Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) présente "Arnold Schönberg "Peindre l'âme". À travers près de 300 œuvres et documents, cette exposition conçue en étroite collaboration avec le centre Arnold Schönberg à Vienne, éclaire un aspect peu connu du grand créateur viennois : son activité de peintre. Du 28 septembre 2016 au 29 janvier 2017.
Compositeur, théoricien et enseignant, poète, chef de file de la Seconde École de Vienne, inventeur du dodécaphonisme... Arnold Schönberg (1874-1951) fut un des plus grands créateurs du XXe siècle. Mais il fut également peintre. Il réalise, à partir de décembre 1908 et pendant quelques années, une œuvre hors norme, dans laquelle les autoportraits et les portraits de ses proches voisinent avec ce qu’il intitulait des Regards – sortes de visions hallucinées –, des caricatures, des scènes de nature ou des études de décor pour ses opéras. Débutant à un moment charnière de son travail de compositeur, cette démarche picturale a valeur de journal.
L’exposition du mahJ est la première manifestation parisienne consacrée à Schönberg peintre, depuis celle organisée par le musée d’Art moderne de la ville de Paris en 1995. Bénéficiant de prêts exceptionnels, elle met en lumière, par un ensemble important de peintures et de dessins, la qualité singulière de cette production, en la situant dans son contexte artistique viennois, avec des œuvres de Richard Gerstl, Egon Schiele, Oskar Kokoschka ou Max Oppenheimer. Par un choix de travaux contemporains de Kandinsky, elle rappelle les liens entre les deux créateurs. L'exposition est accompagnée d'un important programme de concerts, de rencontres, d’activités pédagogiques et d'un livret jeune public.
Cette exposition a reçu le soutien de la direction régionale des Affaires culturelles d’Île-de-France – ministère de la Culture et de la Communication, de la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme et l'Antisémitisme (DILCRA), de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de la fondation Pro mahJ et du Forum culturel autrichien.
Parcours de l’exposition
Affiche de l'exposition, Arnold Schönberg "Autoportrait bleu", 1910 Huile sur contreplaqué, 31,1 x 22,9 cm © Vienne, Centre Arnold Schönberg © Belmont Music Publishers/Paris, ADAGP, 2016 |
Schönberg appartient pleinement au contexte artistique et intellectuel de la capitale autrichienne au tournant du XXe siècle. Autodidacte, il entre dans ce monde par l’intermédiaire de son mentor, le compositeur et chef d’orchestre Alexander von Zemlinsky (1871-1942) et par Gustav Mahler (1860-1911). Les ponts entre les différentes disciplines artistiques sont alors nombreux, et les liens complexes qui unissent ces personnalités engendrent des formes d’explorations du moi et du désir dont les répercussions sur la création sont palpables. Les nombreux portraits et autoportraits qui marquent cette section montrent un monde qui se scrute et analyse sa relation à la modernité. La relation complexe entre Schönberg et le peintre Richard Gerstl (1883-1908) est à ce titre emblématique, et entraîne le compositeur, à travers la peinture, vers de nouvelles formes d’expressions personnelles. Outre les œuvres de ces deux artistes, la section expose des œuvres de Kokoschka, Oppenheimer, Schiele, et évoque le contexte musical où émerge l’apport singulier de Schönberg. |
Schönberg et Kandinsky, convergences et recherches esthétiques. En janvier 1911, Vassily Kandinsky assiste à un concert au cours duquel sont interprétés les Quatuors à cordes, opus 7 et 10, ainsi que les Trois pièces pour piano, opus 11 de Schönberg. Il transpose aussitôt ses impressions en peinture, dans la toile intitulée Impression III (Concert). Les questions que le peintre se pose sur le rapport de synesthésie entre musique et peinture l’incitent à écrire à Schönberg. Cette lettre est le point de départ d'une correspondance nourrie et d’une amitié forte entre les deux grands créateurs. Le Russe sera le premier promoteur de la peinture du Viennois dans les cercles artistiques européens de l’époque, notamment à travers la participation de Schönberg à l'exposition inaugurale du groupe du Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) en 1911 à Munich, ainsi que la publication de l'Almanach en 1912. Des prêts exceptionnels consentis par le musée national d’Art moderne mettront en lumière la façon dont les notions d’harmonie et de dissonance, d’atonalité et d’abstraction, sont abordées par ces deux créateurs.
Arnold Schönberg, Suite, op. 29, pour clarinette, viole, violoncelle, clarinette basse et petite clarinette, 1924-1926 © Vienne, Centre Arnold Schönberg © Belmont Music Publishers/Paris, ADAGP, 2016
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Schönberg est souvent perçu comme un théoricien austère. Pourtant, les archives du compositeur permettent de retracer un quotidien où la dimension du jeu tient une place prépondérante, et engendre des correspondances étonnantes avec ses recherches musicales. Outre ses jeux de cartes, Schönberg a inventé un jeu d’échecs à quatre joueurs, qui témoigne de son intérêt pour les exercices combinatoires. Ceux-ci sont également à l’œuvre dans les nombreux objets qu’il fabrique et dont il se sert pour la composition de ses œuvres, ou dans la mise en place de la méthode dite "dodécaphonique" - à douze tons. Le quotidien de Schönberg, ce sont également les multiples voyages et déplacements qui lui permettent d'affermir une position centrale dans le monde de la musique moderne. Paris voit plusieurs événements organisés en son honneur, dont un festival en 1927. |
Judaïsme, identité et politique. Schönberg entretient une relation complexe avec sa judéité. Né et élevé dans une famille juive autrichienne, le compositeur se convertit au protestantisme en 1898. Si sa pratique religieuse n'est pas marquée, ses recherches artistiques sont animées par un questionnement spirituel. Cet aspect est perceptible notamment dans la correspondance avec Kandinsky. C'est le contexte antisémite allemand et autrichien des années 1920 et 1930, qui conduit Schönberg à effectuer un retour au judaïsme. La presse, qui éreinte régulièrement ses concerts, ne manque pas de pointer son identité juive. En 1921, il est rejeté d’une station balnéaire autrichienne dans laquelle il passe des vacances. Le fameux échange épistolaire avec Kandinsky en 1923, sur fond d’accusation d’antisémitisme, le montre particulièrement sensible au climat politique menaçant qui s’installe. Démis de ses fonctions à l'Académie des arts par les nazis en 1933, il revient au judaïsme à Paris à l’Union libérale israélite de la rue Copernic, avant de s’installer aux États-Unis. En mai 1938, il est l’une des cibles de l’exposition "Entartete Musik" de Düsseldorf, avec ses élèves de la seconde École de Vienne. Aux États-Unis, Schönberg tente de sensibiliser l’opinion publique au sort des populations juives en Europe. A Survivor from Warsaw, composé en 1947, rend hommage aux victimes de la Shoah.
Arnold Schönberg "Gustav Mahler", 1910. Huile sur carton, 45,6 x 44,5 cm © Vienne, Centre Arnold Schönberg © Belmont Music Publishers/Paris, ADAGP, 2016 |
Richard Fisch "Arnold Schönberg posant devant ses peintures" Los Angeles, 1948 © Vienne, Centre Arnold Schönberg |
Vassily Kandinsky "Impression V (Parc)", 1911 Huile sur toile, 106 x 157,5 cm © Paris, Centre Pompidou, MNAM-CCI dist. RMN-Grand Palais / Bernard Prévost |
Richard Gerstl "Famille Schönberg," 1907 Huile sur toile, 110 x 89 cm © Vienne, Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig |
Autoportraits et Visions. Comment comprendre l'impulsion qui conduit ce compositeur a pratiquer la peinture en autodidacte? Schönberg aurait débuté cette activité vers 1906 et la poursuit assidûment jusqu'en 1911. S'il réalise par la suite quelques dessins et autoportraits, l'essentiel de sa production est donc circonscrit dans le temps. La soixantaine d'autoportraits que l'on recense dans l'œuvre de Schönberg est a cet égard symptomatique de ce désir introspectif, tandis que ses Visions se comprennent comme des paysages mentaux à la limite parfois de l'abstraction. Ces peintures sont reconnues par les proches de Schönberg comme essentielles pour comprendre sa création.
Autour de l'exposition
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Informations pratiques
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ) Hôtel de Saint-Aignan 71, rue du Temple 75003 Paris. Horaires d’ouverture de l’exposition : mardi, jeudi, vendredi de 11h à 18h, mercredi de 11h à 21h, samedi et dimanche de 10 h à 19 h.
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