Margharita Rita Shevchenko est une artiste ukrainienne réfugiée en France depuis avril 2022. Dans le cadre de la 3e édition de l’Été culturel, elle offre au public un voyage vers l’Europe de l’Est au rythme des chants ukrainiens dans le cadre de la programmation “Musique d’ici et d’ailleurs dans le Vexin” du Festival baroque de Pontoise. Rencontre avec la jeune soprano.

 

En raison des événements dramatiques en Ukraine, vous avez dû quitter Odessa. Comment s’est déroulée votre arrivée en France ?

Il m'a été très difficile de quitter l'Ukraine. Je n'avais pas l'intention de partir mais je devais le faire car chaque jour la situation à Odessa empirait. On entendait de plus en plus d'explosions et de raids aériens. Je me suis finalement résignée à partir lorsqu'une roquette a volé au-dessus de ma tête dans le centre-ville et a explosé quelques secondes après dans une direction inconnue. C'était très effrayant. Mes parents étaient très inquiets pour moi et ils m'ont persuadée de partir. À Odessa, j'ai dû laisser mon père, qui s'occupait de mon grand-père, malade et mourant, deux grands-mères, des amis, toute ma vie…

 

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La pratique de votre art a-t-elle joué un rôle dans votre intégration en France ?

Ma pratique du chant a orienté mon choix pour la France. C'était le deuxième mois de la guerre, le conservatoire d'Odessa ne fonctionnait pas, personne ne savait ce qui allait se passer ensuite… Je me suis donc inscrite dans un autre conservatoire en Europe, pour continuer mes études. Je savais que l'un des meilleurs conservatoires d'Europe se trouvait à Paris, alors je leur ai écrit une lettre à laquelle j'ai joint une vidéo de moi en train de chanter. Malheureusement, on m’a annoncé qu’il n'y avait plus de places disponibles. Mais quelques heures plus tard, j'ai reçu une lettre personnelle du professeur Pascal BERTIN qui a décidé de m'aider. Je suis maintenant fière et heureuse d’être auditrice libre au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

 

La DRAC Île-de-France vous a choisie pour chanter lors du lancement de cette 3e édition de l’Été culturel, à l’Hôtel de Noirmoutier, en présence du préfet de région. Comment avez-vous vécu ce moment ? Est-ce important pour vous de continuer à chanter le répertoire musical ukrainien en étant en France ? 

J'ai été ravie de chanter pour le lancement de l'Été culturel à l’Hôtel de Noirmoutier. J'ai adoré ce concert ! Le public m'a accueillie chaleureusement, ainsi qu’Anton VASYUKOVICH qui m’a accompagnée au piano. J'ai eu un grand plaisir à interpréter des compositions ukrainiennes et je suis heureuse que les gens aient entendu des  chansons folkloriques, des airs d'opéra ukrainiens arrangés par d'étonnants compositeurs de mon pays. C'est très important pour moi et je suis fière de présenter notre belle musique ukrainienne au public français. L'Été culturel est pour moi une belle occasion de continuer à pratiquer mon art et de faire découvrir au public la beauté de la musique ukrainienne. Je suis reconnaissante de cette opportunité, et ce d’autant plus en cette période si difficile pour tous les Ukrainiens.

 

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Vous avez participé au projet “Musiques d’ici et d’ailleurs dans le Vexin” du Festival Baroque de Pontoise dans le cadre de l’Été culturel. Comment cela s’est-il passé ? 

Je suis très heureuse que les Français s'intéressent à la musique, aux traditions et à la culture ukrainienne en général. Je suis toujours enthousiasmée de parler de ma ville natale et préférée, Odessa, et de l'Ukraine. Le 8 juillet a eu lieu mon dernier concert au Festival Baroque de Pontoise. La pianiste Kira MAIDENBERG-TODOROVA, également originaire d’Ukraine, et moi avons donné trois concerts à Genainville, Marines et Théméricourt. Les concerts ont eu lieu dans de belles églises. Il s’agissait de mes premiers concerts en solo avec un riche répertoire ukrainien en France ! Avec ce festival, je commence ma carrière de chanteuse professionnelle. J'apprécie et je suis très reconnaissante envers mes professeurs et à toutes les structures qui m'invitent à jouer et m'aident dans cette période difficile. Grâce à cela, je peux continuer mes études et commencer ma carrière en France.

 

Depuis votre arrivée en France, percevez-vous un intérêt des Français pour la culture ukrainienne ? 

Le public nous a accueillis, moi et Kira, très chaleureusement et avec beaucoup de plaisir. J'ai apprécié chaque concert ! Nous avons rencontré beaucoup de gens qui nous ont remerciés d'être venues partager la culture ukrainienne. Au dernier concert, il y avait également des Ukrainiens qui étaient heureux d'entendre leur musique natale même en étant physiquement loin de leur pays. C'est ce qui rend ce festival unique. Nous avons l'opportunité de venir dans de petites villes et de jouer des chansons d'Ukraine et d’ailleurs pour les Français mais aussi pour les réfugiés.

 

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Quels sont vos projets à venir ? 

Depuis mon arrivée en France j'ai chanté à six concerts et il y a au moins trois autres concerts prévus avant la fin du mois de septembre ! Le 19 juillet, je suis invitée par le chef d’orchestre et violiste Jordi SAVALL pour interpréter des musiques ukrainiennes ainsi que ma propre chanson à l’Abbaye de Fontfroide. D’autres concerts sont encore prévus dans les prochains mois, notamment le 17 septembre à l’église de Courdimanche dans le Val d’Oise. J’ai hâte de vivre tous ces moments de partage avec le public. En Ukraine, j’avais commencé le tournage de mon second clip mais j’ai dû l’interrompre à cause du début de la guerre. J’aimerais tourner la suite de la vidéo en France.

 

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Crédits photos : Rita Shevchenko (photos 1 à 3), DRAC Île-de-France (photos 4 et 5)