200 m² de pavements de carreaux émaillés d’une ampleur inédite et d’une richesse décorative remarquable ont été mis au jour à Saint-Martin-d’Hardhinghem dans le Pas-de-Calais à l’occasion de fouilles réalisées en 2016 dans la perspective de l‘aménagement de retenues d’eau pour gérer les crues de l’Aa.
La conservation de cet ensemble patrimonial unique constitue un enjeu pour la recherche scientifique et la diffusion des connaissances auprès des publics. Le Service régional de l’archéologie de la Drac Hauts-de-France a par conséquent décidé de protéger les pavements, menacés par le projet d’aménagement des digues, en procédant à leur dépose et à leur restauration, en vue de leur préservation et de leur présentation au public.
Cette découverte a été faite lors des fouilles réalisées par l’Inrap, en partenariat avec le centre départemental d’Archéologie du Pas-de-Calais et sous maîtrise d’ouvrage du Syndicat mixte pour l’aménagement et la gestion des eaux de l’Aa, d’une partie de la résidence de campagne des évêques de Thérouanne, datant du second Moyen-Âge.
Un domaine agricole et résidentiel
Le domaine est situé en fond de vallée au bord du fleuve Aa. L’immersion fréquente du site, due à la remontée de la nappe phréatique, a favorisé la conservation de vestiges en bois et d’outils en métal. La dendrochronologie et l’étude du mobilier céramique établissent des dates de construction et d’occupation au XIVe siècle et à la première moitié du XVe siècle.
Les sources documentaires sont rares pour ce site, aussi la toponymie – lieu-dit La Cour Lévêque – apporte-t-elle un premier indice. Grands propriétaires terriens, les ecclésiastiques gardent une forte mainmise sur le monde rural médiéval et les évêques de Thérouanne étaient à la tête d’un diocèse important avant son démembrement au milieu du XVIe siècle. Le site fouillé à Saint-Martin d’Hardinghem est une résidence de campagne, éloignée de 14 km du siège de l’évêché. Très peu de ces résidences ont été fouillées en France, certaines étant encore en élévation, d’autres se trouvant par leur isolement à l’abri des projets d’aménagement du territoire. Elles sont architecturalement très proches des constructions aristocratiques laïques.
Clos de mur, le domaine comprend une partie agricole et une partie résidentielle. Le secteur agricole s’organise autour d’une cour centrale. Il comporte une petite habitation accolée à une grande bâtisse de 360 m² dont le cloisonnement intérieur fait penser à une écurie.
La résidence aristocratique est, quant à elle, entourée de douves de 13 m de large traversées par un pont en bois. Outre une cuisine et une galerie-couloir, elle présente une salle d’apparat de 144 m² équipée d’une cheminée monumentale semi-encastrée. Son sol est couvert de carreaux de pavage décorés.
Un luxueux pavement décoré
Les pavages de la galerie et de la salle d’apparat couvrent une surface totale de 200 m² bien conservés malgré quelques lacunes. Les carreaux présentent des motifs variés, caractéristiques de cette période : lions, aigles, poissons, fleurs de lys, marguerites, chevaliers, figures héraldiques. Majoritairement carrés de 10 x10 cm, ils sont disposés en panneaux séparés par des bandes monochromes. Dans le couloir, les motifs décoratifs sont moins variés et les carreaux sont découpés en triangles ou losanges, composant des motifs géométriques. Certaines zones présentant des traces d’usure et des réfections ponctuelles fournissent des indices sur les espaces de circulation.
L’étude des carreaux reste à faire : origine, mode de production, etc. Ce pavage en carreaux décorés est un signe de luxe ainsi qu’une pièce majeure de l’art décoratif dans l’architecture médiévale. C’est enfin une des rares découvertes de ce type en dehors des lieux de culte.
Partager la page