des lieux de conservation
La diffusion des connaissances et l’accès aux données, qu’il s’agisse du soutien aux publications, des réflexions relatives à la mise en ligne des données et à l’accessibilité de la documentation scientifique ou de la constitution d’un centre de conservation et d’études régional articulé avec un réseau des lieux de conservation, constituent également des enjeux pour lesquels nous devons poursuivre nos efforts, singulièrement dans une région qui comporte la plus forte densité d’archéologues, de laboratoires et d’équipes de recherche au plan national.
C’est également le sens de ces journées archéologiques régionales : permettre a chacun de prendre connaissance des acquis les plus récents de l’archéologie de manière diachronique, au-delà des cadres institutionnels au sein desquels nous évoluons.
Stéphane Deschamps, Conservateur général du Patrimoine, Conservateur régional de l'Archéologie d'Île-de-France
- La publication des "Actes des Journées archéologiques d'Île-de-France - Créteil 2018" est disponible à la Drac Île-de-France, Service régionale de l'archéologie
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