Du 21 avril au 25 juin

Le Crédac, Centre d’art contemporain d’Ivry, présente "Dolphin Dandelion", la première expo­sition personnelle de Nina Canell en France. Le matériau et ses qualités sont au cœur du lexique sculptural intrinsèques de l'artiste (née en 1979, Suède). Commissaire de l'exposition : Claire Le Restif. Du 21 avril au 25 juin 2017.

Le matériau et ses qualités intrinsèques sont au cœur du lexique sculptural de Nina Canell

L’artiste pointe la plasticité des transferts - d’énergie, de matière, de données, de pensées – qui nous envi­ronnent et nous relient, utilisant l’espace d’exposition comme un champ de correspondances. Ses œuvres résultent de la mise en présence de matériaux concrets et de forces immatérielles autorisant l’émergence de relations fluctuantes et inattendues.

Nina Canell, vue de l’exposition Dolphin Dandelion, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2017. © André Morin / le Crédac. Nina Canell, Days of Inertia, 2017. Courtesy galeries Barbara Wien et Daniel Marzona, Berlin.

Des gaines de câble à fibre optique évidées (Shedding sheaths, 2016) décrivent des formes affaissées à même le sol. Rien ne semble indiquer l’innombrable quantité d’énergie partagée par ces artères sous-marines, ves­tiges de notre monde actuel compressé. Ailleurs, des flaques d’eau fractionnée (Days of Inertia, 2015) forment un archipel de surfaces en tension, là, une étagère métallique soutient une couche apathique de sève rampante, plus loin, des fils électriques exercent et coordonnent machinalement leur mémoire de tempéra­ture (Flexions, 2016). Les pièces de l’exposition doucement s’interrompent et se réinventent. À travers elles, Nina Canell souligne la richesse des échanges à l’œuvre dans les intervalles volatiles entre les sujets et les objets.

Nina Canell produit des espaces

Dolphin Dandelion, la première expo­sition personnelle de Nina Canell en France, présente des vestiges matériels et débris qui témoignent de processus caractéristiques de son œuvre, soi­gneusement produits pour répondre au contexte post-industriel du Crédac.

La production d’un espace, ou sa visua­lisation mentale induit un horizon — une ligne de fuite, une trajectoire — la recherche d’un élément insaisissable ou hypothétique que les artistes nomment tour à tour "paysage", "espace", "terri­toire". Communiquer implique de subor­donner les formes au contenu du message de façon à être compris. Ce n’est pas le cas de l’art, qui côtoie le silence, les jeux de langage, les codes par lesquels les artistes nous entraînent parfois dans les méandres du sens. Penser et communi­quer à partir d’un espace ainsi produit ne se limite pas toujours à des données visuelles. Cet espace naît d’un ensemble variable d’éléments métaphoriques ou concrets, qui délimitent un plan visuel à l’intérieur duquel se matérialisent des tensions, apparaissent des perspectives et des impasses.

Nina Canell produit des espaces. Par exemple, elle envisage son exposition selon l’orientation des salles du Crédac : Sud-Ouest, Sud-Est, Sud-Est encore. Ce détail souligne à la fois la manière que l’artiste a de considérer l’espace comme un élément déterminant et la dimension météorologique de son propre travail. La température, l’atmosphère et le temps sont autant de facteurs fondamentaux.

Nina Canell, vue de l’exposition Dolphin Dandelion, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2017. © André Morin / le Crédac. Nina Canell, Satin Ions (Blue), 2017. Courtesy galeries Barbara Wien et Daniel Marzona, Berlin.

Dans l’exposition, de la gomme natu­relle inerte (Gum Shelf, 2017) cohabite avec un groupe de Limax maximus, des limaces nocturnes qui habitent l’installa­tion de la salle Ouest (Energy Budget, 2017). La nuit, vivant et rampant à l’intérieur et autour des panneaux de distribution d’armoires électriques, les limaces dessinent lentement le réseau d’un "budget énergétique sculptural", créant des dérivations résiduelles, quasi chorégraphiques, entre les morceaux de concombres et les câbles sectionnés.

Dans les salles Sud-Est, des fils élec­triques exercent et coordonnent machinalement leur mémoire de forme (Flexions, 2016). Faits d’un alliage de métaux connu pour être doué de mémoire, ces muscles, lorsqu’ils sont chauffés et qu’un courant de haut vol­tage les traverse, parviennent à se souvenir d’un état antérieur. Quand le courant s’interrompt, et à mesure que la température diminue, le fil "oublie", puis lentement se déforme et se relâche sous son propre poids. Ponctuée de sons très aigus, l’œuvre développe un proto-lan­gage qui serait basé sur l’énergie.

Les gaines de câble à fibre optique ont en commun d’avoir été transformés par la chaleur, leur membrane protectrice en partie cuite et comprimée (Shedding Sheaths (B), 2016). Évidées, "elles sont tout sauf inertes, confinées dans cette incertitude morphologique que la tempé­rature a laissée au hasard". Décrivant des formes affaissées à même le sol, rien ne semble indiquer l’innombrable quantité d’énergie partagée par ces artères sous-marines, à l’abandon lorsqu’elles ont été collectées.

Nombre d’œuvres de Nina Canell sont concernées par les énergies

Nina Canell explore l’intervalle, les micro-phénomènes et les imperceptibles relations entre les objets. Ainsi, dans la composition asymétrique (Days of Inertia, 2017), des surfaces d’eau frac­tionnée sont maintenues de manière invi­sible par des nano parois d’air. Nombre d’œuvres de Nina Canell sont concernées par les énergies - celles contenues dans les tubes néons (Satin Ions (Blue), 2017), celles des machines de diffusion de son ou d’ultrasons (Flexions, 2016). Son travail induit aussi différentes formes de radiation, ondes sinusoïdales, éléctro­luminescence, électricité ; toutes sym­boliquement "chargées" de différentes formes d’affection. Récemment qualifié "d’anthropologie de l’énergie", il pointe la plasticité des transferts de matière, données, pensées qui nous environnent et nous relient. Elle utilise l'espace d'exposition comme un champ de cor­respondances, lieu de ce qui advient, est advenu et peut advenir. Nina Canell entretient une curieuse relation avec les objets, proche de l’animisme. Elle dit qu’elle les apporte à l’atelier, les observe longtemps pour comprendre comment ils se comportent et dialoguent entre eux, pour ensuite tra­duire dans l'exposition l’évènement qui se produit uniquement entre ces objets.

Son travail est fortement lié aux sujets contemporains, mouvants et impalpables, comme la dislocation, la fluidité, la trans­mission et son corollaire, la déconnexion. Nina Canell s’intéresse à la possibilité d’une interaction, à rendre tangible l’invisible, en expérimentant dans une démarche classique les propriétés phy­siques des objets et des matériaux. La force immatérielle qui les lie n’a d’égal que leur extraordinaire matérialité, car rappelons-le, Nina Canell est sculptrice.

Claire Le Restif, commissaire de l'exposition

Biographie

Nina Canell est née en Suède en 1979. Elle a fait ses études à l'Institut d'art, de design et de technologie Dún Laoghaire à Dublin, en Irlande. Elle vit et travaille à Berlin. Nina Canell pour son travail emploie des matériaux tels que l'eau, l'air, le chewing-gum ou l'électricité, ce qui permet au processus sculptural d'enregistrer l'intuition, la variabilité et l'échange. Elle collabore fréquemment avec Robin Watkins. Elle vit et travaille à Berlin.

En 2017, elle fait partie du Pavillon Nordique de la Biennale de Venise : Mirrored (Siri Aurdal, Nina Canell, Charlotte Johannesson, Jumana Manna, Pasi "Sleeping" Myllymäki, et Mika Taanila). Actuellement, ses œuvres sont visibles à la Kunsthalle de Vienne (More Than Just Words, coll., 08/03 — 07/05/2017), à la Kiasma - Finish National Gallery à Helsinki (HELLO WORLD!, coll., 31/03/2017 — 14/01/2018), ainsi qu’au Musée Tamayo de Mexico (Ayrton, solo, 01/04 - 31/08/2017).

Nina Canell a récemment montré son travail à l’occasion d’expositions monographiques et collectives, de Shanghai (Reflexology, solo, Leo Xu Projects, 2016) à Venise (Accrochage, coll., Palazzo Grassi, Punta Della Dogana, 2106), en passant par Ivry-sur-Seine (The Registry of Promise, chapitre 3. The Promise of Moving Things, coll., le Crédac, 2014), et Stockholm (Mid Sentence, solo, Moderna Museet, 2014 — 2015).
Nina Canell est représentée par les galeries Barbara Wien (Berlin), Daniel Marzona (Berlin) et Mother’s Tankstation (Dublin).

Cette exposition est soutenue par IASPIS.

Membre des réseaux TRAM et d.c.a., le Crédac reçoit le soutien  de la Ville d’Ivry-sur-Seine, de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France (ministère de la Culture et de la Communication), du Conseil Général du Val-de-Marne et du Conseil Régional d’Île-de-France.

Informations pratiques

Centre d’art contemporain d’Ivry - le Crédac La Manufacture des Œillets  1 place Pierre Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine. Tel.: 01 49 60 25 06. Plan d'accès

  • Ouvert tous les jours (sauf le lundi et les jours fériés) de 14h à 18h, le week-end de 14h à 19h Le Crédac est fermé le 25 mai 2017 (Entrée libre)