Des équipes du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et du ministère de la Culture (DRAC de Normandie) publient le 9 septembre 2019 aux PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America) les résultats de leur études de 104 empreintes néandertaliennes découvertes sur le site du Rozel, dans le département de la Manche.

Des empreintes vieilles de 80 000 ans

La récente découverte de centaines d’empreintes de pieds vieilles de 80 000 ans, au cours de fouilles menées au Rozel (Normandie) depuis 2012 par Dominique Cliquet et son équipe (DRAC de Normandie – SRA), offre un aperçu unique de la structure sociale des Néandertaliens. Pour les paléoanthropologues et les archéologues, les empreintes fossiles ouvrent une fenêtre inespérée sur de brefs moments de vie d’espèces disparues. Cependant, les empreintes de pieds attribuées aux Néandertaliens étaient jusqu’alors relativement rares puisque seules 9 empreintes avaient été découvertes sur 4 sites.

Les 257 empreintes de pieds découvertes et analysées par Jérémy Duveau et ses collègues[1] sur le site du Rozel se trouvent dans un contexte côtier à proximité d’une crique formée par une falaise de schiste ; elles furent conservées grâce à l’action éolienne les recouvrant rapidement par du sable lors de la formation d’un système dunaire.

Des analyses morphométriques

Les chercheurs n’ont pas trouvé d’os d’hominines sur le site mais ont cependant mis au jour des outils lithiques similaires à ceux trouvés dans d’autres sites néandertaliens. Ils ont également dénoté que la forme des empreintes de pieds était cohérente avec notre connaissance de l’anatomie néandertalienne. Dans l’état actuel des connaissances, ils soulignent que les Néandertaliens étaient le seul taxon humain présent en Europe de l’ouest au moment de la formation des empreintes. L’analyse morphométrique des 104 empreintes les mieux conservées a révélé qu’elles ont probablement été réalisées par un groupe comprenant 10 à 13 individus. Les estimations de statures effectuées à partir de la longueur et de la largeur des traces suggèrent que la plupart d’entre elles ont été réalisées par des enfants et des adolescents, l’âge du plus jeune individu ayant été estimé à 2 ans. Selon les chercheurs, ces empreintes ouvrent une fenêtre unique sur la taille et la composition des groupes néandertaliens.

Référence : The composition of a Neandertal social group revealed by the hominin footprints at Le Rozel (Normandy, France)

Jérémy Duveau , Gilles Berillon , Christine Verna , Gilles Laisné , and Dominique Cliquet. PNAS, le 9 septembre 2019.

 [1] Ces travaux ont impliqué des équipes du laboratoire « Histoire naturelle de l'Homme préhistorique » (MNHN/CNRS/ Université de Perpignan - Via Domitia) et du Centre de recherche en archéologie, archéosciences, histoire (Université Rennes 1/Université du Mans/Université Rennes 2/Université de Nantes/CNRS/Ministère de la Culture)

 

Conférence de presse

Pour présenter ces travaux, une conférence de presse s'est tenue à la Direction régionale des affaires culturelles de Normandie le mercredi 11 septembre 2019 en présence des auteurs de l'article.

Conférence de presse

Présentation des moules des empreintes

Les auteurs de l'article paru aux PNAS ont ainsi pu rappeler que les empreintes découvertes au Rozel sont le fruit de fouilles archéologiques minutieuses, conduites depuis plusieurs années, et ayant permis d'envisager le lieu (par la découverte d'ossements : définition de son aire de travaux de boucherie, de foyer, de amas de débitage...) mais aussi d'extraire un nombre très important d'empreintes de pas.

Ces extractions ont été conduites par le biais de moulage et en respectant des techniques non destructives eu égard à leurs fragilités. Par la suite, des modélisations en 3D ont été réalisées permettant d'estimer, par application d'écart de dimensions entre les nombreuses empreintes, le nombre d'individus ayant vécu sur le site mais aussi leurs allures et leurs statures.

Les écarts de dimension déduits de ces empreintes permettent également de connaître la taille du groupe qui vivait sur les lieux : 90 % des empreintes étant associés à des enfants / des adolescents et une minorité à des adultes.

Le site du Rozel est un site unique au monde. Il constitue le plus gros corpus d'empreintes néandertaliennes connues à ce jour. Et, la publication aux PNAS de cet article renforce le caractère exceptionnel de cette découverte.