Le Musée de l’Hôtel-Dieu à Mantes-la-Jolie et le musée d’art et d’histoire Paul Eluard à Saint-Denis en Île-de-France présentent l’exposition nationale "Arts de l’Islam, un passé pour un présent" du 20 novembre 2021 au 27 mars 2022. Au total, 18 villes accueillent en métropole et en outre-mer ce projet unique conçu par le musée du Louvre – département des arts de l’Islam et mis en œuvre par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais.

 

Destinée à un très large public et aux jeunes générations en particulier, cette exposition pose un regard inédit sur les arts et les cultures de l’Islam. Une attention spécifique est portée à la médiation culturelle grâce à la conception de plusieurs outils pédagogiques. Le commissariat général de l’ensemble des expositions est assuré par Yannick Lintz, commissaire générale de l'exposition et directrice du département des Arts de l’Islam du musée du Louvre.

Un projet unique 18 expositions 18 villes

Pour chaque accrochage, 10 œuvres, à la fois historiques et contemporaines, issues du département des Arts de l’Islam du musée du Louvre et de collections nationales et régionales, incarneront la richesse des cultures de l’Islam et leur inscription dans l’histoire de France depuis plus de 1 300 ans. Pour Yannick Lintz, directrice du département des Arts de l’Islam du musée du Louvre "L’idée de montrer dans 18 endroits en même temps quelques-uns de ces chefs-d’œuvre des Arts de l’Islam, c’est donner 18 occasions de découvertes, d’initiation pour les jeunes, les familles, ceux qui ne viennent jamais dans les expositions et les musées, d’objets qui deviennent des ambassadeurs culturels."

Cette initiative vise également a éclairer le public sur la grande diversité des territoires et des populations concernées par l’Islam. Les œuvres présentées feront valoir une large variété de pratiques et sensibilités artistiques, évoquant des scènes de vie, la nature, le désir amoureux, un simple décor de palais ou de mosquée. La  commissaire générale de l'exposition indique : "Dans les expositions, il y aura des œuvres d’art qui sont le reflet des sociétés de ces territoires entre l’Europe et la Chine, de leur gout du beau, du luxe, du décor, des usages culturels divers dont ils témoignent."

Dialogue entre les œuvres passées et présentes

Chaque exposition propose une œuvre d’un artiste contemporain d’un pays du monde islamique, reflet d’une vision du monde actuel et du rapport à leur héritage. Yannick Lintz précise que "L’art contemporain international a donné 2 ou 3 générations de créateurs venant des différents pays islamiques : d’Afrique du Nord ; de Turquie ; d’Irak ; d’Égypte ; d’Inde ; du Pakistan… Ils ont des goûts et des modes de production internationaux, comme la vidéo, l’installation".

Nil Yalter (née en 1938 au Caire)  Les Collages de Topak Ev 1973 © Nil Yalter

Plus de 180 œuvres au total seront ainsi présentées au public : une lampe de mosquée du XIe siecle provenant de Jérusalem (musée du Louvre), un chandelier de l’époque de Saladin signé par un artiste de Mossoul racontant la vie de Jésus (musée du Louvre), des boites de toilettes en ivoire du XIIIe siècle ayant appartenu aux duchesses de Bourgogne, provenant de l’abbaye de Cîteaux et aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Dijon, une œuvre de l’artiste Hiwa K, One Room Apartment (FRAC Normandie) ou bien Les Collages de Topak Ev de l’artiste française d’origine turque Nil Yalter à Mantes-La-Jolie.

Présentation de l'événement par Yannick Lintz, commissaire générale de l'exposition et directrice du département des Arts de l'Islam du musée du Louvre.

Deux expositions en Île-de-France

Mantes-la-Jolie et Saint-Denis

Deux communes de deux départements franciliens, deux musées de France parmi les 130 musées de France que compte la région Ile-de-France, les musées territoriaux, d’association, de fondation et les musées nationaux. La DRAC Île-de-France a le souci d’accompagner ces deux établissements de référence de la meilleure façon en répondant aux demandes selon les projets d’exposition, d’acquisitions des collections, de restauration de celles-ci ou de programmation d’actions en direction des publics.

Le Musée de l’Hôtel-Dieu, contrôlé par l’État, devient Musée de France en 2003. Pour célébrer les 25 ans du musée de l'Hôtel-Dieu, la ville a programmé les expositions : "Jean Agamemnon (1921-2003)", une exposition-dossier consacrée au premier conservateur du musée. "Arts de l’Islam, un passé pour le présent", avec le concours du musée du Louvre dont l’inauguration est prévue le 20 novembre 2021.

Musée d’art et d’histoire Paul Eluard contrôlé par l’État devient Musée de France en 2003. Dans le cadre de la Saison Africa 2020 Un.e Air.e de famille invite à penser avec l’art afro-diasporique et révèle l’engagement anticolonial des surréalistes et des  autres artistes des collections du musée dont les œuvres entrent en dialogue avec les pratiques artistiques contemporaines de treize artistes femmes d’Afrique et de ses diasporas. "Arts de l’Islam, un passé pour le présent ", avec le concours du musée du Louvre dont l’inauguration est prévue le 20 novembre 2021.

Musée de l’Hôtel-Dieu à Mantes-la-Jolie

L’évidence pour l’habitant de la ville de Mantes-La-Jolie est de penser au tapis dit "de Mantes", conserve au musée du Louvre depuis 1912, quand on parle des Arts de l’Islam. Ce tapis de près de 8 mètres de long, qui décorait auparavant la collégiale Notre-Dame de Mantes, est un exemplaire exceptionnel d’un tapis iranien du XVIe siècle, évoquant les activités favorites des princes iraniens de l’époque entre chasses et plaisirs du jardin. Le tapis, intransportable aujourd’hui jusqu’à Mantes-la-Jolie, est évoqué par un film immersif et expose durant la durée de l’exposition au département des Arts de l’Islam.

Portrait de Hasan Beg Torkaman XVIIIe siècle,  27,9 cm x 19,5 cm cm N°inv : MAO 1219 / Ancienne Coll. Garabedian © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux & Stèle funéraire aux deux épitaphes, provenant de La Mecque Xe s. et 3m quart du XVe siècle 72 x 49 x 10 cm N°inv : MAO 1224 © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski

Une autre œuvre remarquable prêtée par le Musée des Arts Décoratifs de Paris nous plonge dans le même contexte artistique et culturel. Il s’agit d’une reliure exceptionnelle peinte et vernis de cette époque ou la capitale iranienne d’Ispahan attirait les artistes depuis l’Inde jusqu’en Méditerranée. Cette Cour safavide est aussi évoquée par le portrait de Hasan Beg Torkaman, poète excentrique et facétieux de l’époque de Shah ‘Abbas Ier.

Rapport de lois universelles #2 20.03.2013 19h21 © ADAGP, Paris 2021 Courtesy Hicham Berrada et galerie kamelmennour

L’exposition offre par ailleurs, une ouverture sur de multiples thématiques profanes et religieuses. Une coupe peinte avec un couple amoureux provenant d’Iran oriental évoque les routes de la Soie entre la Chine et l’Iran en passant par Samarcande et Boukhara. Cette œuvre nous montre que ce thème de l’amour est présent dans l’art islamique dès les premiers siècles.

A la même époque à la Mecque, les pierres tombales en basalte présentent une calligraphie coufique parfaite, comme l’exemplaire du musée du Louvre sélectionné. Deux œuvres évoquent les liens du monde islamique avec l’Europe : le chandelier syrien aux armes des Soldanieri de Florence, du temps des Croisades et le superbe casque "à la Turque" destiné à être offert par la Maison d’Autriche au Grand Vizir Sinan Pascha d’Istanbul. Cette œuvre fait partie des prêts prestigieux du Musée de l’Armée.

Casque à la "turque" Allemagne vers 1590 Fer, 27 cm x 22 cm x 31 cm © Paris - Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Emilie Cambier

Musée d'art et d'histoire Paul Eluard à Saint-Denis

Cette ville et sa basilique ancrent les Arts de l’Islam dans un destin français royal avec l’une des plus importantes œuvres islamiques qui fut conservée dans le trésor royal de la basilique jusqu’à la révolution française. Il s’agit de la célèbre verseuse en cristal de roche sculptée fabriquée dans les ateliers royaux du Caire au XIe siècle et mentionnée dans les inventaires de la basilique des 1505. Cette œuvre trop fragile n’a même pas pu faire le voyage vers le Nord… Mais le musée du Louvre rend hommage magistralement a cette histoire de France avec les grands chefs-d’œuvre de sa collection transportes a Saint-Denis pour l’occasion.

Clef au nom du sultan al Malik-al-Nasir Faraj Ibn Barquq Égypte XIVe ou XVe siècle Métal (fer)  34 x 10,3 cm © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

Le choix des œuvres et de leur confrontation dans un même espace nous apporte des visions époustouflantes. La fameuse clef de la Ka’ba au centre de La Mecque a été offerte par le sultan mamelouk Faraj al Barquq. Considérée comme une œuvre exceptionnelle par sa charge symbolique et sa provenance prestigieuse, cette œuvre est présentée en voisinage de la vidéo de l’artiste franco-algérienne Halida Boughriet Transit. Au-delà du paradoxe de la confrontation entre le drame humain des migrations modernes, et le symbole du lieu de pèlerinage de tous les musulmans, les oiseaux dans le ciel sont aussi une correspondance émouvante. Certains hadiths évoquent la crainte révérencielle que provoquait la seule présence, voire le silence du Prophète en décrivant ainsi l’attitude des Compagnons : "comme s’il y avait des oiseaux sur leurs têtes". Une telle attitude s’explique par le pressentiment de l’imminence de la Révélation ou de l’au-delà qui se dégage de la personne du Prophète.

Portrait de Mahd-e Ulya, mère de Nasir Al Din Shah (r.1848-1898)  Iran  1850-1860 Gouache sur papier 23,7 - 53,7 x 29,6 - 41,2 cm © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Claire Tabbagh / Collections Numériques

Après ce moment intense entre ces deux œuvres magistrales, le parcours se poursuit avec d’autres dimensions religieuses révélant l’universalisme des cultures d’Islam, avec un Coran en langue bihari indienne et écriture en caractère arabe et les carreaux a inscriptions hébraïques des maisons du quartier juif de Fès. Un superbe poignard d’apparat iranien révèle la dimension politique de la religion officielle de l’Islam dans un contexte particulier, celui de l’Iran du XIXe siècle. Sa poignée a la forme caractéristique est réalisée en ivoire profondément sculpte de scènes figuratives et inscriptions : l’une en arabe "Qu’Allah donne la victoire, que la conquête soit imminente" ; l’autre en persan "le manche de ta dague conquiert le monde". La légèreté et la magnificence sont aussi au rendez-vous entre ces princesses iraniennes aux seins nus, une verseuse indienne en argent dore et turquoises et une coupe ottomane en jade et filets d’or.