Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) présente "Les Juifs dans l'orientalisme." Cette exposition propose un parcours dans la peinture orientaliste et s'attache à la représentation et l'imaginaire du Juif comme "oriental" dans l'art, de 1832 à 1929. Cette exposition a bénéficié du soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de- France - ministère de la Culture et de la Communication, de la fondation Pro-MAHJ et de la générosité de mécènes qui ont souhaité conserver l’anonymat. Du 7 mars au 8 juillet 2012.
La route vers l'Orient qu'empruntent les artistes au début du XIXe siècle leur donne l'occasion de découvrir les communautés juives des rives méditerranéennes. Cette rencontre inattendue offre un visage pittoresque à cet Orient souvent rêvé avant d'être visité. Eugène Delacroix au Maroc, Théodore Chassériau en Algérie, emplissent leurs carnets d'esquisses de figures juives, qui nourriront de grandes toiles, en particulier la Noce juive de Delacroix (1841) qui occupe une place inaugurale.
Ces Juifs ignorés en France et en Europe, forment un groupe identifiable, car ségrégué, au sein des populations d'Afrique du Nord. Sans doute sont-ils plus accessibles aux voyageurs, en raison des liens familiaux, où des réseaux, qu'ils peuvent entretenir avec l’Occident. Peut-être sont-ils moins rétifs au portrait. Ils sont des intercesseurs privilégies du monde arabe.
L'exposition présente des œuvres d'Eugène Delacroix, Théodore Chassériau, Alfred Dehodencq, Jean Lecomte du Nouÿ, Wilhelm Gentz, Charles Cordier, Lucien Lévy- Dhurmer, David Roberts, Thomas Seddon, Jean-Léon Gérôme, Gustav Bauernfeind, Alexandre Bida, Gustave Moreau, Alexandre Cabanel, Horace Vernet, Lawrence Alma- Tadema, William Holman Hunt, James Tissot, Maurycy Gottlieb, Lesser Ury, Zeev Raban, E.M. Lilien, Abel Pann, Reuven Rubin, Nahum Gutman…
Théodore Chassériau "Juives d’Alger au balcon" 1849 Musée du Louvre © Daniel Arnaudet / Réunion des musées nationaux, Paris |
Au-delà de l'Afrique du Nord, le périple en Terre sainte est porteur d'enjeux plus symboliques. Mus par des aspirations religieuses et une nouvelle curiosité archéologique, qui s'applique de Égypte à la Mésopotamie, l'Occident poursuit au Proche-Orient une quête de ses origines. Les vues de Jérusalem de peintres tels David Roberts ou Thomas Seddon traduisent ces recherches. Les empreintes des mondes juif, arabe et chrétien se fondent alors dans une peinture biblique renouvelée. Un bédouin devant sa tente incarne une belle figure d'Abraham chez Horace Vernet, tandis qu'une synagogue de Jérusalem abrite un Jésus prêchant chez Tissot ou Hunt. L'orientalisation de la Bible est particulièrement sensible dans l'illustration d'épisodes ayant pour cadre l’Égypte (Joseph) ou la Perse (Esther), et tirer parti des connaissances acquises sur l'Antiquité.
Dans un contexte où est échue à la peinture la mission d'écrire l'histoire nationale, l'œuvre de quelques artistes juifs européens s'inscrit aussi dans une problématique identitaire. Ainsi pourra-t-on lire le thème de l'exil à Babylone réinterprété comme une matrice emblématique de l'histoire de la dispersion juive, pour Eduard Bendemann ou Henri-Léopold Lévy. Mais on retiendra surtout l'œuvre fulgurante de Maurycy Gottlieb, qui interroge l'histoire juive a travers sa représentation littéraire, où issue du christianisme, en peignant un Jésus devant ses juges.
Enfin, dans le cadre du projet sioniste promu par Theodor Herzl, en réaction à l'antisémitisme qui se répand en Europe, l'idée d'un "État des Juifs" en Palestine s'accompagne très vite d'une dimension artistique. Au sein de l'école d'art Bezalel, et au-delà, les artistes cherchent à élaborer une continuité entre antiquité biblique et Orient contemporain et à renouer avec une identité juive orientale.
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