La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, ont présenté en mai dernier la stratégie nationale en faveur des métiers d’art au Mobilier national.
« Les métiers d’art répondent au besoin de sens, d’objets durables et écoresponsables, à un moment où l’intelligence artificielle percute nos vies, où la valeur du travail est interrogée et où la transition écologique est au cœur des préoccupations ».
Rima Abdul Malak
Le Gouvernement a décidé de déployer un plan de soutien de 340 millions d’euros pour structurer ce secteur et favoriser la mise en place de contrat stratégique de filière. A travers les manufactures nationales et l’ensemble des établissements spécialisés, le ministère de la Culture est le premier employeur en matière de métiers d’art sur le territoire. A travers les dispositifs du Programme d’investissement Avenir et de France 2030, l’État cherche ainsi à soutenir, de manière affirmée, cette filière prometteuse.
Il est à noter que, chaque année, pour mettre en lumière ces métiers d'exception, l'Institut National des Métiers d'Art organise et coordonne les Journées Européennes des Métiers d'Art (2 au 7 avril 2024).
La Normandie, comme beaucoup d'autres régions françaises, est riche d'une tradition artisanale exceptionnelle.
Tour d’horizon des métiers d’art en Normandie...
On compte 281 métiers d’art en Normandie.
- 0.1% des actifs
- 60% de femmes
- 12% de moins de 30 ans
- 44 ans d’âge moyen
- 49% sont indépendants ou employeurs
- 2% sont en apprentissage
- 39% ont un niveau CAP/BEP
- 33 organismes de formation existent en Normandie (21 formations) : CAP, Bac Pro, Brevet des métiers d’art
©Profild’Info
Parmi les métiers d’art en Normandie, on peut citer :
- La verrerie de la vallée de la Bresle (Seine-Maritime), emplacement stratégique depuis le Moyen-Âge, premier pôle mondial du flaconnage de luxe, avec l’entreprise Waltersperger comme figure notable.
- La ville de Villedieu les Poêles (Manche) productrice de cuivre de haute qualité, depuis des siècles et structurée autour de la fonderie de cloches Cornille Havard, de l’Atelier du Cuivre et de Mauviel 1830.
- A Alençon (Orne), l’Atelier-Conservatoire national du point d’Alençon, créé en 1976, rattaché au Mobilier National, entretient l’art ancestral de la dentellerie.
- Les bras de la Seine accueillent également au cœur de l’Agglomération Seine-Eure (Eure), la Fabrique des Métiers d’Art et le Carré Saint Cyr, véritables refuges de la création artisanale contemporaine.
- Le village d’art de Guillaume le Conquérant (ébéniste, céramiste, menuisier…) à Dives-sur-Mer (Calvados).
- La Poterie du Mesnil de Bavent (Calvados)…
Rencontres avec deux acteurs des métiers d'art en Normandie
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Bernard LEROY est le président de l'Agglomération Seine-Eure mais aussi maire de la ville du Vaudreuil. C'est dans ce sillon de la Seine normande que la Fabrique des Métiers d'Art vient de voir le jour. [Interview]
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Bernard Leroy @Sly&SamuelBocquillon
Pouvez-vous nous présenter la Fabrique des Métiers d’Art de l'Agglo Seine-Eure ?
C’est le premier écosystème territorial dédié aux métiers de l’artisanat d’art et du luxe. C’est une synergie puissante qui permet à l’Agglomération Seine-Eure de développer une stratégie pertinente où les professionnels et les acteurs publics travaillent ensemble pour assurer une promotion collective de la production et du savoir-faire français et créer ainsi l’artisanat d’art de demain. Avec cet écosystème d’un nouveau genre, nous faisons du territoire Seine-Eure un territoire pilote de la transformation des métiers d’art, respectueux des savoir-faire ancestraux, ancré dans son temps et à l’écoute du monde qui vient. Nos deux vitrines sont l’Espace Saint-Cyr, dédié aux métiers d’art de création et d’innovation et le château de Gaillon dédié aux métiers d’art de conservation.
Composante essentielle de ce dispositif, le Carré Saint-Cyr. Pouvez-vous nous le présenter ?
Le Carré Saint-Cyr est un des 3 piliers de l’Espace Saint-Cyr, pierre angulaire de cet écosystème. L’Espace Saint-Cyr c’est le XVème siècle faisant face au XXIème siècle. Dans un bâtiment récent, sur 1 000 m² 8 ateliers d’artisans accueillent des jeunes pousses et des talents confirmés, avec des moyens mutualisés, une salle de formation, un salon de créativité, des formations aux nouvelles technologies ou à la conduite d’entreprise.
@Sly&SamuelBocquillon
Le comité de sélection a déjà retenu les 3 premiers locataires, des grands noms dans leur discipline : Prisca Joubert, relieuse d’art, Elsa Dinerstein, céramiste, Manon Auguste, tisseuse et scénographe. Ces ateliers seront un véritable accélérateur de notoriété et de croissance pour ceux qui s’y installent. Face à ce bâtiment, on trouve le square et le Carré Saint-Cyr qui eux sont des lieux d’exposition et de ventes. Le Carré Saint-Cyr est une église du XVe siècle désacralisée qui a été superbement restaurée par Cécile Fort architecte TMF de Rouen et Benoit Maffre, architecte des monuments historiques pour en faire ce lieu inspiré un lieu inspirant, un écrin pour les pièces d’exceptions qui y seront exposées. Cet espace est un lieu ouvert, implanté dans le village comme lieu de promenade et les expositions sont entièrement gratuites, dans une volonté de proposer la beauté et l’exception du geste à toutes et tous.
Quel est le lien entre le Carré Saint Cyr et la Fabrique des Métiers d’art ?
Le Carré Saint-Cyr est l’écrin. Avec la Fabrique des Métiers d’Art nous réunissons tous les intervenants du secteur des Métiers d’Art et du Luxe. Tous ces acteurs travaillent ensemble pour développer les métiers d’art sur le territoire, les développer, les promouvoir. Le Carré Saint-Cyr permet d’exposer et de mettre en valeur les créations et les talents. C’est la vitrine de notre stratégie.
Quels sont les artisans qui côtoient ce lieu ?
Tous les artisans d’art sont les bienvenus sur notre territoire. Nous avons cette passion, du beau, du geste, de la précision et nous souhaitons voir notre écosystème s’étoffer de nouveaux talents. Nous avons les artisans du début, les normands ancrés dans et sur le territoire et des artisans néo-normands, tombés en amour de notre région et convaincus par la stratégie que nous mettons en place. Ce lieu est leur maison. Tout tourne autour des métiers d’art. Tout a été pensé, conçu pour faciliter leur développement et leur promotion.
@Sly&SamuelBocquillon
Quel avenir, quels projets pour le Carré Saint-Cyr dans les mois à venir ?
La deuxième exposition sur le thème de « ce qui nous lie » ouvrira fin septembre jusqu’au 22 décembre. Nous travaillons également sur un programme culturel pour le grand public. Nous avons également l’ambition de l’ouvrir aux entreprises pour leurs évènements d’exception (diners de gala, séminaires…). Nous en sommes au début, nous avons tout à imaginer.
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Valérie DURAND est dentellière brodeuse, responsable de l’Atelier Conservatoire de la Dentelle au Point d'Alençon.
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Pouvez-vous présenter l'Atelier de la Dentelle d'Alençon ?
L’Atelier-conservatoire national a été créé et rattaché à l’administration du Mobilier National en 1976, il est installé depuis 1987, dans des locaux municipaux abritant également le Musée des Beaux-Arts et de la dentelle, ainsi que la bibliothèque. Cet atelier est l’héritier de la Manufacture Royale du point de France fondée par Colbert en 1665 afin de freiner les importations de dentelle au point de Venise. Il compte aujourd’hui neuf dentellières.
La principale mission de l’atelier est de conserver le savoir-faire de la dentelle au Point d’Alençon. Cela passe par une pratique régulière de toutes ses prescriptions techniques, par sa transmission rigoureuse, ainsi que par les recherches qu’elles soient axées sur la technique elle-même (points oubliés) ou sur la traduction d’œuvres d’artistes contemporains qui permettent d’ancrer la technique dans son époque.
Quels projets de restauration, de création en cours ?
Actuellement nous avons trois gros projets dentelliers en cours ou en recherche. Le premier acheté par le Mobilier National en 2020, est l’œuvre « Réseau » d’après l’artiste Tsuyu Bridwell, ce projet met en scène une vingtaine de papillons en origami sur une branche de cerisier séchée. Il sera le premier projet réalisé en trois dimensions par l’atelier.
Réseau ©Atelier-Conservatoire
Le deuxième projet est le lauréat du concours organisé conjointement par le Mobilier National et la Ville d’Alençon, pour célébrer les 10 ans de l’inscription du savoir-faire sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. « L’envol de dentelle » sera une pièce qui s’inscrira également dans l’espace.
L’envol de la Dentelle © Atelier Conservatoire d’Alençon
Le troisième projet est une œuvre proposée au Mobilier National par l’artiste Daria Surovtseva dans le cadre du concours, mais hors concours puisque l’artiste devait être résidant ornais. Cette œuvre hommage à Alençon, qui mesure 100 x 92 cm, sera réalisée conjointement avec l'atelier de la dentelle du Puy en Velay. Il sera le premier projet dentelle mixte réalisé au sein de nos ateliers
Hommage à Alençon © Daria Surovtseva
L’annonce de la ministre permet-elle de mettre en lumière les métiers d’art dont fait partie le métier de dentellière, quel impact pour vos métiers ?
Depuis l’inscription du savoir-faire au PCI, notre métier bénéficie d’une certaine mise en lumière, des actions ont été menées, recrutements, accueils réguliers de stagiaires, ouverture de l’atelier à des classes et mise en place d’une petite pratique amateur. Le ministère est déjà bien engagé dans la conservation et la valorisation de notre métier, puisque nous y sommes rattachés, cette annonce renforcera très certainement les actions qui sont menées depuis plusieurs années. Pour notre part une plus grande synergie avec l’éducation nationale serait intéressante, tant pour le développement de la sensibilisation des jeunes aux métiers d’art, que pour la mise en place d’une formation diplômante pour les dentellières au sein même de l’atelier.
Découvrir l'Atelier-Conservatoire de dentelle au point d'Alençon :
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