A travers une vingtaine d’œuvres emblématiques et inédites d’artistes modernes et contemporains, la scénographie ouvre un parcours allant de l’espace domestique de la jeune femme aux milieux réels et fantasmés du narrateur. L’exposition La Fugitive, qui met en lumière le personnage d’Albertine, a été pensée par Ana Mendoza Aldana, lectrice passionnée de l’œuvre de Marcel Proust en collaboration avec Claire Le Restif, directrice du Centre d’art contemporain d’Ivry.
© Autumn Ramsey, Venus, 2022 Huile sur toile. 76 x 61 cm Photo : Tom Van Eynde Courtesy de l'artiste et Crèvecœur, Paris et © Autumn Ramsey, A bloom, 2022 Huile sur toile. 61x 46 cm Courtesy de l'artiste et Crèvecœur, Paris
La Fugitive est le titre que Marcel Proust donne originellement au VIe tome d’À la recherche du temps perdu. Monument littéraire par excellence, la Recherche est le portrait d’une société "disparaissante" à l’aube d’un nouveau siècle, une longue réflexion sur le souvenir, sur la mémoire, la création, sur la jalousie…
Albertine s’exprime peu tout au long du livre et son image apparaît sans cesse déformée par les états d’âme du narrateur (par son attirance enflammée, par sa jalousie, et par sa quête infatigable de saisir la "vérité" sur l’héroïne).
Si l'écrivain retient Albertine captive dans son appartement dans le Ve tome (La Prisonnière), s’il la fait suivre sans cesse et guette la moindre contradiction dans ses déclarations à chaque fois qu’il la questionne, elle parvient à la fin de l’écrit à échapper à son emprise. Albertine meurt aux premières pages du sixième tome dans un accident de cheval, et par cette mort ultime, l’héroïne, son irrévérence, son mystère inatteignable, échappent à jamais au narrateur.
Albertine est synonyme de liberté dans la Recherche
Petite bourgeoise et orpheline, elle accède progressivement à la haute société, elle se cultive, elle est distinguée et a meilleur goût que les duchesses et marquises qui font la vie mondaine du roman. Albertine s’adonne aussi à l’ombre du regard du narrateur et à celui des bons mœurs de la société du début du XXe siècle, aux plaisirs qui sont les siens.
L’exposition La Fugitive est un hommage à l’univers proustien et une tentative de reconstruction de l’univers d’Albertine et de ses amies. Les artistes réunis proposent tous des œuvres qui suivent le fonctionnement de la Recherche ou qui ouvertement proposent la déconstruction d’une idéologie dominante.
Exposition collective
Chantal Akerman. Née en 1950 à Bruxelles, décédée en 2015 à Paris. Pour La Fugitive est présenté le film La Chambre (1972) avec un dispositif inédit.
Mélissa Boucher, 1985, France (vit au Pré-Saint-Gervais, travaille à Aubervilliers). Mélissa Boucher présente de nouveaux tirages dans le cadre de l’exposition La Fugitive.
Pauline Boudry / Renate Lorenz (vivent et travaillent à Berlin).
Duo d’artistes travaillant ensemble depuis 2007. Elles créent notamment des installations vidéos portant sur l’histoire des personnes queer. Dans le cadre de l’exposition au Crédac, sont exposées la vidéo Opaque, 2014, ainsi que Wig Piece (Entangled Phenomena VI), 2019.
Pauline Boudry / Renate Lorenz, Opaque, 2014. Super 16mm film / HD video © Photo stills courtesy des artistes, Marcelle Alix, Paris & Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam
Cécile Bouffard, née en 1987 (vit et travaille à Paris et Arcueil). Pour La Fugitive, Cécile Bouffard présente une installation composée d’œuvres produites pour l’exposition.
Anne Bourse, né en 1982 (vit et travaille à Paris). Anne Bourse présente un ensemble de nouvelles œuvres dans la cadre de La Fugitive.
Marc-Camille Chaimowicz, 1947, France (vit et travaille à Londres). Pour l’exposition au Crédac, est présentée l’œuvre A Partial Vocabulary (1984- 2008), appartenant à la collection du FRAC Aquitaine.
Marc Camille Chaimowicz, A Partial Vocabulary, 1984-2008, Collection Frac Nouvelle-Aquitaine Méca. © Marc Camille Chaimowicz © photographe : Jean-Christophe Garcia
Jean de Sagazan, né en 1988 (vit et travaille à Paris). Pour La Fugitive, Jean de Sagazan présente deux grandes toiles (270 x 210 cm et 270 x 200 cm) The last dance 6.4 et The last dance 6.5, toutes deux de 2021.
© Jean de Sagazan, The last dance 6.4, 2021. Acrylique, teinture sur coton. Courtesy de l’artiste et The last dance 6.5, 2021. Acrylique, teinture sur coton Courtesy de l’artiste
Marcel Devillers, né en 1991 (vit et travaille à Paris). Dans le cadre de l’exposition La Fugitive, Marcel Devillers écrit et enregistre un ensemble de poèmes inédits et réalise une nouvelle œuvre.
G.B. Jones, née en 1965 (vit et travaille à Toronto). Pour l’exposition au Crédac, sont présentés trois dessins issus des Tom Girls et correspondant à la période d’édition du fanzine J.D (1985-1991).
© G.B. Jones, Motorcycle girls, 1988 Graphite sur papier, 21.5 x 19 cm Courtesy de l’artiste et Cooper Cole, Toronto
Tirdad Hashemi (1991), Téhéran et Soufia Erfanian (1990), Mashad (Iran) vivent et travaillent à Berlin. La Fugitive réunit six dessins réalisés à quatre mains par le couple iranien.
© Tirdad Hashemi et Soufia Erfanian, Kissing you is like jumping in a pool of cream, 2021. Techniques mixtes sur papier. 49,3 x 84 cm (encadré 61,5 x 86 x 4,5 cm) Courtesy de l’artiste et gb agency, Paris
Marie Laurencin 1883-1956, France. Artiste parfois moquée par la mièvrerie de ses peintures, Laurencin est pionnière du dadaïsme et du cubisme. Ses œuvres illustrent des jeunes filles et jeunes adolescents androgynes. Elle fut pendant longtemps la compagne d’Apollinaire, mais aussi de Nicole Groult, costumière ayant imposé la mode « garçonne », et d’Yvonne Chastel, qui entretien aussi une relation avec Marcel Duchamp. Son travail est plus transgressif qu’il n’y paraît. Pour l’exposition au Crédac seront exposées quatre estampes prêtées par le Musée d’art moderne de Paris.
Autumn Ramsey, née en 1976 (vit et travaille à Chicago). Pour La Fugitive, l’artiste américaine montrera deux peintures récentes, et une peinture réalisée pour l’exposition.
© Autumn Ramsey, Seized, 2022 Huile sur toile. 76 x 61 cm Courtesy de l'artiste et Crèvecœur, Paris
Lena Vandrey, née en 1941 à Breslau et décédée en 2018 à Montpellier. Les œuvres de Lena Vandrey choisies pour l’exposition La Fugitive composent une Installation présente dans l’angle-arrière droit de la salle dénommée par l’artiste « Le Cabinet de Curiosités » de son Musée, à Bourg-Saint-Andéol.
Zoe Williams, 1973 (vit et travaille à Londres).
Dans le cadre de La Fugitive, l’artiste montre trois pièces antérieures ainsi qu’une nouvelle sculpture imposante en céramique réalisée dans le cadre de sa résidence à la Villa Asger Jorn à Albissola en Italie.
© Zoe Williams, Carol Rama shoe, 2019. Céramique émaillée à la main, fourrures de lapin. Courtesy de l’artiste et Ciaccia Levi, Paris – Milan et Salmon Heel, 2019 Céramique émaillée à la main avec lustre doré, fourrures de lapin. Courtesy de l’artiste et Ciaccia Levi, Paris - Milan
Programmation de décembre
- Samedi 17 décembre, 16:00
Marcel Devillers lit Je suis Jessica, dis-je, ensemble de poèmes écrits pour La Fugitive. Durée : environ 15 minutes.
Entrée libre.
- Dimanche 18 décembre, 16:00
Visite du dimanche : visite accompagnée de l’exposition par Julia Leclerc, médiatrice.
Entrée libre.
- Jusqu’au 27 décembre, le cinéma d’Ivry - le Luxy propose une programmation de films classiques en version restaurée autour de
La Fugitive. Le regard de six réalisatrices questionne les formes que peuvent prendre la violence et les injonctions morales, mais aussi le désir et l’amour, le besoin d’émancipation et celui de création.
Les rencontres liées à cette exposition sont désormais disponibles en podcast :
- "Marc Camille Chaimowicz" par Marie Canet (critique d’art et commissaire d’exposition) - Anchor, Spotify, Apple Podcasts
- "Identité et auto représentation chez Barbara Hammer" par Martina Panelli (Docteure en études cinématographiques) - Anchor, Spotify, Apple Podcasts
- "Vie et œuvre de Djuna Barnes" par Étienne Dobenesque (éditeur des œuvres complètes de l’autrice américaine) - Anchor, Spotify, Apple Podcasts
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