Une équipe de l'Inrap fouille jusqu'en mars 2015, sur prescription de l’État (Drac Ile-de-France), 100 m² des caves du Monoprix Réaumur-Sébastopol à Paris (2e arr.) avant leur réhabilitation en lieux de stockage. L'abaissement du niveau de sol d'une partie des caves du deuxième sous-sol a entraîné la découverte de nombreux ossements humains liés au cimetière de l’hôpital de la Trinité. Ces recherches permettent d’étudier, pour la première fois à Paris, un contexte hospitalier au sein même de la ville qui abritait plusieurs établissements de ce type.

Paris: Deux cents squelettes retrouvés sous un Monoprix

L'immeuble Félix Potin et le cimetière de la Trinité. Le Monoprix Réaumur-Sébastopol occupe l'ancien immeuble Félix Potin, construit à l'emplacement du cimetière de l'hôpital de la Trinité, fondé au XIIe siècle et détruit à la fin du XVIIIe siècle.
La fouille des sépultures permet de mieux comprendre les pratiques funéraires mises en place en milieu hospitalier aux époques médiévale et moderne. Elle offre notamment l'opportunité d'observer la gestion des morts par les vivants en cas de crises de mortalité (épidémies, fièvres, famines).

Vue du Monoprix et entrée de l’hôpital de la Trinité

Photos © Denis Gliksman, Inrap

Huit fosses communes. A ce jour, huit sépultures multiples ont été découvertes. Sept d'entre elles comptent entre cinq et vingt individus, déposés sur deux à cinq niveaux. La huitième fosse s'avère beaucoup plus importante avec, pour l'instant, plus de 150 défunts. Ils y ont été déposés avec soin et montrent un mode de dépôt très organisé : au moins deux rangées d'individus sont déposés "tête-bêche", une troisième rangée semblant se développer en dehors des limites de la fouille. Les corps reposent sur cinq à six niveaux. Cette très grande fosse commune dont les limites ne sont pas cernées, paraît correspondre à une crise de mortalité dont la cause n'est actuellement pas connue. Adultes (femmes et hommes de tous âges) et enfants sont représentés. Les restes osseux ne présentent pas de lésions (pathologies, traumatismes) permettant d'identifier la cause de ces décès en masse. Des prélèvements ADN sont en cours afin de la déterminer. Des datations radiocarbone vont également être effectuées pour comprendre la chronologie de ces sépultures multiples.

Démontage des squelettes et vue zénithale de la grande fosse commune

Démontage des squelettes (salle 5) Photos © Denis Gliksman, Inrap

Vue zénithale de la grande fosse commune (salle 2) qui comprend plus de 150 individus © Denis Gliksman, Inrap

Un renouvellement de la connaissance. A l'issue de la fouille, les objectifs de l'étude de cet ensemble seront donc multiples : mieux appréhender la gestion des défunts à travers les modes de dépôts mis en évidence dans les différentes fosses, l'organisation spatiale et chronologique du cimetière et la répartition éventuelle des défunts selon des critères biologiques (âge au décès, sexe...) et sanitaires (épidémie?). L'étude des textes et des plans anciens de Paris permettra également d'apporter un regard complémentaire sur cet ensemble hospitalier.

alignement des corps dans la grande fosse commune et fouille d’une fosse commune

Fouille d’une fosse commune (salle 6) recoupée par les murs de la cave, Photos © Denis Gliksman, Inrap

Alignement des corps dans la grande fosse commune (salle 5) © Denis Gliksman, Inrap

Photos © Denis Gliksman, Inrap, Tous droits réservés

L'occasion de fouiller ce type de contexte est peu fréquente alors que de nombreux aspects des pratiques funéraires associées aux hôpitaux médiévaux et modernes restent méconnus : en France, moins d'une dizaine de sites ont fait l'objet d'une étude anthropologique et les synthèses sur le sujet sont rares. Paris abritaient plusieurs établissements hospitaliers; les résultats de cette première fouille archéologique, croisés avec les sources archivistiques, les éclaireront d'un jour nouveau.

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Aménageur : Monoprix
Contrôle scientifique : Drac Ile-de-France
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Isabelle Abadie, Inrap
Adjoint scientifique et technique : Thibaud Guiot, Inrap