2.Construction et chantier
Les matériaux
Un travail d’identification des matériaux mis en œuvre a été engagé dès la première campagne et un protocole d’analyse des pierres a été mis en place en collaboration avec Ph. Bromblet (CICRP, Marseille), qui a effectué des prélèvements d’échantillons in situ destinés à être analysés en laboratoire.
Un bâtiment en calcaire d’origine régionale
Le bâtiment de scène s’organise autour de son estrade. L’ensemble représente plus de 400 mètres linéaires de maçonnerie, soit près de 20 000 m3 de pierre calcaire mise en œuvre. Ces murs sont construits essentiellement en blocs de grand appareil de calcaire gréseux jaune dont l’origine, qui reste à préciser, parait être régionale.
Différentes variétés de calcaire ont été distinguées par leur couleur (blanc ou jaune), leur dureté et leur granulométrie. En première analyse, il pourrait s’agir selon Ph. Bromblet de calcaires biodétritiques du Miocène moyen à grain grossier roux, qui ont été exploités à Sérignan du Comtat et à Courthezon.
Selon les modes de mise en œuvre, l’apparence de ce calcaire change. Sur la façade nord, une zone se distingue nettement de celle du reste de l’élévation dans une zone centrale située sous les sorties d’eau en canal associées à la toiture de la scène située de l’autre côté du mur.
La plupart des blocs y sont posés en panneresses, alors que dans le reste de l’élévation ils le sont plutôt en boutisses. Cette distinction est sans doute liée à l’histoire des transformations de la toiture de la scène. Deux chapiteaux qui, sur la face nord, encadrent la grande porte axiale, font exception.
Ils sont en calcaire blanc et froid, tout comme les consoles destinées à recevoir les mâts d’un velum et les extrémités latérales de l’assise des sorties d’eau associées aux toits des basiliques du bâtiment de scène.
Il s’agirait de calcaires biodétritiques burdigaliens (Miocène inférieur) à grain fin, qui pourraient provenir du sud de la Drôme (pierre de Grignan et de Saint-Paul-Trois-Châteaux).
Un front de scène à décor en marbres importés
À l’intérieur du théâtre, cinq ordres architecturaux constituaient le décor du front de scène. Les bases, les chapiteaux et les entablements de ces ordres utilisaient – au moins dans leur premier état – un marbre blanc à grain fin provenant de Carrare. Les fûts des colonnes ont été taillés dans des marbres colorés : du marbre Lucullaeum (Africano) de Turquie et du marbre jaune antique (Numidicum) de Chemtou, en Tunisie. Cependant, parmi les milliers de fragments de marbre attribuables au théâtre, un nombre important est daté stylistiquement de périodes postérieures au programme augustéen en Carrare. Certains furent alors taillés dans des marbres du Pentélique ou de Proconnèse. Dans l’attente des futures analyses les premières identifications ont été effectuées, en 2009, par A. et Ph. Blanc sur les fragments conservés au dépôt archéologique d’Orange. De la même manière, la découverte de fûts de colonne en granite de Troade, dont la diffusion dans le Bassin méditerranéen n’intervint qu’à partir du début du IIe siècle, invite à voir dans ces fûts des restaurations. L’identification a été confirmée en 2019 par P. Rochette.
Vers une meilleure connaissance du chantier antique
Un tel chantier mobilisa plusieurs équipes travaillant concomitamment sans qu’il soit possible pour l’instant de déterminer ni leur nombre, ni le nombre d’ouvriers et encore moins la durée du chantier. Les relevés en cours témoignent néanmoins de frappantes dissymétries du plan et de différences aussi bien, par exemple, dans la réalisation des percements que dans la mise en place des charpentes. Le bâtiment, bien que pensé comme globalement unitaire, fut néanmoins sujet à des variations suivant les équipes, les aléas du chantier et sans doute au gré des approvisionnements. Apparaissent ainsi de nombreuses zones laissées inachevées : c’est le cas sur la façade extérieure occidentale où les frises du premier ordre ne furent pas dressées comme le furent les frises équivalentes des autres façades.
Ainsi dans les différentes élévations ont été mis en œuvre, dans des proportions variables, des blocs de calcaire, soit en panneresse, soit en boutisse, parfois à l’exclusion de l’une ou de l’autre technique.
Des vestiges de l’usage d’un outil antique disparu, « la pince à crochet », ont été observés.
Leur recensement systématique révèle, pour de nombreuses assises, le sens d’avancement de la pose des blocs.
C’est l’ensemble de ces données, rassemblé et synthétisé, qui permettra à terme de mieux comprendre l’organisation et la progression du chantier de construction.
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