L'histoire de la protection des monuments historiques commence néanmoins bien avant. Le poste d'inspecteur des monuments historiques est créé dès 1830 (occupé par Prosper Mérimée à partir de 1834). La commission des monuments historiques voit quant à elle le jour en 1837.
A cette époque, le « classement » au titre des monuments historiques, devenu au cours des temps un instrument de protection juridique, est une instruction faite aux préfets des départements leur demandant de « classer par ordre de priorité » les monuments de leur territoire, prioritaires
pour recevoir des aides de l'État en vue de leur conservation.
Plusieurs listes seront publiées pendant le XIXe siècle, permettant la protection de plusieurs milliers d'édifices et d'objets. Le 30 mars 1887, une première loi sur les monuments historiques est promulguée. Elle formalise le dispositif de protection et de conservation des monuments
historiques construit au fil du travail de la commission et sous l'influence de personnalités telles que Prosper Mérimée ou Viollet-le-Duc. Elle reprend l'ensemble des listes antérieures pour les placer sous ce nouveau régime.
Cette loi reste cependant insatisfaisante. A cela s'ajoutent les problématiques nouvelles posées par la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905. Un nouveau projet de loi doit être élaboré.
Le 31 décembre 1913, après d'importants débats portant notamment sur le problème de l'atteinte inévitable au droit de propriété, la loi relative aux monuments historiques est signée par le Président de la République Raymond Poincaré.
Apports
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Si elle reprend en grande partie la loi de 1887, la loi de 1913 apporte des innovations fondatrices qui vont structurer la politique de protection du patrimoine pour le siècle à venir.
Le premier grand changement réside dans l'article 1er :« Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques ».
Là où la loi de 1887 parlait d'intérêt national, la loi de 1913 parle d'intérêt public. Elle élargit ainsi les critères du classement de manière significative. La notion d'intérêt public permet de couvrir tous les champs du patrimoine, local ou national, et permet surtout de s'adapter à merveille aux
évolutions de la notion de patrimoine, contrairement à la notion d'intérêt national qui réfère autant au territoire national qu'au concept ambigu de Nation.
Ainsi cette loi, l'une des plus anciennes dans le monde n'a été que peu transformée jusqu'à son intégration dans le code du Patrimoine en février 2004. La qualité de cette loi réside dans son adaptabilité à l'évolution du champ du patrimoine.
Deuxième innovation :la loi de 1913 institue, aux côtés du classement, la notion d' « inventaire supplémentaire » destiné à recenser les édifices qui « sans justifier une demande de classement immédiat, présentent cependant un intérêt suffisant pour en rendre désirable la préservation ».
L'inscription sur cette liste entraînant l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble sans en avoir avisé l'autorité préfectorale. Cette disposition préfigure les deux niveaux actuels de protection au titre des monuments historiques, l'inscription et le classement, qui seront
formalisés par une loi en 1927.
Troisième innovation : le troisième changement majeur concerne l'atteinte au droit de propriété. Ici, la loi trouve un équilibre subtil entre respect du droit de propriété et intérêt général. Alors que le loi de 1887 ne prévoyait pas de possibilité de classement sans accord du propriétaire, la
loi de 1913 prévoit la possibilité de recourir au classement d'office, donc malgré le désaccord du propriétaire, mais en passant par un décret en conseil d’État. Le classement d'office pouvant donner lieu au paiement d'une indemnité.
Conclusion
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La loi de 1913 accroît considérablement les pouvoirs de l’État. Là où la loi de 1887 s'était heurtée au droit de propriété, droit fondamental de l’État libéral, la loi de 1913 donne pleinement les moyens de conserver le patrimoine artistique, admettant ainsi les limitations au droit de propriété
que cette conservation entraîne. L'atteinte au droit de propriété reste cependant strictement limitée et encadrée. Le 31 décembre 1913, 5000 immeubles et 30 000 objets mobiliers étaient déjà classés.
Aujourd'hui, près de 44000 immeubles et 260 000 objets sont protégés au titre des monuments historiques grâce à la loi du 31 décembre 1913.
On notera aussi l'introduction de mesures pour les objets :
- l’imprescriptibilité de tous les objets d’art classés quel qu’en soit le propriétaire,
- l'interdiction de l’exportation des œuvres d’art classées,
- l'institution d'un récolement périodique (tous les 5 ans) des objets mobiliers classés.
Les collectivités doivent assurer, à leurs frais, la garde et la sécurité de ces objets.
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